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Le bruit de la neige

Publié le 30 novembre 2010 par Letter

Visions

   Le brouillard vient de lever le camp, cet écran de fumée n'avait nul besoin, n'est-ce pas, de me refouler dans le flou...   J'arpente à présent une allée bordée de platanes séculaires, une pluie de pollen s'abat au ralenti sur la terre encore humide, les haleurs sont restés au port et les hâbleurs dorment encore pendant que tournent les heures, j'écoute le ramage harmonieux des oiseaux joyeux, je corresponds avec des brasiers de fleurs et des bouquets de senteurs (oui, c'est ça, il faut correspondre)... J'entreprends un voyage inouï, je me façonne un visage inédit, je vais très loin mais je vais très bien, je vais très bien et je vais très mal...  Je ne suis plus dupe de rien ; au fond les illusions ne servent qu'à bercer les morts comme les promesses les retardataires que nous sommes, abouliques et aphasiques professionnels, endormis et engourdis universels...  

   La grande allée de graviers a revêtu ses faux habits de lumière telle une parure de pièges, en réalité sa moisissure ancestrale, sa pourriture atavique... C'est évident comme le roc, le chemin est truffé d'embûches et d'obstacles, les accusateurs, les censeurs et les comploteurs sont en tenue de camouflage prêts à bondir au passage d'un convoi d'aveugles ou d'innocents...   Puis tout se fond, se morfond, se confond, se calme et se concentre, pour ne plus former qu'un monstre informe et totalitaire, un truc gris et tentaculaire... Nous sombrons alors dans l'unanimité intégrée...  

   Retrouver le chemin. Vite. Réveiller la carcasse et la barbaque. Coûte que coûte.   Le bout de l'allée, enfin... Je m'assieds sur un vieux banc de pierre et fait mine de ne pas considérer (et de ne pas comprendre) ce  piteux chat sauvage en train de dépioter un oiseau naguère si libre et si fier... Puis je m'allonge sur l'herbe fraîche et je ferme les yeux... Quand on dort, on est assumé de toutes parts...  

   Soudain je sursaute, le rêve s'est enfui, il fait froid, une neige abondante et fraîche a tout recouvert,  à mon tour je lève le camp, je marche puis me retourne afin d'aviser mes traces de pas régulièrement incrustées dans le tapis nival telles les empreintes éphémères de nos musées fatals...


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