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Etat chronique de poésie 1070

Publié le 07 décembre 2010 par Xavierlaine081

1070 

C’était un matin radieux. Le temps passé à te remettre d’aplomb ne comptait pas. 

Ils t’ont conduit vers la lourde porte, t’ont remis une petite valise et t’ont gentiment poussé hors des murs. 

Ton regard a parcouru la place vide qui s’ouvrait devant toi. 

Dans ton esprit aussi blanc que ce que tu laissais derrière toi, tu as entendu les lourds panneaux se refermer, suivis d’un cliquetis de clefs et de verrous. 

Libre ! Tu étais libre ! 

Tu as respiré un grand coup. Tu as regardé le ciel, le sol, les arbres sans feuille, les maisons, tout autour. 

Tu as tenté un pas. Le vertige t’as pris. Tu as cherché un banc que tu atteints avec difficulté. 

Assis là, un moineau est venu picorer à tes pieds. Première présence vivante, il t’a longuement observé. Tu es resté de marbre devant ses petits yeux noirs, incrédules. 

Tu es resté là, ne sachant vers où diriger tes pas. 

Tu ne reconnaissais rien. Tu ignorais tout du temps passé. Tu ignorais toujours tout des raisons de ta condamnation comme de celle qui présidèrent à ta remise de peine. 

Tu était blanc, vierge de tout. Passé, présent, avenir se confondaient dans une spirale dont tu savais être le centre. 

Sans destination connue, sans que nul ne t’attende nulle part, il te restais ce banc et cet oiseau qui, enhardi de ton immobilité vint se percher sur ta cuisse, là, tout proche de ta main. 

Au soir, il t’a donné de petits coups de bec comme pour te dire de ne pas rester là, dans le froid et le vent. 

Frissonnant, tu t’es levé. Toute ta machinerie articulaire grinçait en dedans. Tu as commencé à traverser l’espace vide. Tu croisais des regards invisibles qui détournaient la tête. 

Comme nul ne t’invitait, tu as choisi le coin d’un mur, entre deux poubelles, au beau milieu d’un tas de cartons. 

C’est là qu’on a retrouvé ta dépouille, le lendemain. 

Comme tu ne manquais à personne, nul n’en a parlé. 

Juste un oiseau, sur le mur, qui chantait sa complainte. 

S’ils avaient su voir, ils auraient pu distinguer une larme qui roulait de son petit œil rond et noir. 

Une larme blanche comme l’univers qui fut si longtemps le tien. 

Alors, la presse aurait peut-être fait sa une d’un tel évènement : un moineau pleureur, comme le saule qui domine la fosse commune que tu partages désormais avec tes congénères en territoire de misère. 

Manosque, 8 novembre 2010

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