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Comme on fait sa pub...

Publié le 15 décembre 2010 par Porky

Dans la série "objet d'étude : réécriture des proverbes", le titre de cet article est la première partie de l'aphorisme complet bien connu :

COMME ON FAIT SA PUB ON SE VEND (pas moi, je suis invendable, mais mon bouquin.)

Et donc, voici un article rédigé par un autre auteur de Chloé des Lys parue sur le forum de la maison d'édition concernant ce grand-père à l'agonie. Si ça ne vous donne pas envie d'acheter le bouquin, franchement... (Et je jure que je ne suis pas l'auteur de cette critique.)

J'ai lu GRAND-PERE VA MOURIR, de DIDIER FOND    Sam 11 Déc 2010

GRAND-PÈRE VA MOURIR
De Didier FOND, aux éditions Chloé des Lys

J’ai lu Grand-père va mourir, le roman de Didier Fond édité chez Chloé des Lys.

L’INTRIGUE
« Cherche le bonheur : tu ne le trouveras pas. »
Depuis vingt ans, cet oracle mine sournoisement l’existence d’Alex Thomas, le héros central du roman, pour qui les nombreux succès littéraires et une vie mondaine plaisante compensent mal le fiasco conjugal.
Un coup de fil de son frère Marco va le ramener vers un passé qu’il a vainement tenté d’effacer : dans sa Sicile natale, son père, à l’article de la mort, le réclame à son chevet. Voilà notre écrivain français qui retrouve, le temps d’un bref mais éprouvant retour au pays, son rang de noble sicilien et son nom de baptême : Alessandro Tolomei.

La Sicile !... Ses traditions obsolètes toujours bien enracinées dans les esprits, ses crimes d’honneur, son omertà… Le feu des passions, que les cendres de l’Etna ne parviennent jamais à étouffer et qui couve des années durant avant de refaire surface, de réveiller de vieux démons, de rouvrir d’anciennes blessures, comme une ordalie conditionnant l’apaisement des âmes.

Depuis vingt ans, dans le village natal d’Alessandro, deux familles jadis très liées semblent définitivement brouillées : les Tolomei, qui perchent dans « la forteresse », et les Angelotti qui se cloîtrent dans « la grande maison ».
Ce n’est pas de gaîté de cœur, mais bien mal à l’aise, qu’Alessandro retrouve deux lieux clos, hantés par ses fantômes.
La « forteresse », ancrée tel un nid d’aigle sur son éperon rocheux, surplombe et domine le village ; bastide séculaire des comtes Tolomei, elle abrite les personnages principaux du roman, garde leurs lourds secrets, leur impose l’omerta.
La « grande maison », en contrebas, derrière ses hauts murs, ses fenêtres et son imposant portail toujours clos, enveloppant de mystère des blessures que le lecteur pressent profondes, est le refuge des derniers Angelotti.

« Si Dona Lucrezia et le comte Lorenzo ne s’étaient pas aimés, si Fabrizio n’avait pas séduit Estella, si Alex n’avait pas fui son destin… »
Voilà, vous en savez déjà presque trop, je n’en dévoilerai pas davantage, pour ne pas écorner le suspense qui rend le récit de Didier captivant.
EXTRAITS : LE RETOUR DU DÉSERTEUR
C’est une sorte de chemin de Damas que Didier Fond fait suivre à son héros. Et paradoxalement, c’est la mort qui va remettre celui-ci sur les rails de la vie, le réconcilier avec l’existence. La mort effrayante qui l’a poussé à fuir le bercail l’y ramène péremptoirement lorsque «Grand-père (son père, en réalité) va mourir»
Au travers de quelques passages révélateurs de son cheminement douloureux, accompagnons-le jusqu’à sa reviviscence.

- La décision « irrévocable » du jeune Tolomei : fuir à jamais.
« Je partirai », affirma le jeune homme en se redressant. L’angoisse avait quitté son visage, une farouche résolution se lisait dans ses yeux.
« Tu auras beau essayer, tu n’oublieras jamais tes racines (…) Il te faudra bien un jour y retourner. Ne serait-ce que pour exorciser les démons. »
« Jamais, avait-il répondu avec force et conviction. Jamais la forteresse ne me reverra. »

- Le retour au bercail : force du souvenir.
Et maintenant il était là, dans ce train ; de nouveau habité par cet étrange amour qui ressemblait tant – et cependant si peu – à la haine…
Le train qui l’emmenait à Raguse traversait une campagne verdoyante, couverte d’amandiers, d’orangers, de citronniers en fleurs. Avril éclatait de mille couleurs et Alex, fasciné, se sentait envahi par un sentiment soigneusement refoulé depuis vingt ans, une sorte de nostalgie du pays natal qui lui fit tout à coup monter les larmes aux yeux. Qu’elle était belle, cette Sicile d’autrefois… Bien qu’absente de sa pensée pendant si longtemps, elle n’avait pas changé : toujours aussi fière, majestueuse, sauvage, même si cette sauvagerie était, par la grâce de cette matinée printanière, dissimulée sous une parure rose et blanche.

- L’arrivée à la forteresse : persistance du malaise redouté.
Alex était seul, avec ses fantômes.
Il sut presque immédiatement qu’il ne pourrait pas les apprivoiser. Surtout celui de l’adolescent qu’il avait été. Il allait se dresser contre lui, nuit après nuit, lui reprocher d’avoir, par peur ou par désespoir, renoncé à ce qui aurait pu être le bonheur. « Je voulais vivre, murmura-t-il à voix haute. Es-tu capable de comprendre cela ? » Il lui sembla entendre un écho étrange, à mi-chemin du rire et du sanglot, comme si son double se moquait de lui. Vivre. Qu’est-ce que cela signifiait ? Qu’était devenu, entre ses doigts, ce futur incertain qui se dessinait alors dans l’aurore naissante dont les premières lueurs éclairaient faiblement la forteresse ? « Cherche le bonheur, tu ne le trouveras jamais. » Ce n’était plus la Comtessa Elena qui prononçait ces mots terribles. C’était l’autre, celui qui l’attendait depuis vingt ans, cloîtré dans cette chambre à l’odeur de moisi, malgré la présence d’un bouquet de fleurs sur la table de chevet.

- Les retrouvailles du père et du fils : l’abcès enfin crevé.
La voix du Comte était presque inaudible mais elle tremblait d’une férocité inouïe. Alex écoutait, hors de lui, ces paroles qui sonnaient comme autant de malédictions. Jamais, comme à cet instant-là, le père et le fils ne s’étaient autant haïs. Et puis, chez l’un comme chez l’autre, ce fut soudain le reflux de cette marée de violence barbare. Elle se retira aussi vite qu’elle était montée et ces deux âmes sœurs, si semblables dans leur orgueil farouche, cessèrent cette lutte inutile. La main du vieil homme s’empara de celle d’Alex, la serra longuement. Les ténèbres de la chambre s’étaient tout à coup dissipées, ne laissant que la douce et ardente lumière de la tendresse qui unissait ces deux mains encastrées l’une dans l’autre.
- Le cimetière familial : la sève des ancêtres, les racines dont on ne peut se couper.
Quelle tranquillité, ici, songea-t-il. Quel repos ! (...)
Il alla s’asseoir sous l’arbre, appuya son dos contre le tronc. Avec un peu d’imagination, il aurait pu sentir le frémissement de la sève qui montait de la terre vers la cime, parcourant les branches, les rameaux, à l’instar de ce sang si chaud qui coulait dans ses veines. Comme il était étrange de se sentir aussi vivant à cet endroit où seuls régnaient la mort, le silence et l’immobilité. (…)
A ce moment-là, Alex sut, au plus profond de lui-même, ce qu’était l’éternité.
Il comprit alors qu’il ne pourrait jamais reposer définitivement ailleurs qu’en haut de ce pic, dans ce qui était le jardin de ses racines.
« Je reviendrai, dit-il à voix haute. Je reviendrai ici pour y mourir, et je serai enterré à cet endroit, avec les miens… » (…) Cette certitude le réconfortait. Non, tous les liens avec la forteresse n’avaient pas été rompus. Il en restait un, plus fort que toutes les tempêtes, que tous les orages, inaltérable, indestructible : celui qui l’attachait au jardin des morts, à ses ancêtres, à ceux qui l’avaient fait tel qu’il était, humble maillon d’une chaîne qui ne s’achèverait jamais…

- Le retour en France : retour d’Alex ou d’Alessandro ?
« Crois-tu être le même que celui qui est arrivé il y a quelques jours, Sandro ? »
« Non, reconnut-il. Je pense que j’ai enfin mûri, ce qui, à mon âge, est assez ridicule. Mais mieux vaut tard que jamais. »


Non, Alessandro rentré en France n’est pas redevenu Alex pour autant. Car s’il regagne son pays d’adoption soulagé d’un grand poids, avec les réponses à pratiquement toutes les questions qui l’ont taraudé durant vingt ans, une surprise de taille l’attendait en Sicile, et il ramène dans ses bagages une charge affective inattendue, bien lourde à porter et à gérer.
L’ÉCRITURE
L’auteur fait démarrer son récit après la tourmente passionnelle qui a emporté et meurtri tant les maîtres de la forteresse que les gens de la grande maison. Ne vous attendez donc pas à un style ardent, emporté et pathétique. Le feu qui a dévoré les personnages est déjà recouvert de cendres et sommeille. Lorsqu’il se réveille, il ravive la flamme et la souffrance, mais ne dévore plus, ne détruit pas davantage ce qu’il n’a déjà que trop consumé. Il cautérise, même. Et il retourne bien vite couver sous la cendre. Et l’écriture de Didier, tour à tour calme ou vive, épouse les mouvements du feu.
Les descriptions, jamais didactiques, jamais fastidieuses, lourdes ni malvenues, éclairent le lecteur sur l’état d’esprit du personnage, lui permettant de suivre les méandres de ses sentiments et de sa pensée. Les dialogues, vivants et bien menés, rythment le récit avec bonheur. La progression dramatique reste soutenue jusqu’à la fin.
Didier Fond écrit en bon français : sa syntaxe sûre, son vocabulaire précis, imagé, rendent la lecture de son roman vraiment plaisante et captivante.

Oui, j’ai bien aimé ce Grand-père va mourir, Didier, et je n’hésite pas à en recommander la lecture.
Christian VAN MOER


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