Au lendemain de la récession, Zodiac va bien, merci.
Tout bien réfléchi, et compte tenu de la forte opposition ŕ son projet, le groupe Safran a retiré son offre de rachat de Zodiac Aerospace. Quitte ŕ réitérer plus tard, ŕ supposer que le contexte évolue.
Cette non-évolution du paysage aéronautique français est intéressante, en męme temps qu’elle pose question. Il s’agit en effet de savoir quelle est la taille minimale ŕ atteindre pour qu’une entreprise puisse se prévaloir de ne plus ętre une PME et de bénéficier des fameuses économies d’échelle sans lesquelles les analystes affichent une moue d’insatisfaction.
Le problčme : il est autant de points de repčre que de sociétés, que chaque cas est particulier, ne se compare ŕ aucun autre. Ainsi, avec plus de deux milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, Zodiac ne peut évidemment pas ętre qualifié de PME. Sauf ŕ comparer l’équipementier ŕ Safran, exemple choisi au hasard. Tout est subjectif.
La volonté de croissance externe de Jean-Paul Herteman, PDG de Safran, évoque un souvenir lointain. Celui de Harry Gray, qui fut le charismatique patron de l’imposant groupe américain United Technologies dans les années soixante-dix. Voyant poindre ŕ l’horizon le moment redouté du départ en retraite, il travaillait fébrilement. Il voulait ŕ tout prix franchir le cap symbolique des 10 milliards de dollars par an (des dollars de l’époque !) avant de se retirer. Pour le symbole, pour le panache. C’était, aprčs tout, une motivation comme une autre. La croissance pour la croissance, en quelque sorte.
Loin de nous l’idée de comparer Safran et UTC, ou encore de nier que les temps ont changé. Aujourd’hui, il s’agit avant tout de regrouper, en franglais de Ťconsoliderť, cela dans un contexte de mondialisation, parce que telle est la loi du genre.
Zodiac, sous cet angle, est inclassable, compte tenu de la diversité de ses métiers. Mis bout ŕ bout, ils constituent un ensemble cohérent mais, considérés séparément, ils apparaissent comme un curieux patchwork. D’oů l’intéręt du débat né des ambitions de Safran. Olivier Zarrouati, président du directoire de Zodiac, évoquant le récent échange de communiqués virils et les commentaires contradictoires qui ont animé il y a peu les dîners en ville du microcosme, a ramené la vraie-fausse polémique ŕ son juste niveau. Ce fut, dit-il le plus simplement du monde, le feuilleton de l’été. Pas question, donc, de perdre son calme ou de s’inquiéter. Mieux, dit ce patron heureux, Zodiac sort renforcé de la zone de turbulences qui a fortement secoué le secteur aéronautique pendant deux ans. Certes, le chiffre d’affaires de l’exercice 2009/2010 a reculé, mais de 2,5% ŕ peine, le résultat net (148,3 millions d’euros) est resté tout ŕ fait convenable et trois acquisitions ont renforcé le groupe, Quison, Cantwell Culler & Co. et Sell.
Reste ŕ savoir si Safran avait raison d’imaginer avancer conjointement avec Zodiac sur la voie réputée prometteuse des futurs avions Ťélectriquesť, complémentarité oblige. Mais fallait-il au préalable Ťconsoliderť puis, seulement aprčs, envisager de regarder ensemble dans la męme direction ?
Une autre question coule de source, qui pourrait ętre le thčme central d’un séminaire de haut niveau : ŕ partir de quand cesse-t-on d’ętre une PME et entre-t-on dans la cour des grands ? Jean-Paul Herteman et Olivier Zarrouati devraient en parler, en bons camarades. Et, bien sűr, ils devraient nous livrer le résultat de leur confrontation d’idées.
Pierre Sparaco - AeroMorning