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10 janvier 1821/Giacomo Leopardi, Zibaldone

Publié le 10 janvier 2008 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


David_ma_mort_de_socrate_1787
Jacques-Louis David (1748–1825)
La Mort de Socrate, 1787
Huile sur toile, 129,5 x 196,2 cm
New York, Metropolitan Museum of Art.
Catharine Lorillard Wolfe Collection, Wolfe Fund, 1931.


LE SUICIDE RAISONNABLE

  « On n’a jamais lu chez aucun auteur ancien qu’on se soit tué par ennui de la vie, alors que la chose est courante chez beaucoup de nos modernes. Voyez le Suicidio ragionato [Suicide raisonnable] de Buonafede. Et parce que de tels faits se produisent aujourd’hui principalement en Angleterre, on croit que c’était une chose commune en ce pays, jusque dans les temps anciens, même si l’on n’en a pas le souvenir. Les poèmes d’Ossian nous montrent combien les anciens habitants de ce pays étaient loin de concevoir l’absolue nécessité du néant et l’ennui de la vie, et plus loin encore de se désespérer et de se tuer pour cela. Les anciens Celtes et les autres peuples de l’Antiquité se tuaient à cause d’un désespoir né de passions et d’infortunes qui n’étaient jamais considérées comme absolument inévitables et inhérentes à la condition humaine, mais propres au désespoir individuel, fruit de l’infortune et du malheur. Le désespoir et le découragement devant la vie en général, la haine de la vie en tant que vie humaine (et non individuellement et accidentellement malheureuse), la misère à laquelle est inévitablement destinée notre espèce, le néant et l’ennui inhérents et essentiels à notre vie, l’idée en somme selon laquelle notre vie par elle-même n’est pas un bien, mais un fardeau et un malheur, n’a jamais effleuré un esprit antique ni un esprit humain avant ces derniers siècles. Au contraire les anciens étaient poussés au suicide et au désespoir précisément parce qu’ils estimaient et se persuadaient qu’ils étaient impuissants, à cause de malheurs individuels, à obtenir et à jouir de ces biens de l’existence auxquels ils croyaient.»

Giacomo Leopardi, Zibaldone, Éditions Allia, 2003, pp. 288-289. Traduit de l’italien, présenté et annoté par Bertrand Schefer.


Note d’AP : Istoria critica e filosofica del suicidio ragionato (1761) d’Agatopisto Cromaziano, dit Appiano Buonafede (1734-1793), moine et philosophe de Comacchio.



Pour en savoir plus sur le

Zibaldonepetiteimage2
de Leopardi, voir l'article que Florence Trocmé et moi-même avions rédigé pour le magazine de Zazieweb, au lendemain d'un entretien avec Bertrand Schefer.

Voir aussi :
- (sur Terres de femmes) 6 novembre 1820/Leopardi, Zibaldone (extraits + article) ;
- (sur Terres de femmes) 2 janvier 1821/Leopardi, Zibaldone ;
- (sur Terres de femmes) Giacomo Leopardi/À Silvia ;
- (sur Terres de femmes) Antonio Tabucchi/Rêve de Giacomo Leopardi, poète et lunatique.




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