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Le bonhomme de neige

Publié le 21 décembre 2010 par Toulouseweb
Le bonhomme de neigeLa mauvaise météo engendre le chaos : une situation de crise non maîtrisée.
C’est, dit-on, l’hiver le plus rigoureux depuis de nombreuses années. C’est, en tout cas, un hiver trčs neigeux, avec son cortčge de désagréments, y compris dans les transports aériens. Des milliers de vols ont été annulés ou retardés ŕ travers l’Europe, un chaos ŕ l’origine de trčs belles images aéroportuaires faites de stalactites et de stalagmites de glace, de portails de dégivrage en pleine action, d’alignements d’avions cloués au sol. Et, surtout, de centaines, de milliers de passagers pris au pičge, désorientés, épuisés et trčs souvent abandonnés ŕ leur triste sort. Sans vraiment comprendre ce qui leur arrivait.
S‘il fallait ne retenir qu’une seule image, de valeur symbolique, ce serait certainement celle de la déroute the Thierry Mariani, tout nouveau secrétaire d’Etat aux Transports, au journal télévisé de 20 h. Désespérée, les traits tirés, ŕ bout de force, une voyageuse scandinave venait de lui dire qu’elle était lŕ, ŕ CDG 2, depuis trois jours et deux nuits, ŕ la dérive. ŤTrois jours ? C’est beaucoup, ce n’est pas acceptableť, répondait Mariani, pris de court. Et de se tourner vers un Ťdirecteurť, hors cadre, dans l’espoir d’un bout d’explication, de quelques mots utiles ŕ destination de la naufragée. Quel directeur ? On ne le saura jamais, pas plus qu’on n’entendit sa réponse.
Dans le męme temps, dans la douce chaleur de bureaux bruxellois de grand lobbyistes, des Ťresponsablesť engageaient une petite polémique dérisoire. Fou de rage, le secrétaire général de l’AEA (Association of European Airlines), Ulrich Shulte-Strathaus, en cinq paragraphes bien sentis, s’en prenait violemment aux autorités aéroportuaires, critiquant leur impréparation, la lenteur de leur réaction, l’insuffisance de leur équipement hivernal. Et, dans la foulée, il demandait ŕ la Commission européenne d’établir clairement les responsabilités de chacun.
Quelques heures plus tard, un autre groupement professionnel, lui aussi établi ŕ Bruxelles, l’ACI (Airports Council International), répondait, en quatre paragraphes, sous la protection de l’anonymat, le rédacteur de la contre-attaque n’étant pas mentionné. En résumé, l’ACI affirmait que les chutes de neige, dans certaines régions de l’Europe, étaient les plus importantes depuis 20 ans, que les responsables avait tout fait pour en minimiser les conséquences, qui plus est en cherchant ŕ venir en aide aux passagers en détresse, en leur distribuant des couchages de fortune gratuits (la précision Ťgratuitsť manquant de classe !), des couvertures, etc.
Dčs cet instant, la situation a basculé dans le ridicule. Personne ne pouvait nier que de violentes chutes de neige peuvent freiner, voire paralyser le transport aérien. Chacun pouvait comprendre que les aéroports ne se dotent pas d’une armada surdimensionnée de déneigeuses qui ne serviraient que tous les 10 ou 20 ans. Et, męme ŕ CDG, sans qu’il fűt nécessaire de s’interroger sur les conséquences bassement financičres de ce grand chaos, le commun des passagers pouvait comprendre que la capacité des hôtels proches n’est pas extensible. D’oů les couchages gratuits.
Le vrai problčme sans solution est tout autre et ne relčve pas de l’autorité aéroportuaire : les compagnies, en pareille situation, sont immédiatement dépassées par les événements et incapables de gérer la crise. Parce c’est bien d’une crise qu’il s’agit, insuffisamment ou mal préparée, qui exigerait, au minimum, que les voyageurs soient tenus au courant des événements, qu’ils sachent si leur vol est retardé ou susceptible d’ętre annulé, qu’on leur dise que les pistes de leur aéroport de destination sont ouvertes ou fermées. C’est ce que tentait de dire ŕ Mariani la passagčre scandinave entrevue furtivement sur France 2. Elle ne demandait pas l’impossible, juste une explication, un encouragement.
Le résultat est tout simplement lamentable, inexcusable et, dans une large mesure, inexplicable. En cas d’accident (heureusement rarissime), les compagnies sont capables d’activer en quelques dizaines de minutes des cellules de crise soigneusement préparées, informent au mieux, prodiguent une aide psychologique aux personnes dans l’attente de proches qui n’arriveront jamais. Ici, dans un registre différent, et sans la moindre victime, sans conséquences autres que des départs ou des retours chaotiques, épuisants, on voudrait, on espérerait …que la neige soit prise au sérieux. Et que le respect du client reste une réalité, męme quand la météo se déchaîne.
C’est loin d’ętre le cas. Dčs que le bonhomme de neige aura fondu, aussitôt les esprits calmés, on s’empressera de passer ŕ autre chose. L’AEA et l’ACI échangeront sans doute des propos peu amčnes lors de séminaires internationaux, l’IATA dira tout le mal qu’elle pense de tarifs aéroportuaires trop élevés et de services qui s’évaporent dčs qu’apparaissent les premiers flocons. Puis les beaux jours reviendront. Un éternel recommencement.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(Photo: Fraport AG)

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