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Financement des PME : séparer le bon grain du livret A

Publié le 02 décembre 2010 par Jblully

Livret A (c) Jean-Christophe Marmara / Le FigaroUne nouvelle bataille s’est engagée entre les réseaux bancaires et la Caisse des dépôts (CDC) autour de la redéfinition des règles de partage des fonds du livret A. Au cœur des enjeux se retrouve la question du financement des PME car les ressources de l’épargne réglementée contribuent, directement ou indirectement, à soutenir le développement de ces entreprises. Mais gare à l’instrumentalisation de cette question !Revenons tout d’abord sur l’enjeu explicite de cette bataille. Les banques montent, en effet, au créneau pour dénoncer un excès de centralisation par la CDC des dépôts qu’elles collectent sur les livrets d’épargne réglementée et plaident pour une révision à la baisse de la part centralisée par l’institution publique. L’argument développé est celui d’un risque de fragilisation des capacités de financement des PME par le système bancaire si une trop grande part des dépôts collectés sort du circuit.
Dans le cadre de la Loi de modernisation de l’économie (LME), les modalités de centralisation des encours sur livret A et livret de développement durable (LDD) ont évolué pour soutenir le financement des PME dans une période de crise. Après une phase transitoire, de nouvelles règles de répartition doivent être fixées par décret avant fin septembre 2011 pour une mise en œuvre en 2012.
Aujourd’hui, l’encours total du livret A et du LDD atteint, fin octobre, 259 milliards d’euros dont près de 63% sont centralisés par la CDC. Les banques souhaitent que ce taux soit abaissé aux alentours de 50% afin de préserver leur capacité à financer les PME. En réalité, l’enjeu pour elles serait de conserver dans leurs bilans un volume suffisant de ressources peu onéreuses afin de satisfaire les nouveaux ratios de liquidité introduits par Bâle III. Du côté de la CDC, un taux de centralisation de 70% serait tout juste suffisant pour respecter l’exigence imposée par la LME d’une couverture à 125% des prêts consentis sur fonds d’épargne. D’autant plus que ces prêts sont appelés à croître dans les années à venir, selon l’institution publique.
L’argument selon lequel une centralisation trop favorable à la CDC serait pénalisante pour le financement des PME doit être nuancé pour au moins deux raisons :
- D’une part, la CDC participe indirectement au financement des PME et à leur développement. En effet, le financement du logement social et de la politique de la ville (infrastructures, hôpitaux…) contribue à dynamiser des secteurs vitaux de l’économie comme le BTP, et donc soutient indirectement le développement des entreprises de ces secteurs. Le financement des PME passe également par l’intermédiaire d’Oséo auquel la CDC peut consentir des prêts sur les ressources centralisées.
- D’autre part, un partage plus favorable aux banques n’est pas une garantie d’un meilleur accès des PME au crédit bancaire, tant que la transparence sur l’affectation réelle par les banques des ressources de l’épargne réglementée conservées dans leurs bilans n’est pas améliorée. Rappelons que la LME exige, entre autres, que les banques consacrent au moins 80% des fonds collectés au titre du livret A et du LDD et non centralisés à la CDC au financement des PME. Dans les faits, il est difficile de vérifier le respect de cette exigence, comme l’avait souligné en septembre Philippe Marini . Le rapporteur de la commission des finances du Sénat avait, en effet, relevé un écart inexpliqué de 4,2 milliards d’euros d’épargne réglementée mis à la disposition des banques en 2009 mais non utilisés pour financer les PME ou les travaux d’économie d’énergie.
Dans ce contexte, de quel côté devrait pencher la balance ? La réponse est éminemment politique. Originellement, le livret A, produit subventionné par la collectivité des contribuables, est destiné à financer des priorités nationales qui ne trouveraient pas d’autres sources de financement économiquement viables. La réponse est aussi économique : le financement des PME qui est également une priorité pour la compétitivité de notre économie doit d’abord être remis au cœur du métier des acteurs bancaires, au-delà des flux de l’épargne subventionnée qu’ils peuvent capter. L’instrumentalisation serait, à notre sens, de résumer la question du financement des PME à la part du gâteau du livret A servie aux banques et d’oublier l’utilité économique de l’emploi de ces fonds.


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