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Dircom, un métier qui se transforme (3) La passion de résoudre (de l'inspiration à l'ingénierie)

Publié le 05 décembre 2010 par Olivier Beaunay

On ne le dira jamais assez : prendre un job, c'est offrir de résoudre efficacement un certain nombre de problèmes dans son domaine de compétences. Cette approche fait d'ailleurs, plus largement, une différence croissante en termes de leadership entre ceux qui remontent les problèmes et ceux qui proposent des solutions.

Or la communication au sens large est un domaine qui laisse souvent le management démuni ou sceptique. L'exposition personnelle peut y être forte - la technique s'y efface devant l'engagement - et c'est aussi une matière dans laquelle l'émotionnel ou l'irrationnel ont la part belle, ce qui n'est pas a priori le domaine d'expression naturel de l'ingénieur ou du scientifique.

Il faut avoir travaillé avec des responsables qui ont eu une expérience négative marquante avec les médias pour prendre la mesure de cette réticence qui peut du coup tourner à l'aversion. Dans certains cas, cette mauvaise expérience n'est qu'un prétexte : on s'est tellement evertué à vouloir lui imposer ses propres règles que le résultat ne constitue guère une surprise. Dans d'autres, elle reflète une défiance sincère qui peut fort bien, s'agissant d'un domaine par définition visible et impliquant au plan personnel, s'accompagner d'une véritable blessure psychologique.

Dans ce contexte, le dircom a deux missions essentielles : convaincre que la communication peut être, non un champ de mines anti-personnel, mais un levier collectif puissant pour résoudre un certain nombre de problèmes ; mettre en place les dispositifs qui vont permettre de trouver la meilleure adéquation possible entre un problème et un ensemble de solutions.

De ce point de vue, le dircom est un sherpa au double sens du stratège, du conseiller et de l'homme de terrain, du guide au sens concret et parfois escarpé que donne la conduite des équipées en montagne. Stratège, cela fait belle lurette qu'il a appris à se concentrer sur le problème plus que sur l'outil. Il y a même des cas où la meilleure position consiste à recommander de ne rien faire.

C'est le cas par exemple pour une crise médiatique puissamment irrationnelle et dépassant l'objet de l'entreprise, dans laquelle il s'agit moins d'entrer que de sortir, qu'il s'agit moins d'alimenter que de faire dévier. Dans le même registre, il faut aussi parfois mettre un frein aux vélleités de nouveauté totalement déconnectées des besoins et du terrain. Je me souviens ainsi avoir stoppé net sur un site un projet d'intranet d'autant plus fumeux qu'il y avait un besoin criant de présence managériale sur un terrain laissé en déshérence.

Guide, il sait aussi mettre les mains dans le cambouis quand il le faut. J'ai raconté ailleurs dans quelles circonstances j'ai été amené, quelques mois après avoir pris mon premier job de dircom, à repeindre en pleine nuit une série d'insultes adressées à la direction générale la veille d'une visite du président sur le site... Tandis que le DRH tenait l'échelle, j'effaçais au pinceau les séquelles d'un malentendu persistant. Un collègue dircom disait lors d'un atelier récent : "Mon métier consiste à organiser la convergence des signes". Force est de constater que la peinture d'art est un volet encore trop méconnu de cette noble vocation.

Cela a beau s'être passé à une époque où l'email faisait son apparition, on appréciera la modernité de l'exemple en pleine expansion du web 2.0. Au-delà de la caricature pourtant, cette capacité à tester des solutions, à passer du concept à l'outil et de l'effet à la mesure est, après tout, un cheminement sur lequel l'ingénieur et le communicant - qui représentent sans doute les deux logiques les plus opposées dans l'entreprise - peuvent se rejoindre.

Lorsque l'on passe des laboratoires à l'industrie, sciences humaines contre sciences dures se retrouvent à la même enseigne. Il y a en effet dans les deux fonctions, au meilleur sens du terme, une science du réel, un art du bricolage, de l'expérimentation et de l'adaptation - technique pour l'un, politique pour l'autre - qui, pour un niveau de maîtrise donné, peuvent se faire écho, le résultat obtenu faisant l'arbitrage. En bref, une commune esthétique de l'efficacité. Les meilleurs ingénieurs savent bien que l'on ne fait rien de bien sans adhésion, et les communicants les plus redoutables, sous l'inspiration, n'oublient jamais l'ingénierie.

Résoudre, c'est donc faire - les ennuis en sus. Plus spécifiquement, dans le domaine de la communication, résoudre, c'est souvent ressouder ce qui a été disjoint, recoller ce qui a été déchiré, assembler ce qui a été séparé. De la passion comme moteur, on passe ainsi très sûrement à la relation comme territoire.


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