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Erreur administrative

Publié le 24 novembre 2010 par Toulouseweb
Erreur administrativeRavitailleurs : le Pentagone se prend le pied dans le tapis.
S’il ne s’agissait d’un marché de plus de 35 milliards de dollars qui exacerbe de vieilles querelles transatlantiques, on prendrait le parti d’en rire : le service courrier du département américain de la Défense marche sur la tęte. Il vient en effet d’adresser ŕ EADS un pli destiné ŕ Boeing, et inversement ! Une simple erreur administrative (Ťclerical errorť) dit-on sur les rives du Potomac, dans l’espoir de ramener une énorme bévue au niveau d’une petite distraction sans intéręt et, surtout, sans conséquences. On a évidemment peine ŕ le croire.
Que disaient ces courriers ? On l’ignore mais sans doute s’agissait-il de demandes de précisions sur les offres mises en concurrence en prévision de la désignation prochaine du bénéficiaire du programme KC-X : la livraison d’un premier lot de 179 ravitailleurs destinés ŕ remplacer des KC-135R vieillissants.
Officiellement, comme par hasard, l’incident étant ŕ peine révélé, l’un et l’autre des rivaux se seraient empressés de retourner les plis mal dirigés ŕ leur expéditeur. Sans les ouvrir ou, tout au moins, sans avoir pris connaissance de leur contenu. On est évidemment en droit d’en douter et d’imaginer que les photocopieuses ont tourné ŕ plein régime. Mais pour découvrir quoi ? Techniquement parlant, les KC-767A et KC-45A (appellations encore officieuses) sont connus dans leurs moindres détails. En revanche, si des informations financičres figuraient dans les courriers croisés, il y aurait matičre ŕ vraie polémique, voire ŕ un retour ŕ la case départ.
Le voile sera-t-il vraiment levé ? Rien ne l’indique. En revanche, on imagine volontiers que le perdant fasse appel de la décision, dčs qu’elle sera annoncée, en estimant que le vainqueur aurait eu accčs ŕ des informations lui facilitant la tâche. Aux paradis des avocats, l’hypothčse est ŕ prendre en considération. Jouant profil bas, le Pentagone affirme haut et clair, d’accord avec l’USAF, que l’incident n’aura pas de conséquences fâcheuses.
Dans le męme temps, d’autres voix s’élčvent, inquičtes, s’interrogent sur la suite des événements et se demandent s’il ne faudrait pas ŕ nouveau envisager de répartir la commande entre les deux rivaux. C’est l’hypothčse du Ťsplit buyť, laquelle ne séduit gučre les militaires. D’un point de vue logistique, en effet, ce ne serait évidemment pas l’épilogue le plus simple, trois types d’avions, et non plus deux, devant alors cohabiter pendant une longue phase de transition. D’autant qu’une partie des vénérables KC-135R resteront sans doute en service beaucoup plus longtemps que prévu, les commandes ultérieures de KC-X (KC-Y et KC-Z) risquant d’ętre reportées de nombreuses années pour des raisons budgétaires.
Dans l’immédiat, il est apparemment urgent de ne rien décider et le choix du vainqueur, prévu pour les prochains jours, pourrait ętre reporté ŕ 2011. En principe, d’ici lŕ, les esprits devraient se calmer et l’erreur administrative tomber dans l’oubli. Ce qui est loin d’ętre certain. Entre-temps, la rivalité Boeing-EADS va son chemin et apparaît sous les formes les plus diverses, y compris des placards publicitaires dans la presse quotidienne (notre illustration).
On en conviendra, tout cela n’est pas trčs sérieux. D’un côté, une rigidité réglementaire absolue, parfois difficilement compréhensible, de l’autre une grande légčreté. Ainsi, crédible ou pas, l’offre d’un troisičme prétendant, US Aerospace, basée sur un avion ukrainien, a été écartée parce que déposée ŕ Wright-Patterson Air Force Base avec quelques minutes de retard par rapport ŕ l’heure limite imposée. De l’autre, des courriers d’une importance considérable n’ont pas été traités avec toute l’attention voulue.
On s’interroge. D’autant qu’il apparaît au męme moment que l’incendie électrique qui a brutalement interrompu les essais en vol du Boeing 787 aurait pour origine un outil oublié dans la cellule de l’avion. Ce n’est pas la premičre fois qu’un problčme ridicule de cet ordre survient dans l’aéronautique et met sérieusement en doute la réalité des grandes exigences techniques du secteur. Ou met en cause l’efficacité de contrôles de qualité réputés sans équivalent dans l’ensemble des autres secteurs industriels. Voici tout un monde en bonne voie de démythification. De toute évidence, nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(Notre illustration : une publicité Boeing dans le Washington Post – doc. Jacques Tiziou)

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