Upopolis, créé par la Kids’Health Links Foundation au mois de décembre 2007, est un réseau social pour les enfants des milieux hospitaliers. Plus qu’un simple moyen de communication, Upopolis reconstruit un univers social convivial pour l’enfant et aide ce dernier à mieux traverser son séjour à l’hôpital.
David, 14 ans, est hospitalisé depuis le mois de septembre dernier à l’hôpital Sainte-Justine. Depuis qu’il a commencé à utiliser le réseau social Upopolis, David ne se sent désormais plus du tout isolé de sa famille et de ses amis. Avec Upopolis, David se sent comme chez lui à l’hôpital.Upopolis, créé par la Kids’Health Links Foundation, prend ses origines dans une histoire plutôt tragique vécue par la famille Papaevangelou. Au mois de septembre 2002, Katy McDonald, âgée de 15 ans, a été hospitalisée d’une maladie grave à l’abdomen. Au cours de sa longue convalescence à l’hôpital, Katy recevait peu de visites de sa famille et l’absence d’ordinateur dans sa chambre d’hôpital la rendait isolée de son entourage familial et de son réseau d’amis. Le 3 février 2004, Katy est décédée à l’hôpital, des suites d’un cancer généralisé aux os. Christina Papaevangelou a également connu cette ambiance sobre du milieu hospitalier. Au cours de son séjour à l’hôpital, Christina est devenue préoccupée par le manque d’infrastructures de communication. «En tant qu’adolescent, on a l’habitude de communiquer avec nos amis et notre famille à partir de l’ordinateur. À l’hôpital, on perd cette connexion au monde extérieur», soutient-elle. C’est cet isolement vécu par les enfants hospitalisés qui a incité Basile Papaevangelou à mettre sur pied un outil à la fois novateur et nécessaire pour la génération numérique d’aujourd’hui. En décembre 2007, la Kids’Health Links Foundation, en partenariat avec TELUS, lance le programme Upopolis au McMaster Children’s Hospital à Hamilton. Dans les mois suivants, d’autres hôpitaux à travers le Canada ont commencé à exprimer leur intérêt pour le réseau social Upopolis. Au printemps 2010, six hôpitaux au Canada offraient l’accès à Upopolis. L’objectif de Basile pour les années à venir? Implanter Upopolis dans treize hôpitaux pour enfants au Canada.
Un réseau social pas comme les autres
Florence, la mère de David, se méfie des réseaux sociaux. «Facebook et compagnie, c’est des voleurs d’identité, des sources de dépersonnalisation, et des objets de dépendance comme les drogues», tonne-t-elle. Cependant, Upopolis a réussi à convertir les esprits de Florence et de bien d’autres parents. Upopolis et Facebook partagent malgré tout une base commune : les deux sont des réseaux sociaux. La différence principale est qu’Upopolis se limite au cadre hospitalier, alors que Facebook et les autres réseaux sociaux sont ouverts au grand public. Pour s’inscrire au réseau Upopolis, David a eu besoin du consentement de ses parents. Également, David ne peut pas ajouter n’importe quel contact à son réseau d’amis sur Upopolis. Pour chaque nouvel ami, David a besoin de l’approbation de ses parents. Pour Jacques Hamel, professeur de sociologie à l’Université de Montréal et spécialiste de la sociologie de la jeunesse, le principal danger des réseaux sociaux réside dans l’anonymat. «Sur Facebook, on ne sait jamais à qui l’on s’adresse véritablement. La relation sociale, colorée par l’anonymat, peut développer un côté factice de la relation sociale qui peut, paradoxalement, contribuer à l’isolement de l’enfant», affirme-t-il. Upopolis est sur ce point fondamentalement différent de Facebook. Sur Upopolis, l’anonymat n’existe pas. Chaque enfant sait à qui il s’adresse précisément. Qui plus est, Upopolis permet à l’enfant d’être en contact direct avec des professionnels de la santé, ses amis et sa famille. Avec Upopolis, les enfants peuvent partager leurs expériences personnelles sur un blogue, rencontrer d’autres enfants atteints d’une maladie commune, être en contact avec leur école et recevoir leurs devoirs par voie électronique. Le tout dans un environnement très sécuritaire. «Avec Upopolis, l’objectif est de rendre l’information accessible à l’enfant. Par exemple, Upopolis simplifie le langage médicalisé pour expliquer le rôle d’une imagerie par résonance magnétique à un enfant de cinq ans», avance Basile Papaevangelou.
Un outil thérapeutique?
David, hospitalisé depuis septembre, croit que l’isolement peut être un facteur aggravant de la maladie. «Au début de mon séjour à Sainte-Justine, je me sentais vraiment mal. Ma maladie m’incommodait, et l’isolement me rendait très triste. Ce qui comptait pour moi, c’était de pouvoir parler à mes amis, à mes parents. Je voulais continuer à mener une vie sociale», avoue-t-il. Depuis que David a découvert Upopolis, il vit son séjour à l’hôpital différemment. «Upopolis me donne le sentiment de n’être pas le seul malheureux. En fait, avec Upopolis, j’ai l’impression d’être un parmi plusieurs», dit-il avec un sourire aux lèvres. «Avant l’ère des réseaux sociaux, les individus hospitalisés avaient le sentiment d’être les seuls atteints de la maladie. Ils se sentaient impuissants. Aujourd’hui, les réseaux sociaux contribuent à tisser des liens sociaux bénéfiques pour l’individu. Les réseaux sociaux viennent briser l’isolement de l’individu. Pour les enfants, les réseaux sociaux peuvent les aider à se rassurer mutuellement», ajoute Jacques Hamel.
Vers une nouvelle conception des hôpitaux?
La popularité d’Upopolis a, depuis décembre 2007, augmenté de façon exponentielle. Entre décembre 2007 et mai 2010, le nombre d’utilisateurs a triplé. Depuis le début de l’année 2009, Upopolis connaît un véritable assaut de nouveaux utilisateurs. Entre août et septembre 2009, le nombre d’utilisateurs d’Upopolis a augmenté de 27%. Mais cette réalité s’inscrit avant tout dans une autre beaucoup plus globale. Pour Jacques Hamel, les enfants d’aujourd’hui sont nés et sont socialisés dans un univers rempli de nouvelles technologies. Ils forment la génération numérique. Avec le temps, les réseaux sociaux vont devenir une normalité dans la vie de tous les jours des individus. Et les hôpitaux, comme toute autre institution sociale, devront s’adapter à cette nouvelle réalité. La sécurité et la fiabilité d’Upopolis pourraient donc servir de modèle à l’ensemble des hôpitaux du monde entier, lorsque les nouvelles technologies de communication deviendront des besoins essentiels pour les générations futures.