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Observez cette jolie petite joubarbe que illustrait notre dernier billet. Jovibarba. Encore nommée Sempervivum, toujours vivre littéralement. Dénomination paradoxale pour une plante monocarpique : elle fleurit une fois puis elle meurt. Un petit peu comme notre imparfait du subjonctif...
Vous me direz “la barbe !” Jovibarba, la barbe de Jupiter. Nomenclature fort ancienne puisqu’on en trouve trace dans le capitulaire de Villis, un acte législatif de l’époque carolingienne. Vous vous souvenez de Carolus Magnus, l’empereur à la barbe fleurie, ses missi dominici... On nous charmait autrefois à l’école primaire avec ces merveilles. Les missi contrôlaient l’application de la charte. Charlemagne souhaitait garder un oeil sur les cultures des jardins royaux, d’où la présence de listes de plantes parmi les nombreux articles du capitulaire. On déplorait déjà la très mauvais gestion des domaines de Francie ! Il fallait harmoniser tout cela. Toute une équipe de “scientifiques” a participé a la rédaction de l’acte. Dont Alcuin (735-804), un maître à penser de la petite renaissance qui démarre à l’époque. Ces barbares se mettent au latin classique. Mais les bonnes gens n'en ont aucune idée et ne comprennent pas davantage le latin de cuisine des moinillons. Plutôt de recopier encore une fois une bible en latin, on se met à retranscrire ce langage un peu rustique, un peu germanique : le français mon gars ! On ne peut qu’éprouver de la nostalgie pour cette époque où l’on matait le Saxon païen et où l’Europe commençait à ressembler à autre chose qu’un ridicule diocèse de Thrace. Les souverains n'étaient pas dénués d'ambition.« Nous, Charles Premier, voulons que nos grands domaines, que nous avons constitués pour subvenir à nos besoins, soient intégralement à notre service et non à celui d'autres hommes. »
« Que notre domesticité soit bien traitée et ne soit conduite à la pauvreté par personne... »
Pour ce qui est de notre petit jeu d’hier, Lucia Mel a gagné. Il y avait effectivement quatre subjonctifs tout à fait déplacés dans le texte (voir son commentaire). Il suffit de mettre la subordonnée au pluriel pour pouvoir identifier à l’oreille s’il y a lieu de choisir un subjonctif ou un passé simple. “Le président était si performant qu’ils le félicitèrent” fonctionne, il s’agit bien d’un passé simple, il faut choisir “félicita” et non non “félicitât”. C’est très bien expliqué sur cette vidéo dont je me suis servi pour fabriquer mon billet d’hier...
photo : Charlemagne, jardin de la cathédrale, Aix-la-Chapelle