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La fin de la dissuasion

Publié le 22 novembre 2010 par Edgar @edgarpoe

Pour nombre d'électeurs et de citoyens de la région France, l'appartenance à l'OTAN n'est qu'un engagement contractuel réversible.

Sarko nous a mis là dedans mais probablement qu'un jour nous pourrons en sortir. Peut-être, oui, mais dans quel état ?

Commençons par les mesquineries : l'adhésion entière à l'OTAN coutera de 60 à 80 millions d'euros par an (cf. Jean-Dominique Merchet). Il faut bien payer - convenablement -  les militaires français qui seront affectés dans les services de cette institution que de Gaulle jugeait inutile dès 1958 (lire un billet antérieur).

Sans compter les opérations extérieures etc.

Il y a un autre point, c'est que Sarkozy, dans la plus grande discrétion, a décidé de larguer doucement le concept de dissuasion.

A Lisbonne (une ville qui réussit décidemment peu à la France), il a été décidé la participation française au projet américain de bouclier antimissile. En octobre dernier, Hervé Morin, alors ministre de la Défense, estimait que ce projet de bouclier était une "ligne Maginot" moderne.

Là encore, il nous faudra sortir de quelques dizaines à quelques centaines de millions d'euros par an, pour obtenir une place de sous-traitant des Etats-Unis. Comme l'écrit Louis Gautier, nous aurons droit à un strapontin au sein d'un système commandé par les Etats-Unis. Et pour obtenir ce strapontin qui nous placera définitivement en position subordonnée, il nous faudra abandonner tout espoir de défense autonome : nous n'aurons plus de quoi moderniser la force de dissuasion.

*

Il n'y a rien là qui devrait étonner le citoyen un peu conscient de ce qui se passe. La politique monétaire, la politique budgétaire, la politique commerciale, bientôt le droit pénal (avec le "parquet européen"), tout a vocation à passer à Bruxelles, pendant que Bruxelles restera inféodée aux Etats-Unis (qui ont financé la construction européenne depuis ses débuts pour neutraliser les états européens).

Quand je lis donc, sous la plume de Louis Gautier, que le sommet de l'OTAN éloigne la France de l'ambition d'une défense européenne, je me bidonne. Il faut véritablement être aveugle pour ne pas avoir vu, depuis au moins le rejet de la CED facilité par Mendès-France, que les projets de défense européens sont systématiquement placés dans un cadre atlantique.

L'Allemagne notamment préfère un cadre atlantique à un cadre européen, sachant que ce qu'elle préfèrerait fort probablement  c'est une défense autonome (en 1954, la RFA avait obtenu le droit de se retirer de la Communauté Européenne de Défense en cas de réunification. Cf. le rappel de ce point par Pierre Mendès-France en 1954). Du point de vue allemand, la défense française et la dissuasion sont des nuisances : "L'Allemagne, un Etat non nucléaire, perd confiance en l'utilité de ces armes, tous partis politiques confondus. Nous ne comprenons pas l'insistance française, émotive, à préserver quelques centaines d'engins de destruction comme un ingrédient de l'identité nationale" (Harald Muller, expert allemand cité par Le Monde, 14 octobre 2010). Harald Muller s'explique comme l'expert représentant un pays défait en 1945, qui a dû s'habituer à dépendre entièrement des Etats-Unis pour sa défense depuis cette date, et qui s'agace du fait que le petit voisin, presque un état du club med, s'attache de façon émotivé à sa défense, comme les salariés s'attachent de façon irrationnelle à leur droits sociaux.

Comme le rappellent des experts français cités par le Monde "A aucun moment, souligne-t-on, l'Allemagne n'a remis en cause la déclaration, signée à Ottawa en 1974 entre les partenaires de l'OTAN, qui affirme le caractère « indispensable » des forces nucléaires américaines, basées tant aux Etats-Unis qu'en Europe." Les allemands veulent donc bien du nucléaire US, mais pas d'un nucléaire français. Question de bête émotivité nationale fort probablement...

*

 Bref. Il faut être très naïf pour s'étonner du fait que la France se précipite pour se faire plumer par l'OTAN. C'est dans la logique même de l'édification européenne et des rapports de force entre états tels qu'ils ont été instaurés par les Etats-unis dans l'Union européenne. (au passage, j'allais oublier : un conseiller de Barroso a récemment proposé l'adhésion de l'Union européenne à l'OTAN. C'est juste une question de mois.)

Dans tout ce contexte, il y aurait matière pour le Parti Socialiste ou pour des ténors de la politique française, à essayer de réveiller les consciences. A ma connaissance, au PS, à part Louis Gautier qui a mollement protesté contre les orientations sarkozystes, aucun de ceux qui se sentent une stature présidentielle ne s'est prononcé sur ces questions de défense, et encore moins ne s'est engagé à sortir la France de l'OTAN. Ont-ils seulement saisi ce qui se passe, ont-ils encore la moindre volonté de se charger de ces problèmes compliqués ? C'est tellement plus simple d'être en pilotage automatique avec la BCE aux commandes...

Post scriptum :  Jean-Dominique Merchet, spécialiste des questions de défense, est plus optimiste à court terme, dans un billet chez son nouveau tôlier, le site de Marianne.


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