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La Fille du tambour major

Publié le 04 décembre 2010 par Porky

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Et si nous restions encore un moment en compagnie des « filles » du répertoire lyrique ? Juste le temps de parler de celle dont on a dit qu’elle n’était qu’un « pâle avatar de La fille du régiment » et que son livret ressemblait à celui de l’ouvrage de Donizetti mais « vu par le petit bout d’une lorgnette dont on aurait sali les verres. » Critique pour le moins méchante, et totalement injuste. 

Injuste, parce que La Fille du tambour major ne prétend aucunement rivaliser avec sa sœur aînée. Certes, l’environnement est le même, « l’histoire » relativement semblable, et on retrouve dans l’œuvre d’Offenbach la même ardeur cocardière que dans La Fille du régiment. Mais musicalement, les œuvres sont fort différentes et la Fille du tambour major n’a pour but que de divertir, amuser et faire passer un bon moment, rien d’autre. Et si l’ouvrage de Donizetti penche fortement vers l’opéra comique traditionnel (l’air de Marie au second acte « salut à la France » est tout simplement redoutable à chanter), celui d’Offenbach se contente d’afficher haut et clair son appartenance à ce genre dit mineur qu’est l’opérette.

Penchons-nous un instant, court, rassurez-vous, sur l’historique de ce genre. L’opérette a tout un passé derrière elle et possède d’authentiques lettres de noblesse. Parmi ses ancêtres, on compte toute la production gaie d’opéras comiques du 18ème siècle. Camille Saint-Saëns disait d’elle qu’elle était « une fille de l’opéra comique, mais une fille qui a mal tourné » ; et il ajoutait avec un sourire : « Il est vrai que ce sont les plus jolies qui tournent le plus mal… »

Le pape incontesté de l’opérette française, c’est Jacques Offenbach. Il a entraîné dans un tourbillon de gaieté et d’insolence toute une génération, et Wagner, qui ne passait pas pour être un esprit bienveillant, disait de lui qu’il était « le petit Mozart des Champs-Elysées ». Disparu en 1880, soit il y a 130 ans, Offenbach reste pourtant un des compositeurs les plus joués ; sa verve parodique lui permit de se moquer des ridicules et des travers de son temps et elle continue de nous distraire et de nous plonger dans un univers doucement « foldingue » d’où l’émotion n’est pas forcément absente. Il occupe une place unique dans l’univers des grands musiciens : il a ri et fait rire de tout, alors que le Second Empire chancelait sur ses bases et allait s’effondrer dans la débâcle de 1870, justifiant ainsi sa prédiction : « je veux faire danser et chanter l’Europe sur un volcan ». Il s’est ainsi moqué des dieux, des rois, des militaires, de la force publique, des héros et surtout du bon bourgeois qui venait rire à ses « pitreries », ce dernier trait étant sans doute le plus comique quand on examine d’un peu plus près ses œuvres.

La Fille du tambour major est créée un soir de décembre 1879 : Offenbach est malade, épuisé, il mourra l’année suivante, sans avoir pu assister à la création de l’œuvre qui lui tient le plus à cœur et sur laquelle il a travaillé comme un forcené, Les Contes d’Hoffmann. L’effondrement du Second Empire avait sonné pour le compositeur le glas du succès ; autant on l’avait porté aux nues pendant des années, autant à présent on lui tourne le dos. On va même jusqu’à le traiter de Prussien, injure suprême dans cette sombre période. C’est parallèlement à la composition des Contes que lui viendra cette opérette charmante et si le travail de son grand opéra avance difficilement, c’est avec une grande facilité que lui viennent tous les airs de La Fille du tambour major. On a peine à croire que cette musique si gaie, si entraînante, si enlevée, soit l’œuvre d’un homme que la mort guette déjà.

La création de 1879 est un triomphe : le délire dans la salle atteint son comble à la fin de l’acte III, lors de la fameuse « entrée des français dans Milan », au son du Chant du Départ que le public reprend d’une même voix. L’avenir de l’œuvre est assuré et ce succès ne se démentira pas par la suite, même si des ouvrages tels que La vie parisienne, la Périchole, la Belle Hélène, la Grande Duchesse de Gérolstein et autres seront davantage représentés que La Fille.

Pour terminer cette présentation, voici ce que disent Guy Lafarge et Pierre Hiegel de La Fille du tambour major : « Cette opérette symbolise bien le caractère français, cocardier, plein d’entrain, d’esprit et de bonne humeur. Mais Offenbach lui a aussi donné une couleur sensible et fleur bleue qui émeut les cœurs les plus rudes. »

ARGUMENT : l’action se passe en Lombardie en 1806.

ACTE I – Dans un couvent italien. Les pensionnaires du couvent s’amusent à écouter une chanson défendue concernant les Français de Bonaparte dont Stella, la fille du duc Della Volta a réussi à se procurer les paroles. Arrive la mère supérieure qui, furieuse d’entendre de telles insanités dans son couvent, punit la contrevenante en l’enfermant dans la lingerie, non sans avoir averti ces demoiselles du danger que représentaient les militaires français pour la vertu des jeunes filles. Mais au moment où les pensionnaires vont se livrer aux délices du goûter, on apprend que les troupes françaises se dirigent vers le couvent et seront là dans un instant ; affolement des demoiselles, décision de la supérieure : on déménage dans un couvent voisin. Et voilà toute la garnison en jupons qui quitte le couvent, en oubliant la pauvre Stella qui se morfond toujours dans sa lingerie.

Arrivée des militaires français : en fait de brigands sanguinaires, il s’agit de braves garçons d’une compagnie, conduits par le Lieutenant Robert et qui doivent rejoindre l’armée du Premier Consul qui harcèle les troupes italiennes du général Mélas. Parmi les militaires, le tambour major Monthabor, le soldat Griolet et la cantinière Claudine. Griolet est amoureux de Claudine, laquelle lui préfère le Lieutenant Robert, lequel ne fait absolument pas attention à elle. Alors que la compagnie envahit le couvent, Stella, qui commence à s’ennuyer ferme dans la lingerie, sort de sa prison et se trouve nez à nez avec les militaires français : épouvante de la jeune fille, qui se remet rapidement de ses émotions en constatant que les français n’ont aucunement l’intention de la violer avant de la tuer. Déjà plus ou moins charmée par le Lieutenant Robert, Stella leur ouvre grand les portes du couvent et leur offre toutes les vivres que ce dernier renferme. On organise un « festin » au cours duquel chacun y va de sa petite chanson et le Lieutenant Robert tombe très vite amoureux de Stella qui devra désormais suivre le régiment.

Acte II – Le château du Duc Della Volta à Novare. Le lieutenant Robert a reçu un billet de logement pour habiter au château. C’est en grinçant des dents que, contraint et forcé, le Duc accepte la présence des français chez lui. Pendant que Griolet continue de vouloir séduire Claudine mais en vain, Stella et Robert se lancent dans un grand duo amoureux. Apparaît la Duchesse de Della Volta en qui le tambour Major Monthabor reconnaît son ancienne femme dont il avait divorcé. Et comme ce genre de coïncidence ne suffit pas, on apprend par la même occasion que Stella est leur fille. Enthousiasme du père, enthousiasme de la fille, désolation de la mère parce que le Duc a décidé de marier Stella au marquis Bambini. Mais au lieu de se présenter gentiment devant le curé comme on le lui ordonne, Stella revêt l’habit de cantinière et décide de suivre la compagnie de son père en tant que vivandière (« Je suis mam’zelle de Monthabor »). Scandale. Départ précipité des militaires.

Acte III – 1er tableau : l’hôtellerie du Lion d’or à Milan. La compagnie a été dispersée pendant le trajet vers Milan ; Robert et Claudine ont été séparés de leurs compagnons et se retrouvent seuls dans l’auberge du Lion d’Or dont le patron est l’oncle de Claudine. Ils sont en danger car la police autrichienne traque tous les français. De plus, le duc Della Volta et sa femme sont aussi dans l’auberge, ainsi que le marquis Bambini ; le duc n’a qu’une idée en tête : retrouver Stella et la marier de force au marquis. Robert quant à lui, veut retrouver au plus vite ses camarades et quitter Milan, mais c’est impossible sans un sauf-conduit du gouverneur. L’oncle de Claudine a une idée : cacher les deux jeunes gens chez un ami qui habite tout près des portes de la ville. Claudine se charge d’aller lui demander asile et ayant dissimulé son costume de vivandière sous une cape, elle s’en va. Arrive un carrosse avec à l’intérieur le prétendu neveu du gouverneur ; il s’agit en fait de Griolet, Monthabor et Stella, le premier déguisé en neveu, le second en prêtre et la troisième en cocher anglais qui ont détroussé dans la campagne le vrai neveu et sa vraie suite. Le duc ne les reconnaît pas et la duchesse demande au « prêtre » de l’entendre en confession. Elle avoue être toujours troublée par son ancien mari, lequel après ces aveux, se fait reconnaître et parvient à convaincre la Duchesse de lui donner le sauf-conduit qu’elle a dans sa poche et qui leur permettra à tous de quitter Milan pour retrouver leurs camarades. Mais au dernier moment, le duc reconnaît Robert et le fait arrêter par la police. De plus, les sbires du duc ont réussi à retrouver Claudine qu’on prend pour Stella : le mariage va pouvoir avoir lieu. Griolet, Monthabor et Stella quittent l’auberge afin d’essayer de délivrer leurs camarades.

2ème tableau : Une rue de Milan. Le duc a proposé un marché à la fausse Stella : elle accepte de se marier avec Bambini et Robert sera libéré. Evidemment, la fausse Stella a accepté et voilà le cortège nuptial qui arrive : mais on s’aperçoit avec stupeur que Stella n’est pas Stella et l’affaire risque de très mal tourner… lorsque les troupes française sont annoncées. Et c’est la fameuse « entrée des français dans Milan » aux accents militaires du chant du Départ. Milan salue avec l’enthousiasme ceux qu’elle considère comme les libérateurs du joug autrichien. Tout le monde est sauvé et Stella épousera Robert : tout est bien qui finit bien.

VIDEOS :

VIDEO 1 : Ouverture

VIDEO 2 :Acte II – Final, air de Stella « je suis mamz’elle de Monthabor » - Christiane Harbell

VIDEO 3 : Acte III – Entrée des français dans Milan et final de l’acte.

 

 


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