Changement d'échelle pour les écolos français

Le parti écologiste français change (un peu) de nom et change d'échelle. Pour l'échelle militante, nous verrons bien. Pour l'échelle d'influence, c'est pour l'instant indubitable. Cela induit de toute façon un changement de rapport au pouvoir, auquel nous ne sommes pas forcément préparés.

Le(s) pouvoir(s) à portée de main

En effet, là où elle n'était qu'une lointaine hypothèse, la prise du pouvoir devient aujourd'hui plus tangible. À tous les niveaux et pour plusieurs raisons : des meilleurs scores et des accords plus intéressants avec les partenaires politiques (essentiellement le PS, mais pas que).

Forcément, dans ce genre de situation, les tensions interpersonnelles se durcissent. Imaginez qu'on passe de la candidature de témoignage à la limite de la corvée, à la possibilité de devenir un notable : député ou conseiller général. Pensez que même les places éligibles sur les listes sont plus nombreuses avec un meilleur score ou un meilleur accord. Alors que seuls les plus convaincus y allaient, nous allons devoir désormais faire face à des luttes entre élus wannabe plus violentes dans la mesure où la victoire est plus probable.

Ce nouvel état de fait nous a frappés par surprise aux élections européennes de 2009, où les places finalement éligibles ont été peu négociées (par exemple, Malika Benarab-Attou et Nicole Kiil-Nielsen sont par exemple élues par surprise, Jean-Paul Besset aussi, dans une moindre mesure). L'augmentation de "l'offre" a été confirmée en 2010 pour les élections régionales.

Ni cynisme ni naïveté

C'est une réalité avec laquelle il va nous falloir composer. Il ne faudrait surtout pas la nier : ni jouer aux bisounours ni se la péter cynique aux dents longues. Les statuts, le règlement intérieur et tous nos gardes-fous sont là. Ne prétendons pas qu'ils feront tout, nos pratiques et le respect d'une certaine éthique sont tout aussi utiles. Mais parce qu'au bout du bout, en politique, il y a des hommes et des femmes avec leurs forces et leurs faiblesses trop humaines, des règles précises et acceptées ont leur intérêt.

Si nous n'acceptons pas cette modification de notre rapport au pouvoir, nous risquons de générer beaucoup de frustration et de déceptions. Deux publics sont concernés, à mon avis :

• les plus anciens militants, habitués à être très loin du pouvoir depuis leur engagement au sein des Verts ;
• les nouveaux militants qui cherchent du "militantisme de fond" et peuvent cultiver une certaine naïveté à l'égard de la pratique politique.

Se mettre à jour et respecter nos valeurs

À mon sens, une personne a bel et bien déjà fait son aggiornamento à ce sujet, c'est Jean-Vincent Placé. Pourquoi ? Parce que d'après ce que je connais de lui (quelques discussions et les interviews) il ne nourrit aucune ambiguïté avec le pouvoir : il le veut. Cette ambition lui vaut d'être conspué régulièrement plus ou moins à raison. Il veut le pouvoir pour lui certes, mais aussi pour les autres membres du parti. Parce que vice-président de la région Île-de-France ou sénateur tout seul, ce n'est pas très utile.

D'autres aussi, sûrement, l'ont compris, aussi bien chez les plus anciens que chez les nouveaux. Qui sont-ils ? Le profil va du cynique carriériste au militant chevronné déjà aguerri en conseil municipal d'opposition, tout le spectre militant est possible. En parallèle, d'autres élu-e-s vont devoir s'habituer à ne plus être les quelques parlementaires stars. Bon, ça leur fera du bien. :-)

En juin 2009, après avoir dessaoulé j'avais écrit ceci :

C'est le double effet de ce bon score : beaucoup d'élus, une assise électorale plus forte (et donc plus de crédibilité) plus un sens de la responsabilité plus développé chez les leaders. Personne n'a envie de déconner, à plus de 15 % il faut être sérieux, c'est plus comme à 4 ou 2,5 %. Désormais il va falloir compter sur nous. Il ne faudra pas décevoir.

C'est plus que jamais vrai.

---

Bonus & rappel - Quelques billets récents à propos d'Europe Écologie Les Verts

• De l'intérêt des coopérateurs
• L'adhésion différenciée à Europe Écologie - ma contribution au débat
• Europe Écologie - Les Verts, en route pour Lyon #avEEnir
• L'électorat d'Europe Écologie : volatilité, stratégie et ni-ni