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Fillon nous instruit

Publié le 14 janvier 2008 par Omelette Seizeoeufs

Fillon apprend à faire comme son Maître. (Libé):

Dans son discours, il a distingué «ceux qui obtiennent, par leurs efforts et leurs compétences, des papiers pour travailler et résider en France» et «ceux qui ne répondent pas aux critères posés par nos lois et n'ont pas de papiers sont appelés à être reconduits dans leur pays (...) sinon, c'est la loi de la jungle, la loi des réseaux, la loi du plus fort», a-t-il prévenu. (C'est moi qui souligne, o16o.)

Si on simplifie les choses, la loi du plus fort est celui du capitalisme et donc, plus ou moins, la vision de la plupart de droites du monde. Mais comme la plupart des électeurs ne sont pas des forts, mais des faibles, conscients de la précarité de leur peu de bonheur, la droite, les droites, soucieux de gagner des élections grâce aux voix de ces mêmes faibles, doivent trouver des raisons pour que ceux-ci votent contre leurs propres intérêts.

Sarkozy, comme Chirac avec sa "fracture sociale", ou Bush Junior avec son "compassionate conservatism", cherche moins à persuader les électeurs que son programme de droite va être bénéfique pour eux, qu'à camoufler un programme de droite avec des vagues idées de gauche, ou encore avec sa fameuse "ouverture" qui, comme le reste du sarkozysme, s'essoufle aujourd'hui. Dit comme ça, on dirait une bonne vieille subterfuge, alors qu'en réalité c'est beaucoup plus complexe et subtile. (Enfin, ça reste une subterfuge.) Voici ma tentative de l'expliquer, même avant le dernier entretien avec Emmanuelle Mignon chez nonfiction.fr qui a fait tant de bruit récemment :

Et c'est là où apparaît toute la subtilité et la perversité du sarkozysme : tout en restant fondamentalement de droite, SarkoCorp réussi à recadrer l'ensemble des questions politiques de son temps de façon à laisser croire à une partie signifiante de la gauche que sa "réponse" n'est pas à droite, car elle n'est pas celle de la droite traditionnelle. Du coup, la critique habituelle de la gauche n'est plus adaptée. Le non-sarkozysme (sans parler de l'anti-sarkozysme primaire) apparaît comme un vestige d'une pensée caduque, tandis que le sarkozysme apparaît la voie unique (et lumineuse!) de la modernité de la pensée.

S'il y avait un aspect de la machine à communiquer que l'on pouvait désamorcer, rendre transparent à tous les téléspectateurs, pour moi ce serait celui-là. Cette possibilité de cadrer les questions de façon à masquer les lignes idéologiques, qui sont, dans l'action, bien présentes.

Ainsi, quand Fillon l'ouvre pour dire que la présence d'immigrés clandestins sur le territoire relève de la "loi du plus fort", c'est un grand moment. Car, par l'imbécilité de la formule -- décrire des gens pour qui la seule issue est de se jetter par la fenêtre, comme étant "les plus forts", il fallait le faire quand même --, c'est un magnifique exemple de cette façon de procéder, et surtout, c'est suffisamment gauche (mais pas à gauche!), suffisamment maladroit, suffisamment comment dire... bête, pour que l'on puisse voir facilement les fils blans, les rouages de la machine qui commencent à grincer de plus en plus fort. Peut-être avec de plus en plus d'exemples de cette sorte, une évidence s'imposera, il deviendra clair à tout le monde comment la communication sarkozyste cherche à se libérer des contrôles démocratiques en disant une chose et en faisant le contraire.

Merci, François Fillon, pour cette perle. Vous venez de susciter des grandes attentes. Ce n'est pas le moment de nous lâcher.


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