Wikileaks is good

A propos du site Wikileaks et de ses “révélations” : les réactions hésitent entre un mépris hautain, « il n’y a rien de bien nouveau dans ce fatras informe» … ou un courroux exacerbé et d’un autre âge « ça ne peut plus durer » …

Disons-le d’emblée, le journal Le Monde a raison d’en faire l’analyse et de publier. Nous jugerons ensuite les thèmes choisis et l’objectivité de l’équipe de rédaction ; il y en a en effet pour toutes et tous dans ces quelques 250 000 documents brutalement mis en ligne sans plus de commentaires. Une présentation hémiplégique des documents serait de mauvais aloi, mais déjà le journal ne se spécialise pas sur Sarkozy, il a su également débusquer des notes à propos de DSK et Ségolène …

Tout n’est pas intéressant dans cet amoncellement qui oscille entre  l’anecdote de salon et le stratégique, mais les documents bruts sont à disposition et il appartient maintenant aux rédactions de faire leur travail de tri, d’analyse, de recoupements, pour dégager les pistes les plus explicites et dignes d’un réel intérêt.

Dans les critiques reviennent celles qui tournent autour de l’obtention de ces documents par le vol. C’est un peu faible quand on connaît l’ardeur à défendre par ailleurs les sources, lesquelles pour la plupart renseignent les journalistes également avec des documents souvent subtilisés. C’est surtout faire peu de cas d’une société qui a complètement changé en la matière. Qu’un jeune militaire âgé de 23 ans, né avec un ordinateur entre les mains, non plus « enfant de la TV » mais du Net, mette ses dons au service d’une cause qu’il pense juste, exacerbé qu’il est par le décalage entre le discours intérieur et les discours à l’extérieur de son pays n’est pas surprenant. Il sera toujours possible de l’arrêter, de le condamner, demain il en naîtra 10, après demain 100 … La démarche est irréversible. C’est un tournant sociétal largement engagé depuis plus de 10 ans : on est entré dans l’ère des réseaux sociaux et de la poubelle de l’info. Ici, comme pour tous les déchets, il faut trier.
Il n’y a pas à justifier ou à condamner, il y a à constater un phénomène qui ne s’arrêtera pas et même se développera, sauf à dire que l’on va mettre un terme à l’utilisation du Net par la masse : ce qui est possible, la Chine vient de supprimer la possibilité d’accès au site sur son territoire. Le voulons-nous vraiment ?

Les politiques pour leur plus grand nombre, sont en retard sur cette évolution; ils ont une tendance à pleurnicher au lieu de s’adapter à cette nouvelle forme de l’information. Après tout, si secret ils veulent garder, pourquoi toujours vouloir écrire et noter ; qu’ils rendent aux messages oraux, leur véritable importance ; qu’ils remplacent la note écrite par le top-là du maquignon ou le compromis « sous la tente ». Ils pourront toujours nier des propos susurrés de la bouche à l’oreille.
Le tohubohu médiatique sur le procédé lui-même, en dehors du contenu, est aussi la marque des restes d’une domination occidentale sur l’autre monde. Wikileaks n’est autre qu’un certificat d’authenticité pour valider des informations connues et souvent déjà publiées par des journalistes d’ailleurs, d’un ailleurs que l’on ne voulait pas entendre ou croire. Quand c’est d’occident et plus particilèrement d’Amérique que provient l’info, elle apparaît plus crédible et ainsi mieux reprise. Le voleur a sans doute aussi compris cette donnée : l’information méprisée car ne provenant pas du « sanctuaire ». Wikileaks et l’écho qu’il rencontre, c’est aussi une marque supplémentaire d’un certain impérialisme de pacotille sur les esprits.
Nul ne pourra nier également que ces documents seront autant d’éclairages pouvant être utilisés par les historiens essayant de se replonger dans les ambiances d’une époque. Enfin, et pour répondre à l’objection d’une dangerosité à l’égard des sources et des services de renseignement, qui pourra croire que le contre-espionnage avait besoin de Wikileaks pour découvrir une “taupe ” et lui faire la peau ?