Magazine Société

Pathétique

Publié le 15 décembre 2010 par Toulouseweb
PathétiqueL’IATA optimiste malgré une rentabilité trčs décevante.
Pour la deuxičme fois en quelques mois, l’IATA révise ŕ la hausse les perspectives financičres de l’ensemble de ses membres. Le groupement professionnel prévoit pour cette année 2010 un bénéfice net de 15,1 milliards de dollars (et non plus 8,9 milliards) sur un chiffre d’affaires de 565 milliards. Et c’est bien lŕ qu’il y a problčme : ces bons résultats n’en sont pas, malgré les apparences.
Pas besoin de calculette, en effet, pour constater que ce bénéfice net correspond ŕ moins de 3% des recettes. Pire, en 2011, le rythme de la reprise s’étant tassé, le rendement pourrait retomber ŕ 1,5%, un niveau peu enviable, surtout quand tous les indicateurs sont au vert. Autrement dit, il est confirmé, une fois de plus, que le transport aérien est un secteur économique foncičrement non rentable, et cela męme en période de forte croissance du trafic, en l’occurrence 8,9% pour l’ensemble de l’année, dit l’IATA, 9% selon ID Aéro.
Les compagnies, ébranlées par la récession, avaient pourtant réduit leur offre pour limiter les dégâts et témoignent aujourd’hui d’une extręme prudence en termes d’augmentation des sičges/kilomčtres offerts. Rien n’y fait, semble-t-il, les résultats financiers restant désespérément médiocres. Dčs lors, on sait que le moindre incident conjoncturel fera ŕ nouveau basculer le secteur dans une spirale infernale de pertes non contenues. C’est Ťpathétiqueť affirme Giovanni Bisignani, directeur général de l’IATA, en fin de mandat et ne s’embarrassant gučre de précautions oratoires.
Toutes les régions du monde sont loin d’ętre ŕ égalité devant les problčmes. Ainsi, il est d’ores et déjŕ acquis que les compagnies américaines ont enfin rétabli leur situation, aprčs une décennie de souffrances, en dégageant plus de 5 milliards de dollars de bénéfice. Mais, bien sűr, le ratio reste trčs médiocre. Le secteur Asie-Pacifique va bien et se présente comme le plus rentable de tous. A l’opposé, l’Europe fait figure de lanterne rouge, le rétablissement d’Air France-KLM, trčs médiatisé, masquant des difficultés tous azimuts. Cela en sachant que les statistiques européennes de l’IATA ne reflčtent plus tout ŕ fait la réalité dans la mesure oů elles ignorent les low cost, ennemis mortels qui ne sont jamais évoqués par l’équipe Bisignani. C’est un raisonnement ŕ courte vue qui induit tout le monde en erreur.
Reste une certitude : il est pour le moins risqué de s’aventurer sur le terrain des prévisions, męme ŕ 2 ou 5 ans seulement. D’autre part, on s’interroge sur l’attitude des investisseurs, des banques, des loueurs, qui prolongent ŕ l’infini une valse de milliards pour acheter des avions, faire croître des compagnies, mener constamment de front plusieurs batailles commerciales, s’épuiser en initiatives commerciales sans cesse renouvelées, cela sans ętre rentables. On est d’ailleurs en droit de le répéter : depuis sa création, le transport aérien a perdu plus d’argent qu’il n’en a gagné.
Il nous manque l’aide de psychologues avertis, bons connaisseurs de l’aviation (cela existe-t-il ?) pour nous expliquer pourquoi cette situation paradoxale perdure. L’actualité nous rappelle jour aprčs jour cette interrogation, notamment ŕ travers les ambitions renouvelées et élargies des constructeurs, motoristes et équipementiers. Ils déploient des efforts techniques considérables pour créer des avions sans cesse plus performants, de nouveaux entrants trčs ambitieux se manifestent, cela pour accompagner des compagnies aériennes incapables de gagner correctement leur vie.
L’explication relčve-t-elle de l’aura, du prestige, associés ŕ cette activité ? Le transport aérien, privatisé, dérčglementé, n’a peut-ętre pas encore réussi ŕ tourner la page, ŕ renoncer ŕ la notion de compagnie nationale, de Ťflag carrierť. Leurs PDG peuvent encore se prendre pour des ministres des Affaires étrangčres bis qui gčrent un deuxičme réseau d’ambassades ŕ travers le monde. Ils sont portés par une impression de puissance. Mais l’explication ne peut plus ętre lŕ, en ces temps dominés par le retour sur investissement. Comment justifier, en effet, de placer son argent dans une compagnie aérienne ? On attend vainement une réponse circonstanciée, crédible. Cela tout en lisant les prévisions financičres de l’IATA, actuellement sympathiques mais bien peu convaincantes aux yeux des sacro-saints investisseurs.
Pierre Sparaco - AeroMorning

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Toulouseweb 7297 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine