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Psychopathologie infirmière (vol I)

Publié le 09 décembre 2010 par Yann Frat / Un Infirmier Dans La Ville

Cher lecteur, tu me suis depuis longtemps et forcement maintenant tu te demandes qui son vraiment les infirmières, ces gens que tout le monde croit connaitre et que personne ne connait...
Alors pour toi (et aussi pour vider mon sac une bonne fois) je te fais LA révélation, voici en exclu mondiale la psychopathologie des infirmières lambda... Prends des notes...

Donc l'infirmierus normalicus se définit en général par :

- Un idéal se soi professionnel totalement délirant-

Tu vois mère thérésa? Et ben à coté de ce que DOIT être une infirmière c'est Paris Hilton aux restos du cœur... En effet chacun au fond de nous on est persuadé qu'on devrait :
- Faire des soins parfaits
- Tout voir et tout savoir de nos patients
- Les comprendre toujours et être attentif tout le temps
- Être toujours dispo pour le boulot...
-Respecter toutes les normes en vigueur voire les anticiper (!)
-Être d'humeur toujours égale
-Se perfectionner tout le temps

- Ne rien ressentir et  ne pas se mélanger avec nos histoires persos...

Etc, etc, etc... Ce à quoi s'ajoutent d'autres contraintes hallucinantes qu'on nous assène tous les jours et qu'on écoute en hochant gentiment la tête... Même si ces nouvelles directives contredisent les précédentes et qu'on doit quand même FAIRE LES DEUX , genre hygiène parfaite mais avec zéro matériel par économie ou relations d'aide avec tous les patients mais avec moins d'un quart d'heure par tête de pipe...

Ça t'étonne ? Les infirmières elles trouvent ça le minimum... Et se disent qu'en fait à bien y réfléchir elles devraient même sûrement faire plus...

Tu ne crois pas ? Tu veux un exemple concret? Moi par exemple dans mon exercice libéral si je respectais toutes les consignes :

-Je devrais me laver les mains avant / après chaque patient et avant/après chaque soins.(donc 4 fois pour une simple sous cutané hein, 30 seconde de piqures, 20 minutes de lavage de main)  Avec un savon simple ou un savon désinfectant et m'essuyer avec des papiers jetables... Et comme je ne les trouverai pas chez les patients je devrais me les trimballer avec moi bien sûr, normal, c'est un minimum...

- Je devrais jeter tous mes déchets de soins dans des poches jaunes spéciales que je devrais emmener avec moi et éliminer moi même dans le circuit dasri (circuit que j'utilise déjà pour les aiguilles par exemple). Donc je devrais sortir de chez le patient ma poubelle à la main et la ramener au cabinet pour le mettre dans MA poubelle dont je paye moi même l'incinération régulière...   Mais si je dois laisser cette poubelle dans la voiture, attention c'est un déchet polluant donc il ne doit rien toucher d'autre et je dois donc avoir un compartiment exprès pour les poubelles dans mon coffre (en gros je devrais conduire un camion poubelle quoi)

-Je devrais aussi avoir dans ma voiture une trousse d'urgence toute simple avec un pied à perf ( tu imagine la merde dans ma caisse?) , des litres de sucré et/ou de salé, des médocs, si possible de l'oxygène bien sûr etc... Donc si tu visualises la "petite" trousse  tu en as pour un bon mètre cube. Que tu peux mettre dans ta voiture bien sur mais attention à l'abri de la chaleur et de l'humidité pour éviter de l'abimer bien sûr... (donc l'été tu fais tourner la clim dans ta caisse juste pour ne pas abimer ta trousse)

-En parlant de la voiture, tu n'as droit à AUCUNE facilité pour te garer hein, ben non, bien sûr tu te démerdes et c'est tout (non, non le caducet ne sert à rien officiellement). Et d'ailleurs tout le monde s'étonne que tu ne fasses pas ta tournée à vélo avec ton sac d'urgence dans le dos (feignasse, mauvaise infirmière) (et les poubelles je les met où? accrochées au guidon???)

- Je devrais être ouvert 24 h sur 24 gratuitement... (en plus de l'être 7 jours sur 7 bien sûr...), et être prêt à répondre aux c*** qui n'ont rien d'autre à foutre que de t"appeler à 3heures du matin... Si, si.
Quand j'ai dit que je ne le faisais pas lors de ma dernière formation (sauf en cas de soins techniques spécifique comme les pompes mon portable ne marche QUE de 7h à 22heures) ça a été un véritable drame...
"Quooiii???? Tu éteins ton téléphone ??? Et si le patient fait un arrêt cœur????
-Ben qu'est ce que tu veux que j'y fasse, il vaut mieux qu'il appelle le samu non?
- Et si on t'appelle à 23 heures parce que la couche est pleine tu y vas non?
- Sauf cas très exceptionnel, non. Il attend le lendemain et je passe des que possible. Personne n'est mort de passer (exceptionnellement ! ) une nuit dans une couche sale, ce n'est pas une urgence!
-Ah ben d'accord !!! Si tu acceptes de bosser comme ça alors evidemment...
- ??!?? "

- Je devrais avoir un cabinet (même si je ne m'en sers jamais) (tout est vrai):
Avec deux pièces séparées (une salle d'attente et une salle de soins)
Avec un point d'eau rien que pour moi
Avec des toilettes pour les patients
Accessible aux handicapés bien sûr (même s'il ne viennent jamais hein)
A ne pas partager avec d'autre paramédicaux (tu dois être seul dans ta pièce)
A ne pas partager non plus ta salle d'attente avec d'autres paramédicaux
A ne pas partager avec une pharmacie et tout ce qui vend du matériel de soins...
etc, etc, etc...

- Je dois fournir aussi le matériel de soins bien sûr (aiguilles, seringues, alcool, set à pansement)... (demande à un plombier de poser gratos ses propres robinets pour voir)

- Je dois faire un dossier pour chaque soins, dossier signé 12 fois et que je dois CONSERVER A VIE !!!

Etc, etc, etc...

Et après tout ça (et alors que les médecins ne sont même pas soumis à la moitié de ces contraintes ) je ne dois pas réclamer d'argent bien sûr, ben non le pauvre patient tu ne te rends pas compte, allez l'infirmier à toi de courir après les caisses pour te faire payer, c'est normal c'est ton boulot...

Donc voilà le genre de conneries qui farcissent la tête normale de l'infirmière normale... Non pas que pris séparément toutes ces directives ne partent pas d'un bon sentiment... Mais à l'arrivée, dans la vraie vie vraie c'est impossible!!!! Et personne ne se lève pour le dire... Et personne ne se lève pour le dire parce que au fond d'elle l'infirmierus noramicus trouve ça normal, c'est son boulot après tout, elle est Infirmière non?

Dans la vraie vie tu crois que ça existe un employeur qui t'appelle à 20 h chez toi pour te dire que finalement ton jour de repos saute et que tu dois bosser le lendemain a 6heures ? Non ça n'existe pas...
Et bien chez les infirmières si, et elles trouvent ça même parfaitement normal... Et si tu leurs dit qu'elles n'ont qu'à pas répondre à leur portable on te regarde comme un dangereux terroriste... (alors que bien evidemment jamais de la vie on ne leur payera une garde pour rester pendue à leur portable... Elles ont chacune leur portable et le surveille, reviennent vite fait GRATUITEMENT au moindre appel, tu le crois ça?)

Bref donc pour revenir à  nos moutons l'infirmierus normalicsu se voit donc comme super mère theresa et quand elle voit aussi qu'elle ne peut pas y arriver (ah bon?) et ben elle culpabilise... Et donc elle accepte encore plus de choses... Terrorisée à l'idée qu'un jour une collègue puisse lui dire, imparable, que "vraiment elle n'est pas faite pour ce boulot" (ce qui est l'insulte ultime de base des infirmierus normalicus, quand elles ont dit ça, elles ont tout dit...) Donc elle accepte tout et gobe tout, et n'importe qui peut l'engueuler sur n'importe quoi... Et puis bien sûr elle ne dit jamais rien, terrorisée à l'avance qu'on découvre ce qu'elle ne fait pas bien et qu'on voit à quel point elle est une infirmière insuffisante...

Accessoirement c'est aussi ce mode de pensée qui me bloquait lors des évaluation pratiques... Parce que tu ne PEUT PAS faire un soin irréprochable tant sur le plan hygiénique que relationnel qu'économique que temporel et que technique... dans la vraie vie tu es obligé de sacrifier un ou deux critères donc  ta note dépendait simplement du bon vouloir de celle qui notait, de son obsession ou pas de tel ou tel critère.

Et si vous ne me croyez pas une anecdote : une de mes amie s'est fait planter à une évaluation car elle pris la température et posé une perfalgan à 15h30. Or l'enseignante, hystérique, lui a reproché de ne pas avoir respecté le vrai pic de température chrono biologique qui est bien evidemment à 16heures pile !!!! :0000

En résumé ce mode de pensée est donc totalement infernal car il nous bloque totalement... Même aujourd'hui puisque je sais que je ne respecte pas tous les critères "légaux" je ne suis pas à l'aise quand on doit monter au créneau, car en face il leur suffira de gratter 3 minutes pour trouver ce que je ne fais pas et me sanctionner...

Et on devient tous totalement paranos avec ça... Et on ferme tous nos gueules avec ça...

Tu veux un autre exemple de ce mode de pensée ? Pendant quelques temps je me suis abonné à "l'infirmière libérale magasine" (si ça existe!) et à la fin de cette magnifique revue il y a un portrait "d'une infirmière comme vous et moi". Sauf que stop : les filles présentées sont toutes complètement ravagées oui !!! (entre celle qui vivait sur une ile, seule infirmière qui travaillait tous les jours et passait ses nuits à la caserne des pompiers (??) ; celle qui a la retraite, était tellement accroc qu'elle reprenait un bus pour faire encore de la prévention Alzheimer tous les jours (!) ; La folle dingo de course à pied qui courrait tous les jours 2 heures avant sa tournée (je me lève à 4h du matin!!) etc etc etc...), aucune n'avait de mari ou de gosse hein bien sûr, pas le temps tu penses... Alors au bout d'un an j'ai dit stop et j'ai pas renouvelé mon abonnement... Parce que non les filles il n'est pas "normal" de faire des soins 18h par jour tous les jours, ou alors cela relève de la maladie mentale et c'est vous qu'il faut soigner !!!

Bref, ami lecteur tu l'as compris, pour l'infirmierus normalicus "ni bonne, ni nonne, ni conne" reste un bon slogan en surface mais en profondeurs derrière les cranes, les cornettes ne sont pas si loin... et c'est épuisant.
...

...

Bon tu es chaud? Alors on continue la prochaine fois...

;))


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