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Berthe Morisot et les impressionnistes

Publié le 17 novembre 2010 par Les Lettres Françaises

Berthe Morisot et les impressionnistes

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Fille d’un préfet du Cher, qui prend des leçons de dessin à Paris en 1857 avec ses deux sœurs et qui expose la première fois en 1874, Berthe Morisot (1841-1895) rencontre Edouard Manet en 1868. Elle devient son éléve et pose aussitôt pour le Balcon, puis pour d’autres toiles de ce peintre n’enseignant son art qu’aux jeunes filles. Cette rencontre est décisive : elle entre grâce à lui dans l’univers des impressionnistes. Et elle n’en sortira plus. Elle expose avec eux au Salon des artistes indépendants dès sa première édition, chez Nadar, en 1874, l’année où elle épouse Eugène, le frère de Manet. Elle est présente à l’exposition de Londres de 1883 et toute son histoire artistique est associée à ce milieu de peintres en rupture de ban.

Comme Manet, à l’époque où elle le connaît, elle se concentre surtout sur son cercle de famille et ses amis. Le berceau (1872), la série des femmes en noir (à l’époque où elle porte le deuil de son père et que Manet a immortalisé dans son portrait au bouquet de violettes), la Nurse (1879), Eugène Manet et sa fille au jardin (1883), le Pâté de sable (1886), le Portrait de Marcel (1886), Julie au violon (1893) – elle a d’abord magnifié cette intimité. Et puis il y a la nature, qu’elle traduit de manière vaporeuse et douce. Mais ses paysages sont assez rares et ils ont la légèreté et la finesse d’une aquarelle. Elle n’a ni l’audace ni l’insolence de Manet ni le goût de la recherche plastique qui a entrainé Claude Monet vers les confins de la représentation. Mais elle a pris chez l’un et chez l’autre ce qui lui servait sans jamais les imiter. Elle est tout sauf un épigone. Elle affirme son caractère et sa conception du monde. Quand elle exécute le Portrait de Madame Richard en 1874, la pose alanguie de la dame rappelle plusieurs compositions de Manet et aussi son Olympia, le tableau qui a fait tant rire au Salon. Mais elle préfère y introduire des nuances douces et tendres et du non finito dans le rendu du mur.

Elle retient l’attention des grands salonniers qui sont aussi de grands écrivains : Emile Zola la découvre au Salon de 1868 et voit en elle une disciple de Corot. Huit ans plus atrd, l’auteur de Nana salue la « gracieuse femme » qu’elle a présentée et parle d’une « vision féminine ». J.-K. Huysmans, plus réservé, vante néanmoins ses « charmants ouvrages ». Mais c’est Mallarmé qui l’estime le plus : « Cette clarté qui traverse les murs, écrit-il, qui harmonise les couleurs, qui anime els formes vagues d’une vie étrange, elle sera retrouvée partout où Madame Morisot a mis sa marque personnelle. » Et c’est encore avec ces mêmes yeux que nous la voyons aujourd’hui.

Gérard-Georges Lemaire

Berthe Morisot, Sylvie Patry et Jean-Dominique Rey
Editions Flammarion, 224 pages, 40 euros.

Novembre 2010 – N°76



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