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La générosité : un incontournable dans un Québec indépendant et solidaire

Publié le 12 décembre 2010 par Richardlefrancois

Publié initialement sur Vigile sous le titre:  La générosité : un incontournable dans un Québec indépendant et solidaire

http://www.vigile.net/La-generosite-un-incontournable

Richard Lefrançois, 12 décembre 2010

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Nos aînés gardent habituellement un souvenir nostalgique des traditions qui jadis remplissaient la période des fêtes : la messe de minuit précédant le déballage des cadeaux, les échanges de cartes de vœux, la crèche de Noël, les réceptions festives se prolongeant jusqu’aux petites heures matinales, dans une ambiance conviviale de danse et de musique folkloriques.

Au fil des ans, certaines coutumes quasi séculaires ont perdu de leur éclat. D’autres se sont carrément volatilisées, relayées par l’idéologie commerciale et remplacées par les nouvelles mœurs de la modernité. Le temps des fêtes se résume de nos jours à des boustifailles entre proches et amis, à des soirées de bureau bien arrosées et à des orgies de cadeaux. Pour certains, il s’agit d’un congé comme les autres qui permet de s’évader vers des destinations ensoleillées.

Or le phénomène qui retient ici mon attention a trait à une autre pratique en vogue qui atteint son apogée en cette période préhivernale : celle de la générosité et du bénévolat. Elle découle essentiellement de la prolifération phénoménale des demandes en biens essentiels de la part des plus démunis. Au Québec, 310 000 demandes de paniers de provisions ont été effectuées l’an dernier, un nombre record. Par comparaison, on a enregistré 868 000 demandes au Canada la même année.

La période des fêtes sous le signe du partage

On comprend donc qu’à l’approche du long congé des fêtes, le milieu caritatif vit d’intenses moments d’effervescence. Des efforts titanesques sont déployés pour recruter l’armée des bénévoles dont les organismes communautaires ont besoin pour satisfaire les besoins criants des laissés-pour-compte.

Ils sont sollicités tous azimuts pour recueillir les dons du public, en espèce, vêtements ou denrées alimentaires, pour organiser le souper de Noël des sans-abri, pour rendre visite aux malades, pour divertir les personnes âgées esseulées et pour agir comme accompagnateur dans le cadre de l’Opération Nez rouge.

Heureusement, les Québécois sont foncièrement généreux, davantage par compassion et solidarité que pour soulager leur conscience à l’égard de la misère. Leur altruisme légendaire ne se dément pas, en dépit d’un léger recul des contributions attribuable à la lenteur de la reprise économique. Ils demeurent fidèles au rendez-vous des grandes campagnes de collecte de fonds, comme donateur ou bénévole.

Tous mettent donc la main à la pâte à l’occasion de cette célébration du partage, y compris le milieu des affaires qui parraine des organismes tels que Banques alimentaires Québec, Moisson et la Grande guignolée des médias (124 000 $ ont été récoltés à Sherbrooke le 2 décembre dernier).

Le réflexe solidaire : un gage d’avenir dans un Québec indépendant

Voilà qui est de bon augure pour l’avenir. Cette solidarité citoyenne s’inscrit parfaitement dans la perspective de la construction d’un nouveau projet de société. Car pour répondre à nos aspirations, le Québec de l’avenir aura pour tâche d’articuler les finalités politiques aux finalités sociales. Ce qui signifie qu’une fois son identité conquise, une fois sa langue affirmée et protégée, une fois son destin économique maîtrisé, un Québec indépendant, égalitaire et progressiste devra assurer l’égalité entre les hommes et les femmes, veiller à l’inclusion de tous ses membres et à l’éradication de la pauvreté.

L’extraordinaire mouvance de solidarité citoyenne à laquelle nous assistons actuellement est donc fort précieuse, car en plus de cimenter nos liens et de favoriser l’intégration des plus défavorisés, elle indique la voie à suivre. Le réflexe est donc acquis : au lieu d’abandonner les plus démunis dans le labyrinthe de l’exclusion sociale, on leur tend la main.

Travailler au Québec n’est plus un antidote à la pauvreté

Pourquoi ce formidable appui du public à l’endroit des personnes défavorisées est-il devenu à ce point incontournable ? D’une part, parce que l’État s’est partiellement désengagé de sa mission première de pourvoyeur. Il semble à bout de souffle, à court de ressources, en panne d’action, évaluant mal ses priorités et tenant peu ses promesses.

D’autre part, parce que la fraction du revenu des ménages consacrée aux besoins essentiels poursuit son ascension. On sait pourquoi. Même si le taux de chômage s’est stabilisé au sortir du creux de la récession, on ne compte plus les travailleurs précaires, sous-rémunérés, à temps partiel ou qui se sont enlisés dans l’endettement. Une nouvelle pauvreté a surgi depuis que le rouleau compresseur de la crise économique a cessé d’épargner la classe moyenne. Parmi ceux occupant un emploi, 10 % sont des utilisateurs de banques alimentaires, tandis que 6,5 % sont propriétaires d'une résidence!

Voilà sans doute qui explique pourquoi la clientèle du dépannage alimentaire a augmenté de 38 % au Québec en deux ans. Et uniquement à Montréal, la demande de sacs de provisions a connu une hausse de 64% depuis un an! On assiste même à l’explosion du nombre de bénéficiaires au sein de la population âgée que l’on croyait pourtant à l’abri des intempéries de l’économie.

S’agissant de la grande région de l’Estrie, point étonnant si l’argent et les biens amassés ne suffisent plus à combler les besoins de Moisson-Estrie, de la Fondation Rock Guertin et des banques alimentaires.

Sortir du gouffre de l’appauvrissement

Sans verser dans l’alarmisme, force est d’admettre que la misère sévit presque partout et à longueur d'année, dans une société pourtant développée. Elle touche sans distinction les enfants, les adultes et les personnes âgées. À force d’étendre ses tentacules, la tragédie de la pauvreté menace de précipiter toute la collectivité québécoise dans un abîme.

Sans mettre en doute la nécessité de l’intervention caritative, il faut se rendre à l’évidence et reconnaître qu’elle frise les limites de son efficacité. Dès lors, le temps n’est-il pas venu d’envisager des solutions plus musclées, audacieuses et courageuses, capables d’enrayer ou d’atténuer ce fléau endémique qu’est la pauvreté ?

Voici quelques pistes à explorer pour amorcer le débat. 1. La création d’un Observatoire sur la précarisation et l’exclusion sociale pour traquer l’évolution de la pauvreté et repérer les groupes à risque. 2. La tenue d’États généraux sur l’accès aux droits fondamentaux en vue d’explorer des stratégies novatrices aptes à prévenir et combattre la pauvreté. 3. L’instauration d’un Fonds national de la solidarité pour secourir les plus démunis et soutenir des projets d’intervention communautaire. Son financement pourrait être assuré à partir des bénéfices nets de Loto Québec (1,36 $ milliard) et de la SAQ (867 $ millions). Un prélèvement combiné de 20 % dégagerait une somme de 450 $ millions à injecter dans un tel fonds. 4. Une tarification allégée de l’électricité au profit des plus démunis (au lieu d’appliquer la politique actuelle du harcèlement envers ceux dont le compte est en souffrance).

Finalement, comme notre compréhension de la pauvreté demeure statique et parcellaire, je suggère une cinquième mesure, soit la mise en chantier d’une vaste étude longitudinale pour examiner notamment les facteurs d’entrée et de sortie de l’indigence économique, son mode de transmission et ses impacts sur la famille et la santé.

Comme on peut le constater, pendant la période des fêtes les occasions ne manquent pas de nous mettre à table!


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