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Crise de l’euro : la solution existe !

Publié le 17 décembre 2010 par Sylvainrakotoarison

Les 16 et 17 décembre 2010 se tient un Conseil européen à Bruxelles (le septième de l’année) pour institutionnaliser la solidarité européenne face aux attaques des marchés contre les États.

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Tous les voyageurs vous le confirmeront : l’euro est une monnaie extraordinaire lorsqu’on se déplace aujourd’hui et lorsqu’on s’était déplacé avant 1999. L’absence de change, de formalité, de frais donne à la monnaie unique européenne une exceptionnelle facilité des échanges dans le monde. Que ce soit à Chypre, en Crète, en Allemagne ou en Espagne, on garde la même unité monétaire qu’en France. Même en Russie, l’euro concurrence suffisamment le dollar pour permettre son utilisation dans certains magasins.

Pourtant, c’est une longue histoire, celle de l’euro. Le premier acte de stabilité monétaire fut, à l’initiative du Président Valéry Giscard d’Estaing (qui aura été l’un des hommes d’État français qui a réalisé le plus d’avancées dans la construction européenne, on ne le dit pas assez !) et du Chancelier allemand Helmut Schmidt, la mise en place du SME, serpent monétaire européen, qui contenait les monnaies européennes dans une certaine fourchette de fluctuation.

Après beaucoup d’hésitation, la décision du Président François Mitterrand de maintenir le franc dans le SME en mars 1983 a été, également, un acte européen majeur. Puis l’accord concomitant de François Mitterrand et de Helmut Kohl fut déterminant pour mener à bien la création de l’euro voulu avant tout par le Président de la Commission européenne Jacques Delors au travers du Traité de Maastricht (ratifié par les Français au cours du référendum du 20 septembre 1992).

Sur l’historique de la création de l’euro, je vous recommande de regarder le très bon documentaire du journaliste Jean Quatremer qui a été diffusé sur Arte le 7 décembre 2010 et qui sera rediffusé le samedi 25 décembre 2010 à 22h35.

L’euro en crise par la solvabilité différenciée

Il est clair que la crise actuelle de l’euro provient d’une véritable dichotomie entre une monnaie commune (unique) et des politiques
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budgétaires parfois divergentes (car laissant filer des déficits publics gigantesques). Le problème n’est pas un trop d’Europe mais au contraire un trop peu d’Europe puisqu’il serait plutôt nécessaire désormais que les pays de la zone euro puissent se concerter pour "gouverner" la monnaie de façon convergente.

"La Lettre du CEPII" de juin 2010 l’exprime clairement : « Les racines du mal se trouvent dans l’organisation même de la zone euro : une union monétaire sans fédéralisme budgétaire et avec une faible coordination gouvernementale. ».

C’est donc la configuration de l’euro, monnaie sans solidarité budgétaire, qui le rend très instable face au yen non convertible et au dollar, monnaie de référence. Jean-Michel Lamy, du "Nouvel Économiste", l’affirme aussi assez clairement : « Parce que les frêles digues communes du Pacte de stabilité budgétaire, symbolisé par le célèbre 3% maximum de déficits, viennent d’être emportées par un transfert massif des dettes privées sur les comptes publics. Du coup, les marchés passent les dettes souveraines des seize États de la zone euro au crible de la solvabilité différenciée. ».

Et comme l’explique bien le second documentaire de Jean Quatremer sur la crise actuelle en Grèce, les marchés rendent la vie des États endettés très difficile si la confiance s’effondre : la Grèce hier, l’Irlande aujourd’hui, l’Espagne et le Portugal demain, et pourquoi pas l’Italie et la France après-demain…

Négocier les taux

Tout le problème des déficits chroniques des États, c’est de trouver des liquidités sur les marchés internationaux aux meilleures conditions… et de pouvoir les rembourser aux échéances convenues.

Celui qui a fait une acquisition immobilière le sait un peu s’il a dû emprunter. Il y a deux sortes de méthode. La première méthode : il fait le tour des banques et il compare les différentes offres qu’elles lui proposent. Les différences sont ténues : peu de différences sur le taux (le marché lisse), sans doute les frais annexes et les assurances feront la différence. Mais il y a une autre méthode. Celle de faire appel à un courtier en prêts, et ce dernier, qui négocie des centaines de prêts pour ses clients, réussit à lui trouver, parfois avec la même banque, des conditions nettement plus avantageuses en raison du volume de transaction.

C’est un peu ce principe que le Président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, Premier Ministre luxembourgeois, et Giulio Tremonti, le Ministre italien des Finances, souhaiteraient faire adopter par le Conseil européen, celui-ci ou le prochain.

Les euro-obligations

L’idée serait de mutualiser les emprunts des États de la zone euro pour éviter qu’un État soit pointé par les marchés. Les conditions doivent évidemment être discutées. On peut imaginer par exemple que la moitié des déficits des États soit compensée par ces euro-obligations. Et l’autre moitié resterait des emprunts purement nationaux. Ou alors que ces euro-obligations puissent constituer une nouvelle réserve pour venir à la rescousse des États en danger.

Ainsi, en cas d’alerte comme avec la Grèce ou l’Irlande, une partie des emprunts resteraient encore "saine" (avec un taux raisonnable), ce qui limiterait les dégâts.

Le principal promoteur des euro-obligations, Jean-Claude Juncker, considère « que ce dispositif apporterait une réponse forte, crédible et au bon moment, à la crise actuelle des dettes souveraines ».
Il est soutenu très vivement par l’ancien Premier Ministre belge, Guy Verhofstadt, président de l’ADLE (les libéraux du Parlement européen auxquels sont rattachés les élus du MoDem de François Bayrou), qui voit ce dispositif comme un outil pour fluidifier le marché obligataire et encourager la baisse des taux d’intérêt : « Il faut créer un marché des obligations européenne le plus vite possible. ».

Les responsables européens très partagés sur cette idée

Les sociaux-démocrates et les écologistes sont également partisans de cette solution qui a le mérite d’être originale et efficace.

Le Premier Ministre portugais, José Socrates, est évidemment favorable à ce système : « Les euro-obligations sont une bonne idée. Je défends les euro-obligations depuis longtemps. ».

Si cette idée paraît judicieuse, soutenue également par des personnalités comme Daniel Cohn-Bendit qui y voit comme un mécanisme à la
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fois de stabilité, de solidarité et de responsabilité, la Chancelière allemande Angela Merkel y est fermement opposée car elle remettrait en cause une certaine marge de manœuvre financière du gouvernement allemand.

Elle a même déclaré le 16 décembre 2010 au journal "Bild" : « Avec ces euro-bonds, les faiblesses en Europe ne disparaîtraient pas, mais se propageraient au contraire à tout le monde. Et plus aucune pression ne s’exercerait sur les États endettés pour qu’ils remettent leurs budgets en ordre. ».

Un pronostic réfuté par Daniel Cohn-Bendit lors de son interview par Célyne Bayt-Darcourt sur France Info le 16 décembre 2010 : « On a le droit de dire n’importe quoi quand on est chef d’État. Tous les grands spécialistes économiques disent que ça va freiner. Elle, elle répond à quelque chose que personne n’a proposé. Personne ne propose de remplacer toutes les dettes par des euro-obligations. ».

Jean-Claude Juncker a voulu mieux préciser sa proposition le 16 décembre 2010 : « Nous ne proposons pas de mutualiser toutes les dettes de tous les États membres de la zone euro, mais de déterminer un pourcentage [de la dette qui sera financée par ces obligations communautaires]. (…) Autrement dit, les États lourdement endettés continueront à se financer en majorité avec des obligations nationales dont le taux d’intérêt restera dès lors plus élevé. ».

Juncker voudrait avec sa proposition aussi stopper la fuite des capitaux : « Il est quand même incroyable de voir aujourd’hui le capital européen émigrer vers les États-Unis, dont les fondamentaux sont pourtant pires que les nôtres, parce qu’il existe un grand marché américain des obligations hautement liquides. ».
Mais l’Allemagne a une autre raison de s’opposer aux euro-obligations : le taux d’intérêt de sa dette souveraine est plus faible que la moyenne européenne et ce nouveau dispositif pourrait faire augmenter son coût de dix-sept milliards d’euros par an (voir cet article).
La France est sur ce point malheureusement en complet accord avec l’Allemagne. Lors du sommet franco-allemand à Freiburg, le 10 décembre 2010, Nicolas Sarkozy estimait en effet à propos des euro-obligations : « Cela aurait un effet déresponsabilisant pour les États. (…) La position de la France est exactement la même que la position de l’Allemagne. ».

Le refus allemand est approuvé non seulement par la France mais également par la République tchèque et la Suède. Karel Scharzenberg, le Ministre tchèque des Affaires étrangères, a lâché : « Il est trop tôt pour en parler. » tout comme Frederik Reinfeldt, le Premier Ministre suédois : « Ce n’est pas vraiment le moment de prendre une décision là-dessus. ».

Didier Reynders, le Ministre belge des Finances (la Belgique préside l’Union Européenne), en convient également : « C’est le début de la discussion. ».

Même Jean-Claude Juncker reconnaît que les euro-obligations ne sont pas à l’ordre du jour : « Je suis suffisamment réaliste pour savoir que (…) cette question n’occupera pas le devant de la scène et qu’aucune décision dans un sens ou dans un autre ne pourra être prise [cette semaine]. ».
En effet, l’ordre du jour, c’est la pérennisation du Fonds européen de stabilité financière, doté de quatre cent quarante milliards d’euros jusqu’en 2013 en l’incluant dans le Traité de Lisbonne.

L’Europe doit renforcer sa gouvernance…
C’est donc un sommet européen très important qui se déroule actuellement à Bruxelles ces 16 et 17 décembre 2010. Des résultats qui en ressortiront dépend le signe clair que les marchés ne pourront plus impunément jouer avec la vie des États… et de leur population.

C’est avec plus l’Europe que nous serons sauvés, pas l’inverse.

C’est que ce disait aussi Dominique Strauss-Kahn, en tant que directeur général du FMI, le 7 décembre 2010 à Athènes : « Oui, l’Europe a besoin de quelque chose de plus dynamique, une solution globale et pas une solution pays par pays. ».

Le 8 décembre 2010 à Genève, il répétait : « Le retard apporté à l’amélioration de la supervision et à la création de mécanismes efficaces de résolution des crises pourrait bien être la cause principale du prochain embrasement, comme l’actualité récente nous le montre. ».

avec l’appui de ses peuples

Mais Nicolas Sarkozy rappelle aussi que le problème n’est pas seulement d’inventer techniquement de nouveaux mécanismes de gouvernance, en affirmant à Bruxelles le 29 octobre 2010 : « Nous, nous sommes responsables devant nos citoyens ». Son opposition aux euro-obligations se dicte-t-elle par libéralisme, par harmonie voulue sans faille avec l’Allemagne… ou simplement par électoralisme ?

L’électeur paraît être un danger de plus en plus important, plus grand que le spéculateur, dans la recherche de solution pour l’euro. Le repli sur soi (défendu par les soi-disant "souverainistes") est plus facile à prôner que la construction d’une véritable solidarité budgétaire…

Reste à savoir lui rappeler, à l’électeur, que l’euro lui a déjà apporté bien plus que son ancienne monnaie nationale, notamment sur le taux d’intérêt de ses dettes souveraines (lire cet excellent article).

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 décembre 2010)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :

Vous avez dit Europe ?
Documentaires de Jean Quatremer sur l’euro.

Pour comprendre les différences des taux d’intérêt des dettes souveraines.

Les propositions de l’Institut Montaigne sur les euro-obligations.

Jean-Claude Juncker.

Revue de presse sur les euro-obligations.


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http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/crise-de-l-euro-la-solution-existe-86084

http://rakotoarison.lesdemocrates.fr/article-230


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