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Kosovo et trafic d’organes : une vérité qui dérange trop.

Publié le 18 décembre 2010 par Hmoreigne

 Blackout. La publication, le 15 décembre, d’un rapport du Conseil de l’Europe accusant les dirigeants kosovars de trafic d’organes constitue une information de première importance. Tel n’est pas le sentiment des principaux médias français qui lui donnent une couverture marginale. Et pourtant, le rapport est explicite. Il pointe l’attitude « bienveillante » des capitales occidentales et de l’UE vis-à-vis du Premier ministre Hashim Thaçi et des anciens séparatistes albanais. Mais pas seulement. Que savait-on au Quai d’Orsay et quel fût le rôle du Dr Kouchner qui administra en tant qu’Haut représentant de l’ONU le Kosovo sur la période 1999-2001 ?

Grâce soit rendue à Dick Marty. Le sénateur suisse n’est pas un illuminé. Dans deux rapports pour le Conseil de l’Europe il s’était déjà illustré en révélant en 2006 l’existence sur le continent européen de prisons secrètes de la CIA pour des personnes suspectées de terrorisme, ce que les 14 états européens incriminés ont toujours nié.

Son dernier rapport, constitue une nouvelle bombe. Les accusations de trafic d’organes contre le premier ministre kosovar sortant, Hashim Thaci, ne sont pourtant pas un scoop. Elles confirment celles portées en 2008 par l’ancienne procureure du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Carla del Ponte.

Dick Marty accuse le premier ministre Kosovar et plusieurs responsables gouvernementaux, issus de l’UCK, d’être directement responsables de trafics d’organes. Il affirme avoir identifié six lieux de détention en Albanie où auraient été retenus des Serbes du Kosovo ou des Albanais pro-Serbes. Ces lieux auraient continué de fonctionner après la capitulation des Serbes, en juin 1999. A la faveur du chaos et de l’absence totale de frontière, certains membres de l’UCK, baptisés “Groupe de Drenica”, auraient continué à faire passer leurs prisonniers vers l’Albanie où les prisonniers auraient été torturés.

Dans ses Mémoires, Carla del Ponte évoquait l’existence d’une “maison jaune” (cf vidéo), située près de Burrel, dans le centre du pays, découverte par une équipe de journalistes d’investigation. C’est dans cette maison qu’auraient été pratiquées des tortures allant jusqu’au prélèvement d’organes pour être revendus à l’étranger. Cette situation aurait continué jusqu’à ce que l’OTAN déploie sa force internationale, la KFOR.

La presse étrangère est plus curieuse que son homologue française. “Est-ce possible ? Est-il possible que, sous les ordres du Premier ministre d’un Etat européen, des gens aient pu être enlevés ? Qu’il les ait fait assassiner, afin de pouvoir récupérer sur les cadavres des organes, comme les reins, par exemple, destinés à des clients riches en Allemagne, au Canada, en Pologne ou en Israël, qui auraient payé jusqu’à 45 000 euros pour la transaction ?”, s’interroge publiquement le quotidien Berlinois Tageszeitung qui relève le soutien inconditionnel de Berlin, Londres, Paris et Washington au premier ministre Hashim Thaçi.

La balle est désormais dans les chancelleries européennes mais aussi dans la cour de l’UE. Car comme le souligne le quotidien Genevois Le Temps, “En septembre 2010, le responsable de la section «Crimes de guerre» auprès de la mission européenne Eulex affirmait l’exact contraire, ou presque, du rapport de Dick Marty“.

La situation est très délicate pour l’UE qui semble privilégier l’intégration future des Balkans à la mise au grand jour des responsabilités passées d’Hashim Thaçi considéré comme un interlocuteur pragmatique, possible à contrôler.

Le rapport Marty brise surtout le mythe manichéen, identique à celui repris pour l’Irak, entretenu autour de la guerre contre la Serbie en 1999 présenté alors par les chancelleries à l’image du discours de Tony Blair comme “une bataille entre le bien et le mal ; entre la civilisation et la barbarie ; entre la démocratie et la dictature”.

Fallait-il privilégier le conflit armé et surtout, fallait-il s’appuyer sur l’Armée de libération du Kosovo (UCK), fraction politique et militaire ultra violente ? Autre interrogation, l’attitude de Bernard Kouchner à la tête de la mission de l’ONU au Kosovo de 1999 à 2001.

Selon le rapport de Marty, le trafic d’organes avait toujours lieu durant cette période ce à quoi Bernard Kouchner répond qu’il n’en avait pas connaissance. “Nous ne savions rien. Si nous l’avions su, nous aurions envoyé des gens pour établir les faits et enquêter ou non“, a déclaré l’intéressé à la BBC. “Il y a un malentendu tout au long du rapport. Le crime organisé? Certainement, nous en avions entendu parler. Mais le trafic d’organes? Certainement pas. La première fois que nous en avons entendu parler c’est après que Carla del Ponte a quitté. Elle a publié un livre et nous avons été très surpris“, a complété M. Kouchner.

La réponse aux interrogations se trouvent peut être dans les déclarations de Bernard Kouchner. Il apparaît en effet que l’UCK était avant tout une organisation mafieuse albanaise maquillée en armée de libération. Il n’est pas impossible qu’aujourd’hui encore, le trafic d’organes, très lucratif, continue à être pratiqué au Kosovo .

Actuellement se déroule à Pristina, capitale du Kosovo, le procès de sept Kosovars albanophones qui ont utilisé entre 2006 et 2008 la clinique Medicus pour prélever les reins et d’autres tissus humains achetés à des volontaires, des personnes économiquement défavorisées. Pour Dick Marty, cette affaire a un lien avec celle qui implique les anciens responsables de l’UCK car la clinique Medicus était l’établissement médical utilisait par l’Armée de libération du Kosovo entre de 1999 à 2000.

Les autorités Albanaises réfutent toutes les accusations du rapport Marty et proposent de collaborer avec la justice internationale pour tordre le coup aux calomnies.

Hashim Thaçi juge lui le rapport de «scandaleux», composé d’«éléments fabriqués et de mensonges qui ne font que recycler une propagande éculée»…

En photo : Dick Marty (Crédit Wikipedia)

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