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Je voudrais bien qu’on m’explique

Publié le 17 novembre 2010 par Lecriducontribuable
Héritage & Progrès

La crise ou l’après crise, la rigueur ou l’austérité, la dette et les critères de Maastricht… j’aimerais bien comprendre.

On nous dit que la dette est préoccupante. Préoccupante ? En fait, quand on y regarde de près, on tombe à la renverse ! Le déficit de tous les budgets de l’Etat depuis 1975, les déficits accumulés de la Sécurité Sociale et les emprunts des administrations centrales et locales, ont fait progresser la dette publique1 de façon inouïe. Elle est passée de 92 milliards2 en 1980 à 363 en 1990, puis à 826 en 2000 et (sans doute) à 1600 milliards fin 2010 ! Une multiplication par 17 en 30 ans.

Les Français, à qui on n’ose pas parler comme à des adultes, n’imaginent pas l’ampleur de cette dette. Quand on nous parle des critères de Maastricht, limitant le déficit budgétaire acceptable pour les Etats de la zone euro à 3% du produit intérieur brut (PIB), on peut avoir le sentiment que le déficit est faible. 3% ce n’est pas énorme. L’ennui c’est qu’il s’agit de 3% du PIB, c’est-à-dire des richesses produites. Or, dans le langage courant, un déficit exprime la différence entre les recettes et les dépenses. C’est là que les chiffres deviennent impressionnants : depuis 1975 le budget de l’État accuse un déficit moyen de 20%. Dit plus trivialement, depuis 40 ans l’Etat dépense chaque année 20% de plus que ce qu’il gagne ! Quand un ménage français s’endette de cette manière, c’est à dire de un cinquième de ses revenus annuels, les banques lui coupent rapidement les crédits. L’Etat peut-il, lui, s’endetter indéfiniment ?

La dette s’emballe dans une mécanique implacable. L’Etat emprunte pour rembourser les emprunts arrivant à échéance. C’est « l’amortissement de la dette ». En langage de tous les jours, cela s’appelle de la « cavalerie financière ». Quand on est un simple citoyen on peut aller en prison pour ça.

Heureusement, dira-t-on, le gouvernement a pris la mesure du problème. Des décisions vigoureuses sinon rigoureuses sont annoncées. Le déficit public passera de 7,7% du PIB en 2010 (avec, notamment un déficit de la Sécurité Sociale ramené de 23 milliards en 2010  à 21,4) à 6% en 2011, puis à 3% en 2013 pour rentrer dans les clous de Maastricht. Ouf ! La dette va donc peu à peu diminuer ? Hélas non ! Le gouvernement annonce en même temps que la dette publique va encore progresser à 1679 milliards en 2011 et 1766 en 2012. C’est à désespérer. Cette dette est un nœud coulant qui nous étrangle peu à peu. La faillite, annoncée dès 2007 par François Fillon est-elle inéluctable ? On peut d’autant plus le craindre que les commentaires sur le projet de budget 2011 sont peu amènes. La commission des Finances du Sénat estime (en usant d’euphémismes courtois) que le gouvernement n’est pas crédible quand il affirme son projet de réduire le déficit publique de 8% à 3% du PIB d’ici 2013. « Qu’on ne me dise pas que l’Etat s’administre une position amère ! Il fait vraiment le minimum… Il faut aller plus loin pour maitriser la dépense » commente le sénateur Philippe Marini.

Dans son rapport n°2 remis au Président de la République en octobre 2010, Jacques Attali est catégorique. Pour ramener la dette publique à 60% du PIB en 2020, il faut être en équilibre budgétaire en 2015. C’est bien ce à quoi tend le plan du gouvernement. Mais, il faut avoir présent à l’esprit que cet objectif ne pourra être atteint que si nous connaissons une croissance de 2% par an, tout en trouvant 75 milliards en dehors de la croissance.  Attali propose 50 milliards d’économies et 25 milliards d’impôts nouveaux. Mon Dieu ! Or, trouver ces 75 milliards est impératif pour cesser d’emprunter, tout en sachant que si nous avons moins de 2% de croissance, il faudra trouver beaucoup plus ! Comment est-ce possible ? Interrogation d’autant plus angoissante que ce sont les prêteurs qui décident bien davantage que nous. Et si les agences de notation devaient dégrader la note triple A de la France, c’est par milliards supplémentaires que s’alourdirait la charge de la dette. Tout cela ressemble à un piège infernal. La montagne de déficits et la pyramide de dettes qui s’élève de plus en plus vite laisse penser au pauvre contribuable qui le découvre effaré que la ruine nous guette. Ce n’est pas le FMI qui nous rassure en évoquant la possibilité d’un krach sur les obligations d’Etat. Ni la Société générale qui a publié fin 2009 un rapport dont un scénario prévoit un « effondrement global » à la suite d’une crise de surendettement d ‘un Etat.

Ne faudrait-il pas dire toute la vérité ?  Quand on mesure à quel point on est proche du précipice, on accepte plus facilement des mesures de sauvegarde même très dures. Si la politique nécessaire ne se fait pas dans la douleur, elle se fera dans le drame.

Après tout cela, si l’on ne veut pas paniquer, il vaut mieux ne pas écouter les économistes. Pour les uns, l’austérité à la britannique est nécessaire. Il faut augmenter les impôts et réduire drastiquement la dépense publique. C’est à ce prix que les déficits et la dette pourront diminuer. D’autres considèrent que l’austérité empêchera la croissance, seul moyen de dégager les ressources pour réduire la dette. Sans compter que si tout le monde applique en même temps une politique d’austérité, on ne voit pas bien qui achètera à qui. D’autres encore imaginent qu’un peu d’inflation ne ferait pas de mal. L’euro fort est-il un handicap ou non ? Qui croire ? Sommes nous entre peste et choléra ?  Comment peut-on s’en sortir ? J’aimerais bien qu’on m’explique…3

En attendant, je songe à la formule de Coluche : « Incontestablement la France va mieux. Pas mieux que l’année dernière, mais mieux que l’année prochaine. »

Bernard Plasait, de « Héritage & Progrès »

1 La “dette publique” est composée des dettes de l’Etat, de la Sécurité Sociale et des administrations centrales et locales. Pour estimer justement la dette totale de la France,  ne faudrait-il  pas ajouter à cette dette publique les retraites à venir des fonctionnaires, la dette des ménages, la dette des entreprises et la dette des institutions financières.  On me dit que ce calcul porterait la dette totale de la France à plus de 300% du PIB !

2  En euros courants.

3   Dans son dernier ouvrage L’Etat est mort, vive l’Etat, Charles Gave explique : « La faillite de l’Etat est probable, elle n’est pas certaine. (…) L’économie française est dans une situation semblable à celle d’un avion qui lentement mais surement perdrait de la vitesse. Un décrochage peut se produire, et c’est la catastrophe. »

« Pour suivre en temps réel le déroulement de la crise qui s’annonce », Charles Gave propose de consulter son site faillitedeletat.com

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