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De pagaille et boulettes, Hortefeux et Fillon s'enneigent.

Publié le 10 décembre 2010 par Letombe
De pagaille et boulettes, Hortefeux et Fillon s'enneigent.

Mercredi, alors que Paris était paralysé dès le milieu d'après midi, le ministre de l'intérieur expliquait qu'il n'y avait pas de pagaille. De Moscou, Fillon accusa Meteo France. Il suffit de quelques boules de neige pour que le gouvernement se ridiculise avec quelques boulettes. Sarkozy, lui, recevait son grand ami syrien, comme si de rien n'était. Les droits de l'homme, nous rappelle Wikileaks, ne sont pas un sujet à évoquer avec le dictateur syrien.
Pagaille politique
Les centristes veulent croire à leur destin. Jean-Louis Borloo, grand vaincu du remaniement gouvernemental de novembre, est enfin sorti de son silence médiatique jeudi soir. Il a invité diverses personnalités à un dîner de la République, à l'occasion du 105e anniversaire de la loi sur la laïcité, organisé par le Parti Radical. Le prétexte était facile. Ministre fidèle des gouvernements Raffarin, Villepin puis Fillon de 2002 à 2010, Borloo ne s'est jamais montré critique avec les politiques menées. Il a fallu qu'il sorte du jeu gouvernemental pour que sa « fibre » sociale ressorte enfin. Quelle coïncidence ! Cette rencontre, prévue de longue date, devait se transformer en ode au centre. Problème, ni Hervé Morin, président du Nouveau Centre, ni François Bayrou, unique centriste de l'opposition, n'étaient présents. A vrai dire, ce rassemblement n'intéressait pas grand monde, si ce n'est quelques pronostiqueurs politiques professionnels.
Mercredi, Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, a fait l'actualité. Il a commis une belle boulette en commentant le blocage généralisé des transports en Ile-de-France, vers 17 heures : « il n'y a pas de pagaille. » Hortefeux, le temps d'une conférence de presse, ressemblait à son ancien collègue Borloo quand, ministre au moment de la grève des carburants en octobre dernier, expliquait que la plupart des stations service du pays étaient correctement alimentées... Le lendemain, le ministre de l'intérieur a dû se justifier : « j'ai dit très exactement qu'à ce stade, a priori, il n'y a pas de pagaille mais des difficultés sérieuses se font sortir. (...) Plutôt que disserter sur la pagaille, je préfère livrer bataille.» Et il ajoute, quand même, que les circonstances météorologiques étaient « exceptionnelles ». Pour faire bonne figure, le ministre précisa même qu'il n'y aurait aucune contravention de stationnement ce jeudi. Une belle promesse rapidement démentie par les faits.
Dans le même temps, le ministère des Transports jugeait « normales » les difficultés de circulation rencontrées la veille. De Moscou, où il était en déplacement commercial, François Fillon a, lui, préféré se défausser sur les services de l'Etat, en l'occurrence Meteo France : « Météo France n'avait pas prévu cet épisode neigeux, en tout cas pas son intensité puisque les prévisions étaient de trois centimètres et qu'il est tombé, je crois, 12 centimètres sur Paris même, et 20 centimètres sur certaines régions de la banlieue. Donc, il est incontestable que les services chargés du déneigement ont été pris au dépourvu.» Son secrétaire d'Etat aux Transports, Thierry Mariani, en rajouta : « l'épisode neigeux a été beaucoup plus brutal et (était arrivé) beaucoup plus tôt qu'annoncé par Meteo France. » Pourtant, les prévisions officielles communiquées la veille mardi prévoyaient bien une dizaine de centimètres de neige dès le lendemain sur la région parisienne...
Quelle pagaille gouvernementale !
Maîtrise sarkozyenne
Jeudi, Nicolas Sarkozy n'avait pas grand chose à dire sur ces difficultés de circulation. Les temps ont changé. Il y a trois ans, il aurait bondi sur l'occasion pour fustiger quelques préfets. Depuis, il tente de se « présidentialiser » à grande vitesse avant la campagne de 2012, et de gommer ses réflexes agités. Visites de terrain pacifiée, humour tranquille, épouse souriante, diplomatie distante... tout est fait et pensé en ce sens. Sur le terrain, justement, l'équipe élyséenne déploie la plus grande énergie à éviter tout débord. Le lieu des déplacements en province est connu à la dernière minute, il s'agit toujours de coins facilement contrôlable.
Et les coulisses sont soigneusement maîtrisées. Le 25 novembre dernier, Sarkozy s'était ainsi rendu au Mayet-de-Montagne, une petite commune de moins de 2 000 habitants. Quelques 300 à 400 policiers et gendarmes furent mobilisés. Un policier pour 2,5 habitants ! Pire, un syndicaliste SUD, Frédéric Le Marrec, éducateur spécialisé au Foyer de l'Entreaide Universitaire du Mayet, vient de porter plainte contre X... pour « arrestation arbitraire », le 6 décembre, auprès du commissariat de Vichy. Que s'est-il passé ? La plainte est explicite : deux gendarmes l'ont attendu à son travail, alors qu'il allait rejoindre des manifestants contre la venue du président français, prétendument pour l'interroger pour un collage d'affiches. Cet interrogatoire terminé, l'un des gendarmes lâcha :  « On vous déconseille de partir. » Au final, le syndicaliste ne fut relâché que vers 14h30, après le départ de Nicolas Sarkozy. Le site internet du Monde ajoute quelques informations, recueillie auprès de la gendarmerie : la veille de la venue présidentielle, le préfet du coin, un proche de Brice Hortefeux, avait donné des consignes explicites contre Frédéric Le Marrec, militant connu, aux responsables de la sécurité : « Si à 9 h 30 il va pisser, il faut que je le sache ». Le préfet, interrogé par Lemonde.fr, dément.
A l'Elysée, évidemment, on n'avait aucun commentaire à faire. L'attention était ailleurs. Ce jeudi, Sarkozy recevait le président syrien. Il voulait le convaincre de rester calme au Liban, en prévision de la probable mise en cause du Hezbollah, principale milice libanaise soutenue par la Syrie, dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Le greffier du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), mis en place par l'ONU voici trois ans, a en effet annoncé jeudi qu'un acte d'accusation, au contenu confidentiel, serait déposé « très, très bientôt ».
Le rapprochement franco-syrien a suscité un relatif scepticisme du coté des Américains, selon les mémos diplomatiques publiés par Wikileaks. On y apprend l'ampleur de la coucherie sarkozyenne vis-à-vis de Bachar Al-Assad : ainsi, lors des cérémonies du 14 juillet 2008, Nicolas Sarkozy aurait timidement tenté de d'évoquer la question sensible des droits de l'homme. Après tout, en Syrie, il ne fait pas bon d'être opposant au pouvoir en place, comme l'ont rappelé le 6 décembre dernier, dans un communiqué commun la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), la Ligue des droits de l'Homme (LDH), le Réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme (REMDH), Human Rights Watch, Amnesty International France et la Commission internationale des juristes. Ces dernières « s'inquiètent particulièrement de la répression subie par la société civile, de la persécution continue des défenseurs des droits de l'Homme, et de la main mise du pouvoir sur l'appareil judiciaire, qui bloquent toute perspective de développement de l'état de droit en Syrie.» Elles citent notamment le cas des avocats Muhannad Al-Hassani et Haytham Al-Maleh, récemment condamnés à trois ans d'emprisonnement pour des motifs aussi ridiculement dangereux que « atteinte au sentiment national » ou « diffusion de fausses nouvelles pouvant affaiblir le moral de la nation ».
En ce mois de juillet 2008, Sarkozy, publiquement si bravache et volontaire, fut timide, très timide : « Les Syriens ont adroitement dévié ce message en suggérant que la France passe par le Qatar pour les demandes liées aux droits de l'homme, afin de “ne pas donner l'impression que la Syrie succombe à des pressions occidentales”», écrit un diplomate américain cité par le Monde. « Les Français semblent avoir avalé cet argument spécieux ».
Un an plus tard, la Sarkofrance avait exagéré le rôle, inconnu d'après les aveux des diplomates français à leurs homologues américains, de la Syrie dans la libération de l'otage française Clotilde Reiss détenue en Iran.
Résumons : Sarkozy a rapproché la France de la Syrie pour obtenir des résultats... qu'il n'a pas obtenu. Nous héritons donc de la honte, sans l'efficacité... On applaudit. Dans les mémos diplomatiques américains publiés par Wikileaks, on retiendra ce constat, terrible pour la crédibilité sarkozyenne : « On ne voit pas clairement, écrit un diplomate américain à Damas, comment Paris analyse la façon dont, selon beaucoup d'observateurs ici, Bachar Al-Assad instrumentalise les ambitions de Sarkozy. »
Fillon chez Medvedev, Sarkozy avec Al-Assad, Hortefeux embourbé dans la neige...
Ami sarkozyste, où es-tu ?

Sarkofrance


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