Voyage voyage

Deux coups de cœur (Les maîtres de Glenmarkie et En attendant Babylone) pour un coup de gueule (Les assoiffées). Un billet qui, je l’espère, vous donnera des idées de cadeaux à mettre au pied du sapin !

Jean-Pierre Ohl, Les maîtres de Glenmarkie

Les maîtres de Glenmarkie est un roman fait par un amoureux de la littérature, pour les amoureux de la littérature. En vrac, on y trouve : une jeune doctorante, un prêtre défroqué, l’île de Jura, un écrivain excentrique, un manoir gothique (passages secrets et crypte inclus), un meuble à secrets, des personnages secondaires mystérieux et loufoques, une librairie de livres anciens (textes âgés de moins de 50 ans, s’abstenir), du rugby… Assemblage improbable qui fonctionne : Les maîtres de Glenmarkie est un récit d’aventures bien balancé, donnant de furieuses envies de lectures.

En effet, Jean-Pierre Ohl a truffé son intrigue de références littéraires toutes plus chics les unes que les autres. Que de beau monde croisé au fil des pages ! Shakespeare, Stevenson, Dickens, Orwell… Heureusement, ces allusions tiennent plus de la révérence gracieuse et légère que du clin d’œil appuyé. L’écrivain fait du lecteur son complice, son camarade de jeu. On se sent vite porté par sa générosité et son enthousiasme, et ça fait du bien : « La pile de livres sur la table de Walpole me rappela son dernier passage à la boutique, le lundi après le match. Robin, Lewis étaient là. « Je suis venu les caresser. » Et il l’avait fait. Il avait caressé les livres. « Pas le temps. Pas le temps de vous lire tous… On a quoi cinquante, soixante ans devant nous ? Presque rien. Tous ces livres qu’on n’a pas lus… ces mariages manqués… car ce sont des mariages ! Les livres et les lectures se marient, ils font même des enfants ! Des petits homoncules qui ne quittent jamais notre cerveau, mais qui vivent à leur façon, qui grandissent et meurent avec nous… Ils ont même des noms, des noms en italiques : Humphry Clinker, Moby Dick… Ebezener, soyez gentil, allez me chercher un cigare. » Avec appréhension, il avait tiré délicatement sa première bouffée. Mais la toux n’était pas venue. Et ses yeux s’étaient remis à briller, comme naguère. « J’ai encore un peu de temps, n’est-ce pas ? Le temps de… quelques livres… Mais lesquels, mon Dieu, lesquels ? Aidez-moi, mes amis. Aidez-moi, je vous en prie ! » (p. 345) Quand je vous disais qu’il donne envie de lire !

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Amanda Boyden, En attendant Babylone

Changement radical d’univers en compagnie d’Amanda Boyden. Cet écrivain américain fraîchement traduit en français (En attendant Babylone est son deuxième roman publié aux États-Unis, le premier traduit en France) dépeint la Nouvelle-Orléans sous un angle quotidien et intime, en mettant en scène cinq familles habitant Orchid Street, rue située dans un quartier populaire de la ville. Tour à tour, les voix de ces différents personnages plantent un décor, instaurent une ambiance, imposent un tempo ; bref, elle donnent corps et vie à ce roman choral tout à fait attachant.

En attendant Babylone s’articule autour de cinq pôles : la famille Harris, dont l’un des fils Daniel/Fearius cherche à se faire une place au soleil en dealant et dont un autre, Michael/Muzzle, finit par devenir toxicomane ; la famille May/Flank, comprenant une épouse tiraillée entre désir et devoir, et un mari qui tente de la reconquérir ; la famille Brown secouée par un terrible accident ; l’étrange couple Beauregard de Bruges ; la famille Gupta, nouvelle venue. Le lecteur les suit au jour le jour, apprend à les connaître, assiste au tissage d’un réseau mouvant fait d’amitiés et de rancunes, de mesquineries et de beaux gestes. Ils nous font découvrir une Big Easy terriblement humaine, mouvante, multiple, violente… Un voyage que je vous conseille fortement.

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on achève bien les écoliers – Peter Gumbel

Dans Les assoiffées, Bernard Quiriny imagine une Belgique d’opérette, un État féministe coupé du monde extérieur que le lecteur découvre par le biais du journal d’une Belge et d’une délégation de journalistes français exceptionnellement autorisée à visiter le pays. Je ne vais malheureusement pas pouvoir être très aimable avec ce roman. En l’entamant, j’avais l’espoir de découvrir un regard neuf, une réflexion caustique. Je n’y ai trouvé qu’un État profondément misandre, calqué sur le modèle des pires régimes autoritaires (hommes pourchassés et/ou asservis, société de privilèges, misère du peuple, opulence des instances dirigeants, censure, oppression…). Ce manque terrible de profondeur de vue et d’originalité dans le traitement est d’ailleurs aggravé par le fait que le synopsis du roman est terriblement proche de celui du tome 2 de la série « Pascal Brutal » : Le mâle dominant… Bref, une lecture tout à fait dispensable.

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