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Mur d’eau

Publié le 17 décembre 2010 par Jlhuss

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Il est une curieuse expérience : retourner dans une salle de conseil municipal en auditeur après y avoir siégé pendant presque 30 ans sous la forme de l’élu dans ses différents rôles, majoritaire et opposant. C’était la première fois depuis les dernières élections et l’installation des nouvelles équipes. Le sujet traité, « l’aménagement des quais de l’Yonne », le joyau du paysage urbain d’Auxerre décrit en son temps par Henry Miller , a justifié cette démarche.

La première impression enregistre un certain soulagement. Celui qui consiste à n’avoir aucune responsabilité, à ne pas être obligé de donner un avis public et à l’expliciter. On mesure ainsi la difficulté du « métier » d’élu, que ce soit le majoritaire qui propose, ou le minoritaire « dit opposant » qui pense devoir réfuter et donner les arguments les plus convaincants possibles de son refus.

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La deuxième impression est contradictoire; elle tient à ces différentes argumentations et l’on se prend à penser « je n’aurai pas présenté le dossier ainsi » ou « je n’aurai pas argumenté de cette manière » …

La troisième impression est celle d’une grande liberté ressentie en reprenant le clavier du blog pour y donner un avis extérieur à toute attache partisane et ne concernant qu’une humble réflexion personnelle ne tenant aucun compte d’un « groupe » ou d’un engagement d’équipe.

Le dossier débattu revêt une importance toute particulière pour la ville. Les « quais de l’Yonne » à Auxerre est un espace mythique et j’ai déjà ici rédigé une note sur le sujet « Faire ! … Mais pour quoi Faire ?  » , la préfaçant ainsi : « “Je suis de toutes les couleurs et surtout de celles qui pleurent. La couleur que je porte, c’est surtout celle que l’on veut effacer.” J’insistais sur cette manie qui s’empare souvent de l’élu : faire pour faire, pour tenir un engagement de campagne, pour laisser une « trace » pour complaire à une minorité de sa majorité pour … pour … Au fait pour quoi faire ?

J’en viens ainsi à ma première remarque. Dans une ville ou les finances sont serrées, c’est le moins que l’on puisse dire, un tel projet ne peut se satisfaire d’une réalisation au rabais. Dans le contexte économique actuel on ne pourra lui donner les moyens qu’il mérite et le risque de se diriger vers des solutions moyennes jamais satisfaisantes car contraintes budgétairement est réel. Un risque qui se double d’une incompréhension de la population. Quand vous siègez dans le public, vous percevez mieux les réflexions susurrées par le citoyen rendu muet par la Loi : et “voilà ou va passer l’argent” en est une entendue hier soir. Elle n’est pas très rationnelle, mais c’est du resssenti tout simple et dont on doit tenir compte.

La deuxième remarque tient à la réflexion telle qu’elle a été engagée. Là encore, pour des questions budgétaires, les moyens n’ont pas été correctement mis en œuvre. Finalement une seule étude a été réalisée, certes avec des images 3D et de la synthèse propres d’ailleurs à abuser le spectateur non averti. Certes trois variantes ont été présentées pendant la phase de mise en réflexion publique, mais variantes issues d’une même logique, d’une même pensée. Il n’y a pas l’apport extérieur et intellectuel de concepteurs différents, complètement étrangers à la ville, telle qu’aurait pu le réaliser un véritable concours. Les auxerrois qui ont répondu aux différents questionnaires et enquêtes sont relativement peu nombreux (700) mais de surcroît d’emblée orientés dans leur démarche. A tel point qu’il était évident dès la lecture des variantes que celle vers laquelle on voulait entraîner le répondant au questionnaire était clairement tracée. La concertation effective sur le papier a donc été très limitée en fait par une présentation trop dirigée.

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La troisième remarque tient au fond. Il est impossible de parvenir à un projet de qualité lorsque ne sont pas fixés clairement les buts recherchés par les changements envisagés. Nous voulons changer les choses, pourquoi pas, mais pour atteindre quel objectif, pour corriger quelle nuisance, pour répondre à quelle attente réelle et impérieuse ? Est-ce un problème de circulation ? Est-ce un désir de stimuler une activité économique ? Est-ce la nécessité de supprimer une « verrue » inacceptable posée là par des prédécesseurs indélicats : la cathédrale St Etienne, l’Abbaye St Germain, l’église St Pierre, le Batardeau ? Il est impossible de dégager les grandes lignes d’une volonté positive véritable à l’exception de celle des verts de voir disparaître les voitures, d’enregistrer l’élargissement des pistes cyclables à 3m et d’ajouter du piétonnier et des promenades à chiens. Les miroirs d’eau, à deux pas d’un grand fleuve ne peuvent être une motivation suffisante, même si l’audace est renversante ! Pas plus que celle de transformer un parc arboré en parking pour transfèrer des voitures d’un rive à l’autre sans que le bilan carbone de l’opération, “voie des quais en sens unique”, n’ait à aucun moment interpellé les verts ! Encore moins je pense le souci de renforcer une activité économique de restauration déjà durement frappée, par un éloignement plus prononcé des places de stationnement !

Il est curieux de constater qu’à des années d’intervalle, les mêmes erreurs se renouvellent, avec des exécutifs aux opinions affichées pourtant différentes. A l’image de l’aménagement des boulevards dans le secteur de l’Arquebuse et du Casino, lequel loin de relier la ville historique et son immédiate périphérie, ne fit que dresser une barrière, certes arborée mais inoccupée et trop présente. Ainsi on ne réintègrera pas la rive droite au reste de la ville en élargissant les no mans land autour de la passerelle, en l’utilisant comme une “décharge de circulation” et de parking, même en lui proposant des navettes. Pour reserrer la rive droite à la gauche il faut l’urbaniser avec qualité, la rapprocher du fleuve, y favoriser des activités touristiques ou artisanales en “écho” à la rive gauche : le projet proposé aura le résultat inverse. Croire que des espaces libres supplémentaires renforcent les “liens” est illusoire; ils les distendent.

Au total cette expérience du retour dans la salle du conseil en simple observateur, puis comme commentateur libre ici, est peut-être à renouveler de temps en temps … J’ajoute que j’ai quitté la salle dès la présentation officielle terminée pour ne pas être influencé par les arguments des uns et des autres. Je ne suis donc ici la porte parole de personne.


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