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Karachigate : Pourquoi pas des jurés populaires pour juger l'affaire Karachi ?

Publié le 19 novembre 2010 par Juan
Karachigate : Pourquoi pas des jurés populaires pour juger l'affaire Karachi ?Jean-François Copé, fraîchement désigné à la tête de l'UMP par Nicolas Sarkozy, veut, paraît-il, « aérer » le parti présidentiel. La Sarkofrance est moisie. Un président « hors sol » qui ignore les problèmes du pays, une justice entravée, des ministres qui répètent, comme avant le remaniement, les éléments de langage présidentiel sans distance ni recul.
Depuis mercredi, l'affaire dite de Karachi occupe le devant de la scène, enfin. Tous les médias, même les plus « grands », se sont emparés du sujet. Enfin.
 Cette nouvelle affaire, qui n'est pas une polémique médiatique, bouscule les plans présidentiels. Jeudi, le nouveau Garde des Sceaux Michel Mercier a expliqué que la proposition présidentielle de mardi dernier, l'introduction de jurés populaires « pour les délits les plus graves » serait effective dès 2011. Remaniement ou pas, les ministres restent des perroquets de leur Monarque.
Il n'est pas prévu, à ce stade, de juré populaire pour juger de l'affaire dite de Karachi. Et pour cause, les deux juges qui enquêtent sur les deux volets de l'affaire avancent mais péniblement.
Les médias s'emparent de l'affaire
Même le Figaro fit un article très complet pour expliquer l'affaire Karachi à ses lecteurs, visiblement peu habitués au sujet faute de couverture préalable et régulière. On croyait lire une synthèse expresse, une espèce de sélection du Reader's Digest pour touristes étrangers.
Qu'est-ce donc que ces rétro-commissions ?« Comme dans l'affaire des frégates de Taïwan, on soupçonne vite que le versement de commissions destinées à faciliter la vente des sous-marins au Pakistan a donné lieu au versement de rétrocommissions. C'est-à-dire qu'une partie de l'argent serait revenue en France pour bénéficier à certaines personnes impliquées dans la vente
Pourquoi donc le nom d'Edouard Balladur est-il donc cité ? Ben... il était premier ministre lors de ces ventes d'armements, sa campagne présidentielle a reçu 10 millions de francs en coupures de 500 francs sans justificatifs et ... « Élément troublant, en 1995, les rapporteurs du Conseil constitutionnel, chargés d'examiner les comptes de campagne d'Édouard Balladur, avaient conseillé leur rejet. Un avis non suivi par le président des Sages d'alors, Roland Dumas
Pourquoi donc Nicolas Sarkozy est-il également cité ? Le lecteur du Figaro est-il à ce point ignare ? « En 1995, Nicolas Sarkozy est le ministre du Budget d'Édouard Balladur, ainsi que le directeur de campagne du candidat à la présidentielle. Il paraît donc bien placé, à la fois pour connaître le détail des versements effectués par la France au Pakistan, et pour être au courant d'éventuels financements occultes de la campagne de son mentor.»
Jeudi, Mediapart a publié l'intégralité de l'audition de Charles Millon par le juge Renaud Van Ruymbecke. On imagine déjà les services de renseignement tenter de découvrir l'origine de la fuite. Nicolas Sarkozy a eu chaud. Charles Millon a été interrogé lundi 15 novembre par la justice, la veille de l'intervention télévisuelle du Monarque. Mais il fallut attendre le lendemain seulement pour découvrir la teneur de cette audition qualifiée d'explosive.
Quelles sont donc les révélations ?
1. Charles Millon a déclaré n'avoir jamais eu connaissance des rapports Nautilus des 11 septembre et 7 novembre 2002, révélées aux familles des victimes de l'attentat de Karachi que fin 2008. Ces deux rapports, rédigés par la Direction des Constructions Navales, font état d'un lien possible de causalité entre l'attentat et l'arrêt de versements de commissions à des officiels pakistanais.
2. Charles Millon confirme l'existence de rétro-commissions dans certains contrats des contrats d'armement conclus sous le gouvernement Balladur : il est affirmatif pour le contrat «Agosta» (i.e. la vente de 3 sous-marins au Pakistan), il n'a que des soupçonsJe le crois ») en ce qui concerne une vente de frégates à l'Arabie Saoudite (le contrat «Sawari II»).
3. Le renseignement extérieur de l'époque, la DGSE, a trouvé des traces de mouvements de fonds « qui relevaient de contrats de commissions liés à l'armement », sans obtenir de « preuve tangible », en Espagne, en Suisse, à Malte et au Luxembourg. Il n'est pas prouvé que ces mouvements de fonds incluaient des rétro-commissions.
4. Charles Millon explique qu'il a eu une « intime conviction » de l'existence de rétro-commissions dans le contrat pakistanais : « Pour le contrat pakistanais, au vu des rapports des services secrets et des analyses qui ont été effectuées par les services du ministère, on a eu une intime conviction qu'il y avait rétrocommissions. Cela a été le cas du contrat Agosta et Sawari II
5. Charles Millon confirme qu'un dignitaire saoudien, qu'il rencontra après son arrivée au ministère de la Défense, s'est plaint des intermédiaires choisis par le gouvernement français pour le contrat Sawari II, jugés « trop gourmands ».
Ces révélations/confirmations s'ajoutent à ce que l'on sait déjà, depuis longtemps : (1) Les ventes d'armes françaises à l'étranger s'accompagnent de versement de commissions occultes. (2) Nicolas Sarkozy est au courant de ces commissions versées dans le cadre du contrat Agosta ; (3) ces commissions n'ont pas été intégralement versées.
L'Elysée occulte
Jeudi, les familles de victimes ont demandé l'audition de Nicolas Sarkozy, de Dominique de Villepin et de Jacques Chirac. Leur avocat explique : « Les parties civiles insistent également sur le fait qu'une audition de Nicolas Sarkozy est possible, même s'il est couvert par une immunité présidentielle. Il faut que Nicolas Sarkozy lève toute ambiguïté. » Deux femmes ayant perdu un proche lors de cet attentat le 8 mai 2002 à Karachi viennent de publier un livre. Elles y évoquent leur rage, mais aussi les menaces et pressions qu'elles ont subi depuis des années.
A l'Elysée, on traite ces accusations, pour l'instant, par le mépris. On évite surtout de vouloir y donner une quelconque importance. Devant l'ampleur des réactions depuis mercredi aux déclarations de Charles Millon, il a fallu se forcer. Voici donc Michel Mercier, le tout nouveau ministre de la Justice, qui est envoyé à la rescousse : « La justice n'est pas entravée », la preuve, elle ne cesse de demander des explications ! Quel exercice sémantique brillant ! M. Mercier, sans doute trop récent à son poste car tout juste sorti de son précédent placard ministériel, fait mine de comprendre que l'on critique la lenteur des juges Trévidic, en charge de l'enquête sur l'attentat de Karachi, et Van Ruymbecke, en charge de celle sur d'éventuels financements occultes de la campagne Balladur...
Quand Hervé Morin avait soit-disant levé le secret défense, lors de l'été 2009, sur des documents classés ayant traits à la vente des sous-marins en 1994, le juge Trévidic ne reçut finalement qu'un rapport certes de 137 pages mais dont seuls 6 paragraphes avaient été laissés visibles.
Quand le même juge Trévidic a demandé les PV d'auditions de la mission parlementaires (60 personnes interrogées tout de même !),  le président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer prétexte la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire pour s'y opposer.
Quand son confrère Van Ruymbecke réclame le délibéré le compte-rendu des  échanges entre les « Sages » ayant validé les comptes de campagne d'Édouard Balladur de 1995, alors que les rapporteurs dudit Conseil s'y étaient opposés, Michel Debré, président du Conseil constitutionnel s'y oppose, puisque que l'article 63 de la Constitution  « fixe à 25 ans, à compter de leur date, le délai d'accès à ces documents ». Mais Debré précise que le gouvernement peut tout à fait autoriser l'accès à ces délibérations avant ce délai de 25 ans. Et que dit le gouvernement ? Et bien, le même Michel Mercier, visiblement expert ès langue de bois, explique que « sur le Conseil constitutionnel, c'est tout simple, c'est l'application stricte de la loi.» Et il ajoute : « Les délibérés sont toujours secrets. (...) Le président du Conseil constitutionnel n'a fait que répondre à la loi organique qui garantit ce secret du délibéré. Je rappelle que tout membre du Conseil prête un serment où il jure de garder le secret des délibérés, donc on ne peut pas sortir de cette règle ». Une façon de dire que le gouvernement ... n'autorisera pas l'accès.
Cette Monarchie sent le moisi.



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