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Deux jeunes centenaires

Publié le 13 décembre 2010 par Les Lettres Françaises

Deux jeunes centenaires

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C’est à deux jeunes centenaires que l’automne éditorial et théâtral aura été en grande partie consacré : Jean Genet et Jean-Louis Barrault. Jeunes ? Oui, bien sûr, surtout si l’on se réfère au remarquable ouvrage d’Albert Dichy et de Pascal Fouché, Jean Genet, matricule 192102, qui retrace pas à pas les années d’enfance et de jeunesse de l’auteur du Journal du voleur, de sa naissance, en 1910 à 1944, année de sa libération de son internement administratif au camp des Tourelles à Paris, et de la parution d’un extrait de Notre-Dame-des-Fleurs dans la revue l’Arbalète. L’ouvrage des deux chercheurs reprend leur Essai de chronologie 1910-1944, paru du vivant de Genet, en 1988, mais en l’enrichissant considérablement, certaines sources d’archives leur ayant été ouvertes, et d’autres livres de biographie et de correspondance ayant paru entre-temps.

Un travail aussi méticuleux que discret pour tenter de s’approcher de la vérité d’une vie, entreprise d’autant plus délicate à mener qu’elle concerne une personnalité comme celle de Jean Genet, mais force est d’avouer qu’Albert Dichy et Pascal Fouché, témoignages et documents à l’appui, parviennent aisément à nous convaincre du bien-fondé de leur travail qui rectifie ici et là quelques erreurs (de Jean-Paul Sartre notamment) commises sur l’auteur et son oeuvre. Leur enquête permet ainsi de discerner comment le vécu du jeune Genet a pu nourrir l’oeuvre, comment l’écrivain a transformé la réalité vécue : c’est le Miracle de la rose s’appuyant sur l’expérience de la colonie agricole pénitentiaire de Mettray pour la transfigurer en oeuvre littéraire…

Voilà pour la jeunesse de Genet (Genet avant Genet ? Pas si sûr que cela). Pour ce qui est de l’autre centenaire, Jean-Louis Barrault, « sa grâce physique fait [de lui] un éternel jeune homme », disent Denis Guénoun et Karine Le Bail dans leur préface aux entretiens qu’il accorda à Guy Dumur, et qui sont réunis dans Une vie sur scène. On songe bien sûr à toutes ces photos qui le représentent quasiment nu, corps magnifié. « Barrault se pense et se donne dans la figure du jeune homme », est-il précisé un peu plus loin. Ou encore : « La jeunesse continuée de Barrault fait de lui, selon ses propres dires, un éternel étudiant. » À preuve, sa vivacité d’esprit qui se retrouve dans les entretiens, dans le moindre de ses propos. À preuve aussi tous les clichés réunis dans le superbe album paru chez Gallimard sous le titre d’Une vie pour le théâtre.

Il se trouve que la rencontre de ces deux hommes, Jean Genet et Jean- Louis Barrault, aura donné lieu à l’un des événements théâtraux majeurs du XXe siècle : la création au théâtre de l’Odéon, en 1966, des Paravents du premier nommé. Un événement théâtral orchestré par leur génial, mais bien oublié, aîné de trois ans, Roger Blin (qui n’eut pas les honneurs d’une commémoration à grands fracas lors du centenaire de sa naissance). Un véritable symbole…

Jean-Pierre Han

Jean Genet, matricule 192102, par Albert Dichy et Pascal Fouché, Gallimard,
les Cahiers de la NRF. 456 pages, 35 euros.
Une vie sur scène, par Jean-Louis Barrault, Flammarion, 234 pages, 20 euros.
Jean-Louis Barrault, une vie pour le théâtre. Ouvrage collectif.
Gallimard, 168 pages. 35 euros.

Décembre 2010 – N°77



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