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Pourquoi je suis républicain

Publié le 28 novembre 2010 par Marx

 

Me demander pourquoi je suis républicain, n’est-ce pas déjà l’être soi-même? N’est-ce pas admettre, en effet, que la forme du pouvoir peut être l’objet d’un choix mûrement délibéré de la part du citoyen, que la communauté ne s’impose donc pas à l’homme, qu’elle ne le constitue pas par l’éducation et la race jusque dans ses dispositions les plus intimes et de façon nécessaire, qu’il peut sans sacrilège examiner le groupe dont il fait partie parce qu’enfin la société est faite pour lui et doit le servir à atteindre sa fin.

Pour tous ceux qu’unit cette croyance, il est en effet des principes communs en matière politique. La cité étant au service des personnes, le pouvoir doit reposer sur leur confiance et s’efforcer de la maintenir par un contact permanent avec l’opinion. Sans doute cette opinion peut-elle, doit-elle être guidée, mais elle ne doit être ni violentée ni dupée, et c’est en faisant appel à sa raison que le chef doit déterminer en elle la conviction. Aussi doit-il avant tout distinguer les aspirations profondes et permanentes de son peuple, exprimer en clair ce que celui-ci dénie parfois bien confusément et le révéler pour ainsi dire à lui-même. Un tel débat ne peut être mené à bien que dans la sécurité. L’État au service des per-

sonnes ne doit ni les contraindre ni se servir d’elles comme d’instruments aveugles pour des fins qu’elles ignorent. Leurs droits doivent être garantis par un ordre juridique stable. La tribu qu’une passion collective soude à son chef est ici remplacée par la cité que gouvernent les lois. Les magistrats soumis eux-mêmes à ces lois et tenant d’elles leur autorité s’opposent au chef, lui-même loi vivante et dont ’humeur et les passions donnent à la communauté toutes ses impulsions.

Mais suit-il de là que la cité réglée par les lois soit nécessairement de forme républicaine et ne peut-on concevoir une monarchie légitime, où sur le roc solide de la monarchie héréditaire puisse être construit un ordre politique stable? Bien des peuples étrangers, nos voisins anglais, notamment, n’ont-ils pas réussi une œuvre de ce genre et n’y aurait-il
pas avantage à les imiter? Telles sont les questions que se posent, paraît-il, encore un certain nombre de Français. Il convient d’y répondre et de montrer pourquoi, dans la France de 1943, un ordre politique digne de ce nom ne peut se fonder en dehors d’une forme républicaine.
Qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en plaigne, qu’on le blâme ou qu’on le loue, le passé est acquis et il ne dépend pas de nous de le refaire. L’histoire de ce pays l’a marqué et de telle sorte qu’il est impossible de le refondre. (...)

L’ÉTRANGE DÉFAITE de Marc Bloch


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