Le lendemain, pour faire passer la pilule sans doute, un arrêté interdisait la culture du maïs OGM Monsanto 810. Une des rares promesses tenues du trop fameux Grenelle de l'environnement. Au sein même du gouvernement, les politiques sont déchirés entre les "anti OGM" : Kosciusko-Morizet, et peut-être Jean-Louis Borloo, et les "pro OGM" : Michel Barnier (Agriculture), Valérie Pécresse (Recherche). Mais ce sont ces derniers qui gagneront finalement : Le 8 avril 2008 le délit de fauchage est créée. Désormais, la destruction d'une parcelle d'OGM sera punie de deux ans de prison et de 75.000 euros d'amende...
La première plante génétiquement modifiée fut la Flavr Savr, une tomate commercialisée au USA en 1994. Bien rouge, bien ferme, mais trop fade et trop chère, ce fut un échec commercial. Ce fut quasiment le seul. Les OGM représentent aujourd'hui un marché florissant. Calgene, inventeur de la Flavr Savr, a depuis été racheté par Monsanto... Depuis ce temps, la controverse fait rage.
Les partisans des OGM disent qu'ils sont inoffensifs, permettent de réduire l'usage des pesticides et constituent au final la seule solution au problème de la faim dans le monde. Leurs adversaires disent qu'ils sont toxiques, polluent les sols, contaminent les autres cultures, réduisent la biodiversité, et imposent aux paysans un modèle économique malsain et non viable. Qui a raison ? Qui a tort ? En fait, un peu des deux. Les arguments avancés de part et d'autres manquent souvent de rigueur et reposent plus souvent sur la foi que sur la raison. Tentons donc d'y voir plus clair.
Tout d'abord les OGM ne sont pas toxiques.... pas plus qu'ils ne sont inoffensifs. Les milliers d'études universitaires n'ont pas permis de trancher dans un sens ou dans l'autre. Mais ces études sont toutes partielles, voire partiales ! La vérité, c'est que personne n'a osé financer des études sur les effets à long terme des OGM. Le fameux maïs MON 810, désormais interdit en France, a été consommé aux USA pendant onze ans, "sans effet notable sur la santé", proclame Monsanto. C'est vrai... Sauf qu'aucune étude n'a été lancée par les autorités américaines pour rechercher les dits effets !
Le problème, c'est qu'aux états-unis il y a tellement de cultures OGM, maïs, colza, soja, etc., qu'il est impossible de rechercher les effets (par exemple les réactions allergiques) spécifiques à un produit donné. Bon, OK, les ricains bouffent cette soi-disant merde et ils sont toujours là. Mais en fait, des tas d'effets à long terme des OGM ont pu tout simplement passer inaperçus parce qu'ils ne sont pas recherchés. Les OGM comportent par définition des protéines qui n'existent pas dans les aliments naturels. Ces protéines peuvent très bien avoir des effets allergiques, voire cancérigènes. Personne n'en sait rien. L'OMS, et l'agence européenne pour la sécurité des aliments (EFSA) demandent d'ailleurs que les pouvoirs publics imposent aux fabricants des tests plus sérieux que ceux pratiqués actuellement.
D'un autre coté, les OGM ont parfois, dans certaines conditions, de bons coté. Le Maïs "Bt" possède ainsi un gène qui lui permet de sécréter son propre insecticide et de résister aux attaques des chenilles pyrales. Les années où ces chenilles sont nombreuses, ce maïs survit là ou les autres meurent. Le Bt possède aussi moins de mycotoxines, une moisissure dangereuse pour la santé, qui rend les grains infectés impropre à la consommation. Mais dans les régions où il y a peu de chenilles pyrales, ou les années où il y en a moins, les cultures OGM ne font pas mieux que les maïs traditionnels. Les agriculteurs utilisent donc le Bt comme une "assurance bonne récolte". Tant que les chenilles ne développent pas de résistance à l'insecticide qu'il sécrète, tout va bien...
Et, c'est vrai, en théorie la révolution génétique permet d'imaginer de créer des produits agricoles parfaits, ou contenant des gènes de résistance contre les maladies... humaines. A quand la tomate OGM contenant un vaccin contre le cancer ? Probablement jamais. Un médicament doit être administré avec des doses très précises, qui sont incontrôlables lorsque ce médicament est fabriqué par une plante alimentaire. Et ne parlons pas des risques de dissémination dans l'environnement. L'eau de nos rivières contient déjà des doses très élevées d'hormones anticonceptionnelles, qui sont rejetées dans la nature par les femmes qui prennent la pilule, et cela affecte notablement les poissons, qui ont de plus en plus de mal à se reproduire (un fait peu connu, mais réel). La vérité, c'est que la "banane vaccin" est un rêve qui restera un rêve. Aucun "OGM médicament" n'a jamais été commercialisé.
Mais le vrai problème, c'est qu'il y a OGM et OGM. En modifiant génétiquement un organisme, on peut réellement l'améliorer, le rendre plus appétissant, plus résistant aux parasites, plus rentable, etc. Mais on peut aussi créer des OGM dans des buts moins avouables : par exemple on crée des plantes plus résistantes aux pesticides (ce qui permet d'en arroser plus les cultures !) ou même qui sécrètent carrément ces pesticides, comme le MON 863. L'université de Caen a déterminé que les rats qui mangeaient ce maïs présentaient des anomalies des reins, du foie, et du taux de graisse dans le sang. Mais ces résultats sont contestés... Pourtant ce sont les OGM "avec gène de résistance aux pesticides" qui sont les plus courants actuellement, parce que cette technique est bien maîtrisée par les semenciers... Le pire, peut être, c'est le gène terminator, conçu pour qu'une plante ne puisse plus se reproduire au delà de la seconde génération, ce qui contraint le paysan à racheter ses semences chez Monsanto au lieu de re-semer tranquillement une partie de la récolte. On imagine la catastrophe si des plantes portant ce gène se répandaient dans un pays comme l'Inde... Et quels sont les effets sur l'homme d'un tel gène ?
Soyons clair. La génétique est une science expérimentale, et pas une science exacte. On bidouille des gènes un peu au hasard, et on regarde le résultat (ce qui explique le grand nombre de cultures expérimentales d'OGM). Obtenir de cette façon un produit meilleur que la plante de départ, qui est en général déjà le résultat d'une sélection faite par les agriculteurs pendant des siècles, est un hasard extrèmement rare, voire impossible. Obtenir une plante qui résiste mieux aux pesticides et autres herbicides est déjà plus facile. Alors quand les semenciers tiennent un gène qui confère aux plantes cette "utile" propriété, ils l'exploitent au maximum. En fait, 99% des OGM ne contiennent pas des gènes qui rendent le produit meilleur, mais des gènes qui facilitent le travail des agriculteurs, fut-ce au détriment du consommateur.
Et les agriculteurs en redemandent ! L'association OGM + pesticides + agriculture industrielle produit en effet des rendements fabuleux. Que demander de plus, lorsque les contraintes de la PAC sont telles, et les tarifs d'achat des grossistes et des grands distributeurs si bas, que de tels rendements sont quasi nécessaires pour que ces agriculteurs puissent tout simplement survivre ? Mmm. Attends une minute. Est ce que les rendements des OGM sont vraiment supérieurs à ceux des semences conventionnelles, ou est-ce un bobard lancé par le puissant lobby des semenciers OGM ?
Une étude parue dans Agronomy for sustainable environnment fait le point en comparant les rendements de l'OGM le plus répandu sur la planète (27 millions d'hectares), un soja (de Monsanto, encore) résistant à l'herbicide Roundup (lui aussi produit par Monsanto, quel hasard), avec ceux du soja conventionnel. Les résultats sont surprenants : tout d'abord le résultat économique des OGM n'est que légèrement supérieur à celui du soja traditionnel. Et si ce dernier est écoulé dans un circuit "garanti sans OGM", il est vendu plus cher et la différence devient négligeable. Ensuite, l'étude montre que la consommation d'herbicide repart à la hausse sur ces cultures. En effet en 2000 le principe actif du Roundup, le glyphosate, est tombé dans le domaine public, les prix ont baissé, le glyphosate est désormais quasiment le seul herbicide utilisé et certaines mauvaises herbes y sont devenues plus résistantes, contraignant les agriculteurs à déverser plus d'herbicide... Mais les agriculteurs continuent d'utiliser ce maïs. Pourquoi ? Parce que le désherbage des champs est classiquement une tâche très contraignante qui doit être faite juste après que les graines aient levé. Mais avec le soja OGM on peut traiter les champs sur une plus longue période et en une seule passe. D'où un gain de personnel (et donc d'argent) non négligeable.
Enfin, par la force des choses, presque tous les semenciers producteurs d'OGM sont américains. Et ces gens là ne font pas de cadeaux. Leur stratégie, disent les anti OGM, est la même que celle des fabricants de tabac : rendre les agriculteurs dépendants de leurs produits, submerger le marché avec des prix bas et des (fausses ?) promesses de rendements fabuleux, puis remonter les prix une fois que le monde ne pourra plus se passer d'eux.
De toute manière, il sera bientôt trop tard. Les OGM commencent à tout envahir. Parce qu'une plante est un organisme vivant, dont les gènes ne cherchent qu'à se reproduire, et parce que les graines peuvent être portées par le vent ou les oiseaux, le risque de dissémination est tout à fait réel. Déjà, tous les produits, même ceux "garantis sans OGM", en contiennent en fait une petite part. Il est devenu impossible d'y échapper.
Brrrr.... Jouer avec le feu, vous avez dit ?
Que faire ?
Je vous encourage à aller voir le film de Coline Serreau, "Solutions locales pour un désordre global".(2010). Votre vision de l'agriculture en sera changée pour toujours. Car en plus de dénoncer une situation ubuesque et inacceptable (pas seulement au sujet des OGM), ce film présente des solutions, simples et efficaces... Alors, à NOUS, consommateurs et agriculteurs français, de jouer !