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Comment Wikileaks porte atteinte à l'autorité de Sarkozy

Publié le 02 décembre 2010 par Juan
Comment Wikileaks porte atteinte à l'autorité de SarkozyJeudi matin, on s'acharnait à savoir si Nicolas Sarkozy avait enfin confirmé, la veille, sa candidature présidentielle pour 2012. Quel suspense ! Tout était parti d'une petite confidence à une trentaine d'élus UMP de la « droite populaire », ceux qui aimeraient que l'UMP entretienne une collaboration plus explicite avec le Front National. Ce mercredi soir, Sarkozy expliqua donc qu'il ne serait président que pour « deux mandats, pas plus », et qu'« après, ce sera la dolce vita ». Le même jour, des révélations plus complètes sur les mémos diplomatiques américains par Wikileaks confirmait le caractère instable du Monarque en place.
Sarko, l'inconscient.
Des mémos publiés par Wikileaks, Nicolas Sarkozy lui-même et ses proches conseillers trouveront quelques motifs de satisfaction, ... et les électeurs français des motifs d'inquiétude.
Finalement, Eric Besson avait raison. En novembre 2006, alors au Parti socialiste, il dépeignait Nicolas Sarkozy comme un « atlantiste, libéral et communautariste », qui « ne peut en aucun cas se revendiquer de l’héritage du Général de Gaulle.» Dans la troisième salve de mémos diplomatiques américains communiqués par Wikileaks et publiés par le Monde le 1er décembre, on y découvre de troublantes et inquiétantes confirmations sur cet atlantisme assumé par Nicolas Sarkozy :
Sarkozy est décrit par des diplomates américains en 2007 comme « le président le plus pro-américain depuis la seconde guerre mondiale ». Ces derniers louent « le libéralisme, l'atlantisme et le communautarisme » du futur président, se félicitent de son attitude pro-israélienne; louent son pragmatisme avec les dictatures du Moyen Orient.
Lors d'une entrevue entre Sarkozy avec l'ambassadeur américain Craig Stapleton et le conseiller économique du président George W. Bush, Allan Hubbard, le 1er août 2005, Sarkozy est allé jusqu'à dévoiler sa candidature, avec 16 mois d'avance sur son annonce officielle, le 14 janvier 2007. Plus grave, alors qu'il était ministre de Jacques Chirac, il critiqua explicitement l'attitude française contre la guerre en Irak : « Sarkozy a exprimé son admiration pour le président Bush, écrivait l'ambassadeur. Sarkozy a dit que, comme le président, lui aussi mettait un point d'honneur à tenir sa parole et à affronter honnêtement les problèmes réels de son pays. (...) Sarkozy s'est lamenté de l'état troublé des relations entre les Etats-Unis et la France au cours des dernières années. Affirmant que c'est quelque chose que lui 'ne ferait jamais', il a évoqué l'utilisation, par Chirac et Villepin, du veto de la France au Conseil de sécurité contre les Etats-Unis en février 2002 comme étant une réaction injustifiable et excessive.»
Dans un autre mémo, on apprend également que Sarkozy souhaitait l'envoi de troupes françaises en Irak. Il l'avait déclaré au ministre de la justice du président Bush, Alberto Gonzales, en 2006 : « Sarkozy a déclaré que la France et la communauté internationale allaient devoir aider les Etats-Unis à résoudre la situation en Irak. Peut-être en remplaçant l'armée américaine par une force internationale. » Finalement, l'histoire a évité à la France ce joli fiasco : grâce à l'élection de Barack Obama, les délires atlantistes de Nicolas Sarkozy n'ont pu se concrétiser. Mais que penser de ces déclarations officielles, alors qu'il était ministre du gouvernement qu'il critiquait. Sarkozy, à l'époque, voulait jouer à la rupture dans toutes les occasions, même les plus dangereuses et les plus inconséquentes.
Sarko, l'inconstant.
D'autres notes diplomatiques livrent une image ambivalente du monarque. Pragmatiques, les diplomates américains notaient, en décembre dernier, que Sarkozy demeurait l'un des leaders les plus solides d'Europe malgré une forte impopularité : aucun challenger sérieux, un camp tout entier dévoué, un contrôle politique total sur le Parlement, le pays est bien verrouillé. la piètre image que donnait déjà Nicolas Sarkozy, avant même le discrédit supplémentaire apporté par la polémique sécuritaire de l'été dernier. Mais d'autres appréciations, depuis 2007, sont clairement plus inquiétantes sur le caractère présidentiel.
En octobre 2007, un câble diplomatique évoque son divorce avec Cécilia, on y décrit un Sarkozy complètement déstabilisé : cela « risque d'affecter l'équilibre fragile de cette personnalité susceptible et autoritaire (...) Sarkozy lui même a fait état de sa dépendance envers Cécilia -la source de ma force et mon talon d'Achille, comme il le formule. » On pourrait presque plaindre l'amoureux déchu, s'il n'y avait pas ce second mémo, deux ans plus tard, en novembre 2009 : « Sarkozy utilise à plein la popularité de Carla Bruni et la popularité de leur couple pour promouvoir les intérêts nationaux de la France au Brésil.» Carla Bruni-Sarkozy, « VRP » sexuelle de Sarkofrance ?
Différents mémos relatent également des témoignages d'officiels étrangers glanés au fil des (nombreux) déplacements internationaux du Monarque français, le qualifiant de « relâché », « discourtois », « autoritaire », « impulsif ». Une note mentionne même cette anecdote tristement croustillante :ses collaborateurs terrorisés ont fait dérouter l'avion présidentiel un soir de décembre 2009 afin que Sarkozy évite de voir la Tour Eiffel décorée aux couleurs de la Turquie...
Au final, Sarkozy apparaît tel qu'on le perçoit aussi en France : psychologiquement instable ou émotif, narcissique et impulsif. Que cette image ait été également perçu dans les coulisses des déplacements officiels par la diplomatie américaine est en soi une information.
A l'Elysée comme au gouvernement, on nous explique que ces fuites de Wikileaks sont scandaleuses, qu'elles représentent une atteinte « à l'autorité des États » et « mettent en danger des hommes et des femmes qui travaillent à la sécurité de leur pays ». L'accusation est fausse, les informations ont été filtrées par des journalistes.
En France, ces fuites portent atteinte au story-telling sarkozyen et à l'autorité du Monarque.
Sarko, l'innocent
Dans l'affaire du Karachigate, le Figaro a livré une nouvelle pièce au dossier. Selon le journal, « plusieurs documents en possession des juges tiennent aujourd'hui Nicolas Sarkozy à l'écart du cœur névralgique du dossier.» Quels sont-ils ?
1. Dans le compte rendu d'une réunion tenue le 29 juin 1994, le représentant du ministère du Budget, dirigé à l'époque par Nicolas Sarkozy, réitère les réticences de Bercy sur la vente de sous-marins au Pakistan. le Figaro s'interroge alors : « Par la suite, Nicolas Sarkozy, d'abord hostile à la vente des sous-marins, aurait-il lui-même donné son accord à la création, au Luxembourg, de la société HEINE, «shadow compagny» chargée de gérer les commissions liées à ce contrat (versées aux décisionnaires pakistanais, légales jusqu'en 2000), et éventuellement les rétrocommissions (illégales, elles, destinées à des responsables français)?»
2. Un autre document, saisi par le juge Renaud Van Ruymbeke ces dernières semaines, est constitué de 3 pages manuscrites datant du 11 décembre 1996 (Chirac est président depuis 6 mois), rédigées « par un fonctionnaire du ministère du Budget au cours d'une réunion avec les responsables de la Direction des constructions navales (DCN) ». Ces notes décrivent le circuit emprunté par les commissions occultes versées en marge du contrat Agosta. Selon le Figaro, ces notes montrent que l'administration fiscale n'avait pas connaissance de ces circuits, puisqu'elle venait s'en enquérir auprès de la DCN pour évaluer leurs déductibilités fiscales.
3. Une troisième information mentionnée par le Figaro est la réponse adressée par Nicolas Sarkozy en 2006, alors ministre de l'intérieur et futur candidat à la l'élection présidentielle, à au dirigeant de la société HEINE menacée de dissolution : Sarkozy aurait renvoyé l'interlocuteur vers ... Michèle Alliot-Marie alors ministre de la Défense de Jacques Chirac.
L'argumentaire de défense pro-Sarkozy servi ainsi par le Figaro est un peu faible : les réticences de Bercy contre le contrat Agosta dataient d'avant l'arrivée de Nicolas Sarkozy à Bercy. Au contraire, on ne peut que s'interroger que les raisons qui ont fait changer d'avis le futur président. Quand à l'explication de texte fournie par la DCN aux fonctionnaires du fisc fin 1996, elle ne prouve en rien que Nicolas Sarkozy était au courant ou pas de l'existence des commissions. A l'inverse, la règlementation imposait au ministre du budget de valider le montant des commissions au moment de la conclusion de la vente. Et divers témoignages ont rappelé que cette autorisation avait bien eu lieu.
On notera au passage que le quotidien communique le contenu de documents classé confidentiel défense, obtenus grâce à des fuites qui, cette fois-ci, ne choquent personne en Sarkofrance...
Un président qualifié d'impulsif-autoritaire par des diplomates américains, fébrile sur l'affaire Karachi au point de commander un article de défense au Figaro...
 Dans quelle démocratie vivons-nous ?


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