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Loup

Publié le 24 novembre 2010 par Jlhuss

loup.1290530158.gif« Mammifère carnivore qui ne diffère d’un grand chien que par son museau pointu, ses oreilles toujours droites et sa queue touffue pendante. »
J’ajouterai, mon cher Robert, (ce que le devoir de réserve vous interdit) : un loup, c’est un chien qui n’a pas trahi. Quand les dents claquaient de froid et de faim par les hivers terribles de l’âge de pierre, combien de loups tenaillés s’approchèrent trop près des feux de camp du singe vertical, affolés à l’odeur des grillades, vendant leur docilité pour un os comme d’autres pour un plat de lentilles ou un portefeuille ? Il arrive qu’entre chien et loup on en discute encore. Cela donne de jolies fables et de beaux débats de société. « Vous ne courez donc pas où vous voulez ? », demande le loup hâve au chien gras. Et toi, lecteur, chien ou loup ? liberté périlleuse ou sécurité serve ?

Il y a du contentieux mythique dans toute cette affaire. Pendant le Déluge, le loup s’était retenu de manger sa prochaine -une grasse marmotte- sur la promesse du Patriarche qu’à terre on empêcherait l’invention du chien, schisme pire pour cette espèce que la Réforme pour la Papauté. Le loup tint parole, longtemps campa dans le respect humain, avec des pointes de générosité gratuite comme de nourrir jusqu’à plus soif Romulus et Remus. Mais l’homme, lassé de cette féodalité distante, eut envie de dire « Au pied ! », rêva soudain boxer et lévrier, cocker et chihuahua. Depuis cette trahison, le loup campe dans une solitude hautaine à la Vigny, armée d’une stratégie de groupe qui a terrifié nos villages et nos rêves jusqu’à l’entre-deux guerres. On le croyait disparu en France : le revoilà. Aussi tendance que l’ours, il court l’ovin dans nos monts post-modernes. -Loup y es-tu ? -Oui j’y suis. -Qu’est-ce que tu fais ? -Le plaisir des bobos.  « De quoi se plaignent donc les bergers, puisqu’on les indemnise ! »

« Voir le loup »  fut longtemps risqué à d’autres titres. Les couples d’après guerre en savaient quelque chose. Car, quoi qu’en aient dit nos élites républicaines, ni les allocations ni les médailles ne compensaient toujours le tracas d’amener une dizaine de mâchoires à la majorité. Dans les années cinquante, il ne faisait pas bon non plus à une veuve pieuse de conter innocemment en réunion paroissiale qu’en rêve un loup transi tirait sa bobinette, entrait se réchauffer dans son lit et lui offrait d’un certain petit pot de beurre qu’elle trouvait délicieux. Aujourd’hui, une femme libérée voit le loup qu’elle veut quand elle veut. Sa chevillette choit sans problème avec la pilule du lendemain, elle ne tient le biberon qu’à sa guise, et celui qui la fixera n’est pas né : à quoi bon se chercher un chaperon quand on gagne soi-même sa galette ?

En fait, le problème avec les loups, zoulous, zazous, c’est la famille et la meute. Un loupiot peut bien jouer à se mettre le poil à l’envers, si le papa d’un coup de sang sait le faire glapir, la maman d’un coup de coeur le faire pleurer. Ça se gâte souvent en bas de la barre, quand vingt jeunes loups rappliquent du bout de l’ennui avec les crocs, la rage, et le défi de vous emmener rôder loin de la tanière où votre mère louve rentre fourbue par le 114  de vingt-et-une heures.

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Proverbe du jour : Loup rassasié n’est pas à craindre.


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