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7 policiers condamnés à de la prison ferme à bobigny, pourquoi le parquet a t’il fait appel ?

Publié le 11 décembre 2010 par Zadvocate

La presse a rapporté hier la condamnation par le Tribunal correctionnel de Bobigny de 7 policiers à des peines d’emprisonnement ferme d’une durée de six mois à un an. Certains étaient poursuivis pour dénonciation calomnieuse, d’autres pour des violences aggravées et l’un d’entre eux pour faux en écriture publique. Des informations disponibles dans la presse, il apparaît qu’au cours d’une course poursuite entre deux véhicules de police et un troisième, un accident est intervenu avec pour conséquence des blessures pour l’un des policiers. Le conducteur du véhicule poursuivi a été interpellé et placé en garde à vue et on lui a reproché d’être à l’origine des blessures du policier et même d’avoir voulu le tuer.

Sauf que l’enquête a permis de démontrer que cet homme n’était pas responsable de l’accident mais que celui-ci était la conséquence d’une collision entre les deux véhicules de police. L’enquête a également mis au jour le fait que pendant sa garde à vue l’homme en question a été violenté pour avoir contesté sa responsabilité ce qui lui a valu une ITT de 5 jours (violences aggravées) et que les policiers ont délibérément menti dans leur déclarations (dénonciation calomnieuse) . Enfin, leur collègue chargé de recueillir leurs déclarations a accepté de faire un faux pour les couvrir (faux en écriture publique).

Ils ont été jugés, certains ont reconnu les faits, d’autres les ont contestés. Le Parquet avait requis des peines d’emprisonnement avec sursis et s’était opposé aux demandes présentées par les prévenus visant à ce que la condamnation ne figure pas à leur casier judiciaire ce qui aurait automatiquement entraîné leur radiation de la Police.

Le Tribunal a donc rendu son jugement. Il a été plus sévère que les réquisitions du Ministère Public mais la loi le lui permet. Jusque la, la Justice a suivi son cours normal comme pour tout justiciable. Le Tribunal semble avoir motivé sa décision au regard de la gravité des faits et du fait qu’ils aient été commis par des policiers.

Or on apprend que le Parquet a relevé appel de ce jugement ce qui est surprenant.

Il faut tout d’abord préciser qu’en matière correctionnelle, le droit d’appel appartient en ce qui concerne les dispositions pénales du jugement (la déclaration de culpabilité et la peine) au seul prévenu, au Procureur de la République, au Procureur Général près la Cour d’Appel (et à certaines administrations dans des cas limités). Dans notre cas, le Parquet a donc le droit d’interjeter appel.

Mais habituellement, le Parquet n’interjète que dans trois hypothèses:

  • en cas de relaxe lorsque le Parquet estime que le prévenu aurait du être condamné.
  • lorsque le Tribunal n’a pas suivi les réquisitions du Parquet et a prononcé une peine jugée trop clémente.
  • lorsque le prévenu relève appel de la condamnation prononcée à son encontre. Le Parquet inscrit alors quasi-automatiquement un appel dit « incident ». Cet appel du Parquet lui permet d’une part de prendre des réquisitions libres devant la Cour et ne limite pas cette dernière quant à la condamnation qu’elle pourrait prononcer. En effet, si la Cour n’est saisie que du seul appel du prévenu, la Cour si elle confirme la décision du Tribunal sur le principe de la culpabilité ne peut pas aggraver la peine prononcée en première instance.

Ce qui apparaît inhabituel dans cette affaire c’est que le Parquet semble avoir inscrit un appel principal, c’est à dire qu’il n’a pas attendu l’appel des prévenus pour faire enregistrer son appel. Cela signifie qu’il n’apprécie pas la sévérité du Tribunal. Or depuis 1999 que j’exerce, je n’ai encore jamais vu le Parquet relever appel lorsque le Tribunal avait été au delà des réquisitions. Après tout, la logique des choses aurait voulu que les prévenus relèvent appel puisqu’ils sont les premiers concernés par cette décision.

Doit-on penser que cet appel est intervenu car les prévenus étaient policiers ? Si tel est le cas, c’est à n’y rien comprendre. Ces policiers sont avant tout des justiciables mais pas tout à fait comme les autres en ce sens qu’on peut attendre d’eux une exemplarité particulière eu égard aux fonctions qu’ils exercent et des pouvoirs dont ils disposent. Les faits qu’ils ont commis sont d’autant plus graves qu’ils sont commis par des policiers.

Que penser également des déclarations de Brice Hortefeux, Ministre de l’intérieur qui n’hésite pas à critiquer ouvertement la décision rendue par le Tribunal en ces termes:

notre société ne (devait) pas se tromper de cible : ce sont les délinquants et les criminels qu’il faut mettre hors d’état de nuire

En agissant comme ils l’ont fait, ces policiers ont enfreint la loi et leur comportement est de nature à porter atteinte à l’image de la police dans son ensemble. Sans compter qu’en tenant de tels propos, Brice Hortefeux enfreint lui aussi la constitution (le principe de séparation des pouvoirs) et loi, plus précisément l’article 434-25 du code pénal qui dispose que « le fait de chercher à jeter le discrédit publiquement sur une décision juridictionnelle dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende ».

Quant à l’attitude des principaux syndicats de police, elle est incompréhensible sauf à la caractériser de corporatiste. Ils devraient être les premiers à approuver que ceux de leurs collègues qui enfreignent la loi soient durement sanctionnés afin de préserver l’image de ce corps auprès de la population. Je vous laisse apprécier le communiqué du syndicat Synergie-Officiers

SYNERGIEOFFICIERS est écoeuré par la décision ahurissante du Tribunal Correctionnel de Bobigny (93) de condamner les sept policiers impliqués dans une affaire de faux témoignage à des peines allant de six mois à un an de prison ferme, toutes peines supérieures à celles requises initialement par le Parquet.

SYNERGIEOFFICIERS réaffirme son intransigeance quand aux actes délictueux commis par des représentants des forces de l’ordre, mais…

SYNERGIEOFFICERS ne peut pas feindre d’ignorer que dans ce département, il y a indéniablement deux poids et deux mesures.

Ce tribunal est connu pour receler les pires idéologues de la culture de l’excuse quand il s’agit de remettre dehors à tour de bras les trafiquants de stupéfiants, braqueurs, auteurs de tentatives d’homicide, etc… comme en témoignent pléthore d’exemples récents. La peine prononcée à l’encontre de nos collègues est donc avant tout une décision syndicale (pour ne pas dire politique…) déguisée en acte juridictionnel. Ceux là même qui sont les premiers responsables de la situation catastrophique de la criminalité sur le 93 par des décisions angélistes ont décidé de briser toute une profession dont les membres risquent leur vie au quotidien pour nos concitoyens.

SYNERGIEOFFICIERS regrette que l’extraordinaire dureté d’une telle décision rende la sanction totalement inintelligible. Au delà des sept policiers de Bobigny qui ont fauté, ce sont bel et bien tous les policiers de France qui prendront ce verdit incroyable comme un camouflet à leur encontre et un nouvel appel à la haine venant de magistrats qui, une fois de plus, ont choisi d’affirmer que pour eux, l’ennemi à combattre par tous les moyens (y compris les plus vils…) est bel et bien le « flic » et non pas le criminel !

Celui publié par Alliance est du même acabit.


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