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Faut pas s'gêner, l'Intrus !

Publié le 28 novembre 2010 par Livmarlene
Faut pas s'gêner, l'Intrus !

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Cher lecteur, aujourd’hui je m’en vais non pas te raconter une histoire, mais te parler d’une histoire. Celle d’un pauvre homme à qui un importun vole tout, jusqu’au titre de l’ouvrage qui retrace sa vie. Cela s’appelle L’intrus, c’est un roman de Joaquim Hock, un auteur dont la plume crée aussi des illustrations à la personnalité singulière. Comme quoi quand on est artiste, on préfère souvent la lyre au tir à l’arc. (plus de cordes, pour les cerfs volants...)

Mais venons-en au fait : autrement titré Fragments du récit d’une humiliation en milieu domestique, L’Intrus raconte la vie d’un homme, envahie dans chacun de ses aspects par un être informe et indéboulonnable. L’idée peut rappeler Le Schmurtz de Boris Vian. Le mode de traitement, roman à la première personne, s’en distingue grandement, de même que le rôle de l’importun.

Le premier chapitre annonce l’ampleur de l’intrusion : jusque dans son lit, le pauvre - comment l’appeler, ce n’est pas un héros, quant à la tête d’affiche, il la partage avec son squatteur - disons le pauvre homme, est obligé de se battre pour sa place. Pour rester dans la thématique du lit, on apprend un peu plus loin dans l’histoire que lorsque le pauvre homme ramène chez lui une femme dont il est très épris, c’est l’intrus qui séduit cette dernière.

De l’aveu de l’auteur, ce livre est somme toute plutôt tragique. Mais le lecteur sourit souvent devant le stoïcisme du pauvre envahi, qui parfois, cherche des excuses à celui qui lui rend la vie impossible. “Il suffirait peut-être de lui demander gentiment d’arrêter de me nuire pour qu’il devienne plus gentil ?” (p11) “Le fait qu’il pouvait éprouver de la peur le rapprochait un peu des êtres ordinaires.” (p140)

Au fil du temps, celui dont le pauvre employé du Ministère des Chiffres (déjà, rien que ça, ça vous plombe une vie) peine à dater l’apparition, devient comme un animal domestique. Ou comme un colocataire indélicat qui prend toute la place, se sert dans l’assiette du voisin, choisit le programme télé et n’en fout jamais une.

Le temps est ainsi, même entre deux êtres qui se détestent, il arrive à tisser une sorte de connivence. Certainement parce que plus que le bonheur, ce que les gens aiment, ce sont leurs habitudes. Savoir à l’avance. Car l’inconnu fait peur. Et si la nouvelle donne était pire que notre calvaire actuel, dans lequel on a plus ou moins appris à se débattre ? Et puis, comme il est commode de pouvoir accuser un tiers d’être responsable des malheurs de notre vie.

Cet employé sans panache refuse de frapper trop fort celui qui s’invite chez lui sans son consentement. Il s’adapte aux contraintes créées par cette présence, renonce à sa vie sociale et amoureuse même, prétextant toujours qu’il est la cause de la débâcle, du départ de l’amoureuse, de la froideur du voisin.

Peu de colère chez cet homme brimé. Ce qui se ressent tout au long de la lecture, c’est surtout de l’abattement, une incroyable acceptation de la fatalité. Par moments, il arrive même à s’attendrir des faiblesses de son indésirable compagnon : “Je sentais bien qu’il n’était pas capable d’écrire et je me plaisais à imaginer qu’il aimerait faire des progrès” (p186)

Il y aurait long à dire sur ce livre, mais le web ne se prête pas à ce genre de longues tirades. Je finirai donc par les quelques points qu’il me semble important de souligner.

* L’Intrus peut être assimilé à tout ce qui nous empêche d’être acteur de notre vie : nos croyances, nos peurs, nos complexes, l’importance démesurée du regard des autres...

* L’Intrus peut être lu à tout âge. Enfant, on l’aimera au premier degré. Plus âgé, on y verra une belle métaphore de la faiblesse humaine.

* L’Intrus est écrit avec style, ce qui n’est pas une évidence à notre époque, pardonnez-moi de le rappeler.

* L’Intrus peut se lire un peu dans tous les sens, chaque chapitre constituant un tableau distinct. (du talent de l’illustrateur...)

* L’Intrus est paru aux Editions Durant-Peyrolles et ferait un cadeau de Noël sensationnel pour tous les amateurs de jolis textes pas dénués d’esprit. (je ne touche aucune commission, juste j'aime bien ce bouquin !)

(crédit image Joaquim Hock)


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