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De Karachi à Clotilde Reiss : les mensonges et non-dits de Sarkozy.

Publié le 03 décembre 2010 par Juan
De Karachi à Clotilde Reiss : les mensonges et non-dits de Sarkozy.Ce vendredi 3 décembre, Sarkozy file en Inde pour 4 jours de voyage officiel avec son épouse Carla. Il est temps. Wikileaks a encore frappé. Depuis lundi, les 5 journaux choisis par le site ont livré tour à tour leurs analyses sur les 250 000 archives diplomatiques fuitées par Wikileaks. En France, ces notes qui devaient rester confidentielles sont en passe de provoquer des dommages inédits sur la crédibilité de Nicolas Sarkozy. Mardi, on apprenait que l'administration américaine le prenait pour instable. Mercredi, qu'il souhaitait une intervention française en Irak. Et jeudi, voici carrément un mensonge d'Etat révélé : les coulisses de la libération de Clotilde Reiss. Entre l'affaire de Karachi, et les nouvelles découvertes du Point, et les fuites Wikileaks, la posture sarkozyenne devient terriblement intenable.
Sarkozy se dérobe
Ce jeudi 2 décembre, on aurait pu commenter les nouveaux morts du froid, ou le nième plan d'urgence du gouvernement pour résoudre, avec deux années de retard sur la promesse sarkozyenne, la question des sans-abris. Chaque année, à la même époque, on se souvient qu'ils sont environ 100.000.
On aurait pu commenter les possibles difficultés de la France à emprunter son financement nécessaire sur les marchés boursiers du monde, soit 185 milliards d'euros. Des rumeurs ont couru, ces derniers jours, que la France pourrait être mise sous surveillance négative par Standard and Poor's.Christine Lagarde s'est emportée : « Aller raconter que la France est menacée, c'est racoleur, mais je ne pense pas que ce soit économiquement juste ». François Baroin a rassuré : « Il n'y a pas de risque de voir la note abaissée. On est même une signature refuge ».
On aurait pu s'étonner de cet Etat mauvais payeur, qui rechigne, 5 à 6 mois après la fin de leur contrat, à régler l'indemnisation de ces agents contractuels devenus chômeurs. 
On pourra commenter, bientôt, ce voyage en Inde, avec le nouvel Airbus présidentiel, rempli de chefs d'entreprises, et le second avion, facturé par l'armée de l'air à 1990 euros le voyage pour chacun des journalistes accompagnant.
Clotilde Reiss, mensonges d'Etat.
 Mais le même jour, le Monde détaillait, mémos diplomatiques américains à l'appui, comment l'Elysée a menti sur la libération de Clotilde Reiss, la jeune interprète française retenue en otage par l'Iran en juillet 2009. A l'époque, Nicolas Sarkozy jouait de la grosse voix contre l'Iran. La jeune Française fut d'abord arrêtée, le 1er juillet 2009 à l'aéroport de Téhéran, pour « espionnage », puis libérée mais recluse à l'ambassade de France, et enfin libérée en mai 2010. Sarkozy s'empressa de remercier l'action du président syrien Bachar Al-Assad, tout en contestant le versement d'une quelconque rançon
Or, à lire les mémos américains, ce story-telling était mensonger.
Tout au long de cette crise franco-iranienne, l'Elysée a expliqué sa stratégie à la diplomatie américaine. Wikileaks a notamment exhibé des comptes-rendus d'échanges avec François Richier, conseiller de Nicolas Sarkozy pour les affaires stratégiques. Ils sont édifiants. L'ampleur du mensonge au plus haut sommet de l'Etat, et de la manipulation médiatique, partiellement dénoncée à l'époque, étonne.
1. Le 12 août 2009, une diplomate américaine, Kathleen Allegrone, rencontre à Paris François Richier, et relate l'entretien dans un mémo intitulé « Iran : commentaires français sur la façon de gérer des cas d'otages ». On y apprend que la « méthode française » suivie par Nicolas Sarkozy était de « faire du bruit » dans les médias pour embarrasser l'Iran, jugé par la France si sensible à son image. Lors de la même rencontre, le conseiller sarkozyen expliqua qu'il ne servait à rien de se limiter à des actions discrètes, car l'arrestation d'étrangers serait « une tactique iranienne familière : la prise d'otages pour le chantage politique ». Résumons : selon Sarkozy, l'Iran prend des étrangers en otages pour faire du chantage, et Sarkozy pense que crier bruyamment est la meilleure stratégie de réponse... N'aurait-on pas pu penser que donner autant de publicité à l'outrance iranienne était le meilleur service à lui rendre ? En août, un spécialiste de l’Iran expliquait déjà que Reiss aurait pu être libérée plus tôt si Sarkozy s’était montré plus discret.
2.  Dès le 12 août, le même conseiller Richier affirmait à son interlocutrice américaine que la libération de Clotilde Reiss « nécessitera le versement aux Iraniens d'une large somme d'argent », à savoir 230 000 euros de caution.
3. Le 25 août 2009, alors que Clotilde Reiss est sortie de prison mais toujours retenue à l'ambassade de France à Téhéran, un autre mémo américain évoque «le 'blitz' médiatique des officiels français». La Syrie aurait-elle agi de quelque manière que ce soit pour aider à cette sortie de prison ? Personne ne sait rien. Les officiels français le confirment à leurs interlocuteurs américains. Le président Al Assad, lors de sa venue en France le 5 août, avait juste indiqué à Sarkozy qu'il ferait passer le message. Mais pour les médias et le public français, il vaut mieux mentir, mentir effrontément et sans complexe, expliquer que la Syrie s'est démennée : « Malgré leurs déclarations pleines de louanges, les officiels français reconnaissent en privé qu'ils n'ont qu'une vague notion de ce que les Syriens ont réellement fait. » Selon le diplomate américain Sarkozy cherchait à donner des signaux à la Syrie, et « démontrer à la Syrie quelles louanges elle peut s'attirer en jouant un rôle constructif dans la région ».
 
Du Karachigate au Balladurgate.
Le Point, dans son édition du 2 décembre, publie quelques nouvelles révélations sur le Karachigate. Des informations qui mettent à mal, encore un peu plus, la défense de Nicolas Sarkozy et d'Edouard Balladur. L'affaire évolue, elle s'éloigne du Pakistan; et le périmètre des personnalités politiques impliquées s'élargit. A l'Elysée, la défense de Nicolas Sarkozy consiste désormais à innocenter Sarkozy lui-même plutôt que de continuer à prétendre qu'il ne s'agit que d'une fable.
1. Les deux intermédiaires imposés par le gouvernement Balladur dans la vente des 3 sous-marins au Pakistan (le contrat « Agosta ») étaient aussi parties prenantes des contrats militaires avec l'Arabie Saoudite, dont le contrat Sarawi II sur la cession de frégates par la France à décidée en 1993 sous le même gouvernement Balladur.
2. Les commissions promises à ces deux intermédiaires, sobrement baptisés « Réseau K », étaient autrement plus conséquentes dans le seul contrat pakistanais: 288 millions d'euros au total, qui transitaient via deux sociétés dénommées ESTAR et RABOR.
3. Avant la décision de Jacques Chirac d'interrompre le versement de ces commissions, confirmée par Dominique de Villepin lors de son audition devant le juge Van Ruymbeke, et exécutée en son temps par Michel Mazens, quelques 53 millions d'euros (sur les 288) avaient déjà été payés. Le réseau K avait également perçu 33 millions d'euros sur le contrat Agosta, rappelle le Point.
4. L'hebdomadaire relate enfin qu'en janvier 1997, M. Mazens avait alerté Charles Millon sur ses difficultés à « convaincre » ces deux intermédiaires de renoncer à leurs prétentions contractuelles : « les pressions n'ont pas encore produit les résultats définitifs espérés. »
5. Mais deux mois plus tard, les deux hommes cèdent. Le Point révèle que le versement de ces commissions a été effectivement interrompu en 1997. L'hebdomadaire a même publié un extrait d'un courrier de Michel Mazens, le directeur de la SOFRESA (Société Française d'Exportation de Systèmes d'Armements, en charge du suivi de ces contrats), adressé aux autorités saoudiennes le 3 mars 1997, dans lequel il les prévenait de l'arrêt du versement par la France des commissions au Réseau K.
6. Cette lettre publiée par le Point confirme implicitement que les commissions du réseau K n'étaient pas destinées à des officiels saoudien.
Mardi 30 novembre, Dominique de Villepin a été entendu par le juge Marc Trévidic, après son audition, la semaine dernière Van Ruymbeke. Il est resté prudent, confirmant ses propos précédents. De son côté, un député socialiste, Bernard Cazeneuve, rapporteur de la mission d'information parlementaire sur l'attentat de Karachi, a dénoncé l'entrave organisée par le gouvernement sur ces affaires. Il était aussi interrogé, le 2 novembre dernier, par le juge Renaud Van Ruymbeke. Et il balance : «Quant aux fonctionnaires de Bercy ayant eu à connaître ce contrat au moment de sa négociation et qui pouvaient être informés des flux des commissions y afférents, le ministre de l'économie et des finances (Christine Lagarde) n'a pas autorisé leur audition par la commission parlementaire. J'ai donc dénoncé, dans le rapport, l'entrave organisée par le gouvernement de la mission de contrôle que se proposait d'exercer le parlement.» Et Cazeneuve de confirmer ensuite, point par point, que les témoignages néanmoins recueillis par cette mission parlementaire ont validé l'existence du réseau K imposé par l'entourage de François Léotard.
Mensonges d'un côté, non-dits de l'autre... tout va bien en Sarkofrance.


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