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Voz da Comunidade, le journalisme citoyen au coeur du Complexe do Alemão

Publié le 28 novembre 2010 par Abracarioca

Vous n’avez pas pu échapper à cette information: suite à la vague de violences dont Rio est depuis une semaine le théâtre, une vaste opération policière et militaire est en cours contre les trafiquants de drogue à l’origine de ces actes dont le but était de terroriser la population - une apparente protestation contre l’implantation d’unités de police (UPPs) dans des favelas et la pacification qui en a résulté. Ces trafiquants s’étaient d’abord regroupés dans la favela de Vila Cruzeiro, mais la force publique en a repris le contrôle et nombre d’entre eux ont alors fui en direction de l’ensemble de favelas dite Complexe do Alemão, où vivent 400 000 personnes. Depuis ce matin, policiers et militaires sont entrés en action afin de déloger les trafiquants; une opération qui semble très largement soutenue par la population locale.

Voilà pour le bref résumé des faits - mon but n’est pas de vous donner des informations à chaud, mais de vous parler de ceux qui font cela bien mieux, et pour cause: un groupe de jeunes habitants du Complexe do Alemão, âgés de 10 à 17 ans, rapporte en direct sur Twitter les événements vus de l’intérieur de ces favelas. Leur compte commun, vozdacomunidade, compte à l’heure où j’écris plus de 10 000 abonnés et est une source d’informations irremplaçable: ainsi, quand le commandant de la Police Militaire annonçait sur Globo News avoir “reconquis le territoire”, on pouvait lire sur Twitter que les coups de feu continuaient de retentir.

Voz da Comunidade, “la voix de la communauté”, c’est le nom du journal local créé il y a cinq ans par René Silva Santos, qui n’avait alors que 11 ans et qui souhaite maintenant étudier le journalisme à l’université. Circulant à 3000-10000 exemplaires, le journal se concentre sur l’actualité locale de la favela Morro do Adeus. Financé par la publicité locale et résolument impliqué dans la vie de la communauté, il cherche à raconter mais aussi améliorer les conditions de vie des habitants.

Regardez ce court reportage de 2008 en portugais:

Comme les médias brésiliens l’oublient trop souvent,  ces jeunes, comme beaucoup d’habitants des favelas, sont connectés à Internet, que ce soit depuis  un cybercafé (”LAN house”), d’où le jeune Jackson Alves tweetait hier, ou pour René depuis l’ordinateur qu’il a pu acheter grâce aux recettes publicitaires du journal. Pour rappel, la moitié des internautes brésiliens viennent des classes sociales les moins favorisées (classes C, D et E selon la terminologie locale).

Les médias sociaux sont particulièrement populaires dans le pays et c’est donc tout naturellement que Twitter est devenu une source d’informations sur cette vague de violence. Certains médias traditionnels ont notamment su s’emparer de ce nouveau moyen de communication. Ainsi, le journal Extra a utilisé le compte Twitter @casodepolicia pour confirmer ou infirmer informations et rumeurs, grâce aux hashtags #everdade (”c’est vrai”) et #eboato (”c’est une rumeur”).

Cet usage est intéressant et utile; mais ce qui l’est encore plus, c’est d’enfin entendre des voix venues de l’intérieur même des favelas, comme celle de Voz da Comunidade. Un fait qui pourrait bien marquer le début d’un tournant positif pour Rio. Comme l’écrivait hier la journaliste Miriam Leitão: “Rio est aujourd’hui plus unie qu’elle ne l’a jamais été, par Internet, par les avancées de la politique de sécurité, par les mêmes rêves.” Ce rêve, il est aujourd’hui en tête des trending topics de Twitter au Brésil: #paznoRio, “paix à Rio”.

Sources: RJTV, OI, BlueBus, BlueBus 2, Razorfish,
Terra, Miriam Leitão, France24
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