Le dollar pousse Airbus hors d'Europe.

Depuis 2002, le dollar a perdu 40% de sa valeur par rapport à l'euro. La devise européenne s'échange aujourd'hui contre presque $1,5. Cette situation est extrêmement enviable pour les touristes européens qui passeront les fêtes de fin d'année outre-atlantique, mais elle est extrêmement négative pour les industriels européens qui exportent dans la zone dollar. En effet, la sous-évaluation du dollar attaque fortement la compétitivité prix des produits européens.

Peer Steinbrück, ministre allemand des finances, souligne d'ailleurs que "le taux de change du dollar pourrait peser sur le développement économique" de l'Europe. A chaque fois que l'euro gagne 10% par rapport au dollar, c'est entre 0,5 et 1 point de croissance qui s'envole.

La monnaie est une arme et, dans le contexte de guerre économique dans lequel nous nous trouvons, il se pourrait que les industriels européens en soient les premières victimes. Le signal d'alarme a été tiré lundi dernier (03/12/07) par Louis Gallois (patron d'EADS, maison mère de Airbus) sur les ondes de Europe 1: "Tout le monde doit être conscient qu'une partie de l'industrie aéronautique et spatiale européenne est menacée par l'évolution du dollar."

Pour faire face à cette situation, Louis Gallois n'hésite pas à parler de délocalisation. "Nous allons être obligés de faire fabriquer des pièces d'avions, des portes, des éléments de fuselage, des éléments d'ailes, à l'extérieur de l'Europe". Airbus, fleuron de l'industrie aéronautique européenne pourrait donc, à terme, produire ses avions hors Europe, dans des pays de la zone dollar. Dans cette perspective, les sites européens d'Airbus ne conserveraient plus que la conceptualisation, le design et l'assemblage final.

Quelque chose m'intrigue. La tendance à la baisse du dollar ne date pas d'hier (elle a commencé en 2002) et il me semble difficile de croire qu'un groupe comme EADS n'avait pas prévu le scénario d'un euro à $1,5 ou plus. Dès lors, pourquoi ce choix stratégique n'arrive-t-il que maintenant, aussi tardivement, alors que les marges du groupe s'effritent depuis des années à cause d'un dollar faible?

Et puis, jusqu'où cette tendance de délocalisation nous mènera-t-elle? L'Europe est-elle condamnée à voir partir ses industries les plus brillantes et les plus performantes au profit de la zone dollar? Les enjeux sont colossaux puisque c'est du tissu industriel, du savoir-faire et des emplois de l'Europe dont il s'agit.

Source: Le Figaro