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May Ziadé: Une pionnière du féminisme Arabe (Un portrait de Jamil Jabre)

Publié le 19 novembre 2010 par Maitre_zaz

May Ziadé: Une pionnière du féminisme Arabe (Un portrait de Jamil Jabre)Le mouvement féministe qui a pris son essor dans le monde arabe, aux débuts de ce siècle et qui a viré de bord avec la vague intégriste islamique suscitée par le phénomène Khomeiny, ce mouvement promotionnel doit beaucoup à l’écrivain May Ziadé.

Première femme arabophone universitaire, May a consacré le gros de sa carrière sociale et littéraire à défendre les droits de la femme, considérée jusqu’alors comme un être mineur, voire une couveuse ou un simple objet de plaisir. D’ailleurs le titre d’ »Aqila » qu‘on donnait couramment à l’épouse signifie littéralement: attachée par une corde, attachée a son mari telle une monture ou tel un serf à la glèbe.

Q’elle était dans ses grandes lignes, la carrière de cette pionnière téméraire et comment concevait-elle le rôle et les obligations de la femme?

Biographie:

Née à Nazareth, le 11 Février 1886, de père libanais, May Ziadé fit ses études primaires et secondaires au Collège des Visitandines d’Antoura (Liban), puis rejoignit ses parents en 1904 à Nazareth ou elle poursuivit passionnément son auto culture.

A partir de 1908, elle s’installa définitivement au Caire où son père Elias Ziadé (Originaire de Chahtoul près de Ghazir) dirigeait la revue « Al-Mahroussa » et se fit inscrire à l’Université Egyptienne dans la section littéraire.

La femme de lettres:

En 1910, elle publia son premier recueil de poésie lyrique française: « Fleurs de Rêve », sous le pseudonyme d’Isis Copia.

Ses études d’arabe classique terminées, May aida son père dans la rédaction de sa revue. Puis dès les débuts de la première guerre mondiale, elle fonda un salon littéraire qui ne tarda pas à devenir le lieu de rendez-vous des grands esprits de l’époque tels que Taha Hussein, Khalil Moutran, Loutfi Sayyed, Antoun Gemayel, Waheddine Yakar, Mostapha Rafei, Yacoub Sarrout.

Elle passait régulièrement la saison d’été au Liban dans « la cabane verte » construite à son intention, par ses admirateurs à Dhour Choueir.

Après la guerre May se consacra aux Lettres. Elle publiait ses propos dans les plus grandes revues arabes de l’époque: Al-Hilal et Al-Moktataf. Elle les fit paraître plus tard dans une série d’ouvrages portant les titres suivants:
-Bahissat al Badia
- »Aicha Teymour (Biographie des deux principales dirigeantes du mouvement féministe en Egypte).
- »Sourires et larmes » (de Max Scheller, traduits de l’allemand).
- »Propos de jeune fille ».
- »Mélange (choix de conférences)
- »Ténèbres et Rayons (poèmes lyriques en prose)
- »L’Egalité » étude sociologique.
- »Flux et Reflux (Réflexions littéraires).

Depuis 1914 May entretint une correspondance passionnée et passionnante avec Gibran Khalil Gibran, installé à New York. Malgré les sept mille Kilomètres qui les séparaient, selon les dires de Gibran, et malgré les circonstances défavorables qui les empêchaient de se rencontrer, cette idylle unique dans les annales littéraires dura dix-sept ans, c’est à dire jusqu’a la disparition de l’auteur du « Prophète ».

Imbue de culture occidentale, May effectua plusieurs voyages d’étude en Europe.

A partir de 1928 May subit le revers de la médaille. Elle perd coup sur coup les êtres qui lui étaient plus chers, sa mère, son père, puis Gibran. Se sentant très seule, au déclin de la vie, elle sombre dans une dépression accablante.

Elle rentre au Liban atteinte de neurasthénie noire en 1939 et passe six mois dans un asile d’aliénés. Négligée d’abord puis comblée de sympathie par ses amis écrivains, elle recouvre sa lucidité. Et après un an à Freyké, dans l’entourage de Amine Rihani, elle revint au Caire ou elle finit par succomber à ses souffrances physiques et morales le 17 Octobre 1941.

Militante acharnée:

May Ziadé s’est surtout faite remarquer par son activité fébrile pour émanciper la femme, de l’ignorance d’abord, puis du joug des traditions anachroniques afin qu’elle puisse se comparer à l’homme et mériter son droit a l’égalité.

A cette époque la renaissance féminine se manifestait timidement. Elle avait autant besoin de dynamisme que d’orientation rationnelle. Avec Kassem Amine et Bahissat Al Badia, May exerça une influence remarquable sur l’éveil de la conscience de la femme arabe.

May considérait la femme comme l’élément de base dans toute société humaine. Une mère esclave, dit-elle, ne peut nourrir ses enfants que de son propre lait, un lait qui sent forcement l’esclavage.

Cependant, précise-t-elle, l’évolution de la femme ne doit pas s’effectuer aux dépens de sa féminité, mais parallèlement a celle de l’homme. Car si le grand mérite de l’homme consiste dans la réalisation de sa virilité, celui de la femme réside dans sa manière de se parfaire en tant que telle, c’est à dire selon sa propre nature. La virilité, selon May, se manifeste par la force, la lutte d’influence, la volonté de puissance alors que la féminité est synonyme de tendresse, de grâce et de finesse. La culture adéquate est le seul moyen de libérer la femme de ses complexes et de sa condition servile et de lui permettre par conséquent de jouer son rôle polyvalent en tant que reine de foyer, de partenaire à part égale, d’éducatrice et de « bouche utile » dans un travail approprié.

Romantisme à l’oriental:

Romantique, dès son enfance, May subit successivement l’influence de Lamartine de Bryon et de Shelley. Cette influence se manifeste dans toute son oeuvre lyrique qui reflète sa nostalgie du Liban, terre promise, ses idées mystiques, sa mélancolie et son spleen:

« Notre vie écrit-elle dans « Fleurs de Rêve », est ainsi faite que nous laissons un peu de nous-mêmes aux ronces du sentier, et cela a chaque instant.

« …En vain voudrions-nous nous arrêter, mais nous sommes semblables à un torrent ou l’onde qui suit pousse l’onde qui précède. Son eau roule sur des roches rugueuses, tombe en cascades frémissantes, elle voudrait quitter ces bas-fonds inhospitaliers mais elle est forcée d’y demeurer le temps que lui a départi le destin ».

May Ziadé s’exprimait à la fois en arabe, en français et en anglais (sous le pseudonyme de Khaled Nach’at dans l’Egyptian Mail). Elle possédait assez bien, en outre l’allemand, l’italien et l’espagnol.

Sa valeur litteraire:

On distingue dans son oeuvre deux aspects nettement opposés. Comme essayiste, elle se faisait remarquer par sa finesse d’observation autant que par son souci d’objectivité. Pour cette discipline rigoureuse, son style devenait sobre, minutieux tout en gardant sa propre personnalité. Comme écrivain lyrique, elle brillait par son imagination sensuelle capable d’associations heureuses, parfois surprenantes. Il lui importait moins de décrire le réel à grands renforts de faits, d’images vraisemblables ou à la faveur des saisies immédiates sur le vif que de suggérer discrètement ses impressions et créer une ambiance intime communicative. Son style devient alors image, charnu, lancinant et plein de fraîcheur.

De plus elle était douée d’un talent oratoire remarquable.

En lisant May, à vrai dire, on ne sait pas tout à fait si son écrit relève du genre romanesque, du souvenir d’enfance, du conte fantastique, du rêve romantique, de l’évocation historique ou de la confession.

C’est un mélange si spontané, dans un style si pittoresque qu’il nous tient en haleine, malgré certaines bavures ou banalités.

A travers son oeuvre elle tient à nous communiquer tantôt l’intensité d’un bonheur éphémère, tantôt la magie d’un rêve qui nous transporte au-delà de notre existence monotone, en cette luminosité illusoire qui exerce sur nous l’effet d’une transcendance.

Engagée dans son féminisme, jusqu’à la moelle, May a su assumer son temps, tant dans son action que dans ses écrits, témoigner pour sa génération et rattacher l’éphémère à ce qu’il y a de plus durable dans notre existence.

Jamil Jabre, Livre « May femme de lettre », 1962

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