Magazine Sport

Julien Fébreau (Journaliste F1) : "On a vécu une saison formidable"

Publié le 02 décembre 2010 par Supra

Julien Fébreau (Journaliste vécu saison formidable

Passé par RMC, Julien Fébreau est aujourd'hui journaliste à Europe 1. Spécialisé dans les sports automobiles, il commente tous les ans le championnat du monde de Formule 1. Ensemble, nous sommes revenus sur la saison qui vient de s'achever et qui a vu Sebastian Vettel décrocher son premier titre de champion du monde. Passionné, Julien Fébreau a répondu à ceux qui considèrent que la F1 n'est pas un véritable sport. Il a également abordé les difficultés de la France en F1, s'attardant notamment sur le projet d'un nouveau Grand Prix de France. Enfin, il a évoqué ses souvenirs les plus forts en tant que journaliste sportif. Une interview sans langue de bois avec un véritable amoureux des circuits.

Julien Fébreau, peux-tu tout d’abord nous présenter ton parcours professionnel jusqu’à aujourd’hui dans ses grandes lignes ?

J'ai d'abord passé un Bac STT/communication en Bretagne à Quimper puis j'ai intégré une école spécialisée dans les métiers de la Radio. J'ai suivi la formation "Journalisme" sur 2 ans. L'école s'appelle "Studio Ecole de France". Elle était basée à Boulogne Billancourt à mon époque et elle est maintenant à Issy les Moulineaux. J'y suis entré en Octobre 2001 et j'ai eu mon diplôme en Juin 2003. Durant ces 2 années j'ai effectué un stage obligatoire de 2 mois l'été 2002. Je l'ai fait à RMC et finalement j'y suis resté. Mon stage s’est poursuivi jusqu'à l'été suivant où j'ai finalement été embauché. Je suis resté à RMC jusqu'en février 2009 puis je suis parti à Europe 1. J'ai couvert 4 saisons de F1 sur le terrain à RMC de 2005 à fin 2008 et 2 saisons pour Europe 1 en 2009 et 2010.

D’où t’es venu ta passion pour les sports automobiles et en particulier pour la Formule 1 ?

Ca m'est venu de mon Papa qui est pilote auto amateur. Il a fait de nombreux Rallye Raid comme le Dakar et il a piloté en Rallycross de nombreuses années. Il a même été champion de France en 92. Donc la passion vient de là.

Que retiens-tu de la saison qui vient de s’achever ? Quels en ont été les moments décisifs ? La stratégie de Ferrari lors du dernier Grand Prix a fait beaucoup de bruit. Quel est ton avis ?

Je retiens qu'il y a 3 ans j'ai annoncé à l'antenne que Vettel serait Champion du Monde dans les 3 années à venir... Je ne me suis pas trop trompé ! Plus généralement, je retiens qu'on a vécu une saison formidable. Beaucoup pensait que l'intérêt de cette saison se résumerait aux performances de Schumacher. On a bien vu que malgré son manque de performance, la saison a été ultra intéressante. Du jamais vu dans l'histoire de la F1 puisque 4 pilotes pouvaient encore être titrés lors de la dernière course. Beaucoup de gens me disent que c'était la saison la plus intéressante depuis longtemps mais je ne suis pas d'accord car si on regarde les saisons de F1 depuis 2005, elles ont toutes été passionnantes.

Je ne sais pas si on peut parler de moments décisifs parce que les Red Bull ont toujours été devant et ce sont les autres qui ont plus ou moins été à leur niveau. Mais il y a eu des moments forts. La première victoire d'Alonso chez Ferrari dès le premier GP, l'accrochage entre les deux Red Bull en Turquie, les 2 victoires consécutives de Webber en Espagne et à Monaco. C'est là qu'il a vraiment explosé aux yeux de tous. Et puis il y a eu le retour hallucinant d’Alonso sur la deuxième moitié de saison. Il ne faut pas oublier que personne ne misait plus sur lui à mi-saison.

Cela prouve que derrière toute cette technologie et tout ces moyens mis en œuvre pour tenter de gagner, au final ce sont des hommes qui pilotent et d'autres qui prennent les décisions. Au delà de ne pas avoir pris en compte les arrêts aux stands de Rosberg et Kubica, Ferrari s'est tout simplement concentré sur le mauvais cheval. Il ne fallait plus se focaliser sur Webber mais suivre les leaders. Mais c'est très facile à dire une fois la course terminée.

Sur les cinq dernières saisons, il y a eu cinq champions du monde différents. A quoi est-ce dû ? A un resserrement général du niveau des pilotes, à des voitures de plus en plus proches les unes des autres en termes de performances ?

Il y a effectivement un très bon niveau de pilotes. Le cas de Button est un peu différent car pour le coup il avait véritablement une voiture au dessus du lot en 2009, bien que ça reste un très bon pilote évidemment.  Dans les autres cas, les meilleurs pilotes se sont retrouvés dans les meilleures monoplaces et ça s'est souvent joué à peu de choses. Et on aurait facilement pu avoir des champions différents. Alonso aurait pu être titré en 2007 et 2010, ça ne s'est pas joué à grand-chose mais les meilleurs ont toujours été aux avants postes c'est certain.

Sebastian Vettel a-t-il les moyens de régner sur la F1 comme a pu le faire Michael Schumacher ? Qu’a-t-il de plus que les autres ?

Je ne pense pas que son règne puisse être aussi écrasant car à l'époque Ferrari n'avait pas de concurrence et Schumacher n'en avait pas en interne non plus. Là, pour le coup, Vettel a une concurrence très importante même à l'intérieur de sa propre équipe. Maintenant, je suis persuadé que l’association Vettel-Adrian Newey (Le concepteur de la Red-Bull) peut faire des étincelles encore longtemps. Vettel a plusieurs points communs avec les autres grands champions. Une voiture excellente évidemment, une confiance en lui très élevée aussi. Ensuite, c'est quelqu'un qui se remet énormément en question et en permanence. Il travaille beaucoup et passe énormément de temps avec son équipe. Il est jeune et apporte beaucoup de fraîcheur et d'énergie à toute son équipe.

Qu’as-tu pensé des résultats de Michael Schumacher ? As-tu compris sa volonté de revenir sur les pistes tout en sachant qu’il lui serait difficile d’être aussi dominateur qu’auparavant ? Que peut-il espérer pour la saison prochaine ?

Je comprends à 100 % son envie et son besoin de revenir. Ce n'est pas pour rien qu'après avoir arrêté la F1 il s’est immédiatement mis à la Moto. Schumacher avait besoin de retrouver des sensations de vitesse et des montés d'adrénaline car quand on a vécu ça pendant autant d'années, on ne peut que très difficilement s'en passer. Je pense que son accident sérieux en moto en début d'année 2009 a peut être aidé son retour. Lui et sa famille ont dû avoir assez peur et sans doute que sa femme lui a dit "Si tu as tant besoin de sensations fortes, je préfère que tu retourne sur 4 roues plutôt que sur 2". Maintenant, ses performances ne sont pas surprenantes. La Mercedes n'était pas la meilleure voiture du plateau et après autant d'années d'absence difficile pour lui d'être au top.  C'est comme si Roger Federer s'arrêtait de jouer pendant 3 ans. Il saura toujours jouer en revenant mais impossible d'être numéro 1 tout de suite. D'autant que l'interdiction des essais privés pendant la saison a joué contre Michael, ça aurait pu permettre à l'équipe de mieux adapter la voiture à ses demandes et lui de beaucoup plus rouler.

Ca dépendra beaucoup du niveau de compétitivité de sa voiture évidemment. Peut-il de son coté retrouver son niveau d'antan ? Je me pose la question...

Que réponds-tu à ceux qui considèrent que la Formule 1 n’est pas un véritable sport, que la principale performance est celle de la voiture avant d’être celle du pilote ?

Pour ce qui est de dire que la F1 n'est pas un véritable sport, j'invite ceux qui pensent cela à se mettre dans un Sauna et à pédaler pendant 1h40 et on en reparle après... Pour ce qui est de l'importance de la voiture, c'est évident qu'avec le meilleur talent du Monde Vettel n'aurait pas pu être champion dans une Lotus ou une HRT mais la voiture ne fait pas tout. S’il n'y a pas des génies du pilotage au volant, la voiture ne progresse pas, elle n'est pas réglée comme il faut. Et que dire du pilotage sous la pluie où les performances des voitures s'effacent beaucoup plus. Dans ces conditions on peut aussi juger du niveau des pilotes. Pour avoir eu l'occasion de porter un casque radio d'une écurie sur certains Grand Prix, je suis impressionné par le nombre d'informations qu'on passe au pilote pendant qu'il roule à 300 Km/h et le nombre d'actions qu'il doit effectuer sur son volant. Quand il rentre aux stands, il est harcelé de questions par ses ingénieurs et doit retranscrire de manière exacte ce qui s'est passé en piste. Ces types là sont vraiment hors du commun en matière de courses automobile.

Cette saison, pas moins de 7 Allemands (Glock, Heidfeld, Hulkenberg, Sutil, Schumacher, Rosberg, Vettel), 4 Brésiliens (Senna, Di Grassi, Barichello, Massa) ou encore 3 Espagnols (Alguersuari, De La Rosa, Alonso) et 3 Britanniques (Di Resta, Button, Hamilton) ont participé à la saison de F1 et pas le moindre Français à l’horizon. A quoi est-ce dû ? Le niveau de la F1 en France n’est-il pas tout simplement insuffisant ?

Pour ce qui est du niveau en France, je suis persuadé que nous avons des pilotes qui valent largement certains présents actuellement en F1. Ce n'est pas une question de talent. Prenez Grosjean, Bianchi, Pic, Vergne... et j'en passe. Le problème est d'ordre financier majoritairement. Aujourd'hui on voit arriver des pilotes en F1 avec beaucoup d'argent. Prenez Perez chez Sauber, Maldonado chez Williams et pleins d'autres ailleurs. Personne ne veut soutenir des pilotes en France à hauteur des sommes nécessaires pour arriver en F1 car aujourd'hui la France est devenue «autophobe» : plus de Grand-Prix de France, aucune volonté politique d'en instaurer un nouveau alors que cela créerait de la richesse et de nombreux emplois.

Justement, où en est le projet d’un nouveau Grand Prix en France ? Certains détracteurs évoquent des problèmes environnementaux. Qu’en penses-tu ?

Quasiment nulle part. Certains restent à l'affut d'une possibilité mais plus les élections présidentielles approchent  et moins la création d'un projet ne pourra voir le jour. Personne ne se mouillera dans une période financièrement difficile pour les Français et dans un contexte où l'automobile a aussi mauvaise réputation.

Oui, les Verts ont fait beaucoup de mal aux projets F1 qui ont tenté de voir le jour. En même temps, c'est leur rôle mais ils n'ont pas été honnêtes. Dans le cas de Flin par exemple, on a crié au scandale car soit disant les nappes phréatiques serait souillées ce qui est faux puisque le site aurait rendu encore plus propres et plus protégées les nappes phréatiques de ce secteur mais aujourd'hui les bon samaritains et les donneurs de leçons s'appellent Yan Arthus Bertrand et Nicolas Hulot… Alors on ne peut pas lutter.  Ils ne doivent pas avoir de problèmes d'argent pour dénigrer des projets qui peuvent créer autant d'emplois et rapporter des dizaines de millions d'euros à notre pays...

A quoi peut-on s’attendre pour la saison prochaine ?

Difficile de pouvoir prédire ce qui se passera mais il y a quelques pilotes qui voudront leur revanche sur Vettel. Si Renault peut encore progresser et Mercedes revenir au sommet, ça annonce de belle bagarres non pas à 6 pilotes mais à 8 ou 10.

En tant que journaliste sportif, quel est ton meilleur souvenir ?

Très certainement le Grand-Prix du Brésil 2008. Les derniers tours étaient surréalistes. Avoir pu commenter cette course était un privilège. Il y avait énormément de tensions avant le départ et beaucoup d'émotions après. Le fait que ça se soit joué dans le dernier virage du dernier tour de la saison est exceptionnel ça n'arrivera sans doute pas de si tôt.

As-tu une anecdote particulière qui te serait arrivée en pleine émission et qui te vient à l’esprit ?

En 104 Grand Prix il nous en ait arrivées quelques unes. Des fous rires bien sûr. Je commente toujours le départ debout car c'est un moment très intense et je veux pouvoir bouger dans tous les sens. Une fois je me suis appuyé sur le dossier d'une chaise et elle a basculé au moment du départ. Je me suis donc cassé la figure à ce moment-là mais sans perdre mon sang froid. J'ai réussi à garder les yeux sur les écrans et continuer à commenter comme si de rien était le temps de me relever. Cela a juste fait un gros "boum" à l'antenne. Je me souviens avoir fais des interviews vraiment sympas avec des personnalités venues d'autres univers comme Michael Douglas, Naomi Campbell ou Quentin Tarantino…

En dehors de la Formule 1, quels sont les sports qui te passionnent le plus ?

Les sports qui me plaisent à part la F1 ce sont d'abord des sports mécaniques évidemment, le Rallycross, le Dakar, les 24h du Mans ou encore le WRC... J'aime beaucoup le tennis, l'athlétisme, le judo mais je ne suis pas très sports collectifs donc le foot, le rugby ne sont pas vraiment mes sports de prédilection.

Peux-tu nous décrire une journée type de travail ?

Je peux te donner mon week-end type de travail. Généralement j'arrive le mercredi soir avant la course sinon le mardi quand ceux sont des courses "Overseas" hors Europe quoi !

Le jeudi matin je suis au circuit vers 9h. Je récupère mon Pass Parking. Le Pass Paddock on l'a en début de saison pour toute l'année - Il y en a 2 sortes, les verts et les rouges. Le vert c'est uniquement pour le Paddok, le rouge c'est Paddock + Pit Lane + Grille de départ avant la course. Fort heureusement j'en ai un Rouge !

Le jeudi matin donc, j'installe tout le matos technique dans ma cabine de commentaires. Les cabines se trouvent toujours au sommet de la tribune en face des stands. Il me faut 2h / 3h pour tout installer et vérifier que les lignes téléphoniques Internet et ISDN (C'est pour l'antenne ça !!) fonctionnent. Pour pouvoir être en direct sur la grille le dimanche, il faut un système qu'on appelle HF (Haute Fréquence). Pour cela il faut que j'aille fixer des antennes d'émission et de réception sur le toit des cabine. Parfois c'est un peu périlleux !

Le jeudi midi je déjeune dans le paddock et les interviews commencent. Il y en a tout au long de l'après-midi avec les pilotes, les ingés, les patrons d'écuries. A 15h tous les jeudis, il y a une conf de presse FIA... Celle ci est inratable puisque la FIA fait toujours venir les pilotes et les personnalités qui font l'actu.

En fin d'après midi je remonte dans ma cabine pour monter et préparer tout mes sons qui servent pour l'antenne et pour les journaux des sports du lendemain matin entre 5h et 9h. Ensuite je vais faire le tour du circuit à Pied. Ca prend 1h / 1h15. Généralement je termine le jeudi soir vers 21h/22h.

Le vendredi. Arrivée au circuit à 9h. Avant les premiers essais je traine dans le paddock pour prendre un peu la température et des infos à droite à gauche. Je suis la séance de 10h à 11h30 soit directement sur la Pit Lane pour voir les voitures de près et voir les modifs, soit dans ma cabine, soit des fois dans le stand d'une écurie avec les pilotes et ingé et la radio des pilotes dans les oreilles, tu comprend beaucoup mieux comment ils travaillent.

Déjeuner puis 2ème séance d'essais. Puis a nouveau des interviews tout l'après midi. Je termine vers 22h / 23h.

Le samedi arrivée au circuit vers 8h. Je passe pas mal de temps dans le paddock GP2, puis je remonte au Paddock F1 pour suivre la 3ème séance d'essais libres. je suis en cabine de commentaire pendant la qualification pour faire un point à l'antenne à la fin de celle ci. Dès 15h je redescends dans le paddock pour faire les Interview qui serviront pour les journaux des sports du lendemain matin. Généralement je quitte le circuit vers 23h.

Le dimanche je suis au circuit à 10h. Je vais sur la grille de départ du GP2 et je suis la course sur le muret des stands. En fin de matinée je traine dans le paddock à la recherche des dernières infos et. je remonte en cabine pour m'équiper avec la HF et je redescend dans le paddock. J’enchaine à 13h40 avec le Spécial F1 d'avant course. Je vais sur la grille et je fais les interviews puis 5 minutes avant le tour de chauffe, je remonte à toute vitesse en cabine pour être en place au moment du départ, car comme tu l'as sans doute constaté, c'est moi qui commente les premiers instants de la course. Ensuite dès la course terminée, je redescends dans le paddock pour les interviews, ça prend 2h environ, pour le lendemain matin et le lendemain soir. Je démonte toute ma cabine et généralement il est minuit quand je pars.

Je prends toujours l'avion le Lundi et je suis à Paris en fin de journée.

Entre deux saisons de F1, en quoi consiste ton travail ?

Et bien il y a pas mal de choses à faire. Cette année je couvre l'ensemble du Trophée Andros. J'accompagne mon Romain Grosjean. Je lui facilite la vie sur les courses et m'occupe un peu de l'aspect média. Je couvre aussi la discipline pour L'Equipe, Compte-Tours Magazine et www.autohebdo.fr.


Retour à La Une de Logo Paperblog