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De La Prostitution Des Politiques

Publié le 21 décembre 2010 par Sagephilippe @philippesage

J’ai encore dans le cassis, cette phrase assassine du tribun Jean-Luc Mélenchon, adressée à un stagiaire-journaliste, un 19 mars 2010, entre deux tours d’élections régionales ; un Mélenchon remonté, vindicatif, ah le bel homme du peuple, de gauche, la vraie, il l’a assez dit, n’est-ce pas ? Pas le genre, donc, à se compromettre, à fricoter, composer, se prostituer, se vendre, comme le misérable journaliste qui lui, vend(rait) du papier, coûte que coûte.
Elle s’appuyait, cette phrase, sur une maxime romaine « dignitas » et « gravitas », rien que ça … ah ! ça rigolait pas, et prends ça dans ta face, « laquais », « larbin », « petite cervelle », écoute-donc bien :
« Avec moi, vous parlez de choses sérieuses (…) Donc, avec moi vous parlez de politique et vos sujets de merde vous allez les faire avec des gens qui veulent répondre à la merde »
Salut Le T'Es Rien.jpgDignitas ? Gravitas ? Boum patatras, oui !
T’as donc pas vu l’homme de gôôôôche, celui qui fait la leçon au jeunot, faire le tapin médiatique chez Ruquier, Denisot ou Ardisson ?
On N’est Pas Couché, Le Grand Journal, Salut Les Terriens ; pour sûr, voilà des émissions éminemment politique(s), pas merdeuses pour un sou ! Et surtout, qui ne décrédibilisent pas la parole politique ; pensez-vous ! On y aborde, c’est bien connu, des sujets de fond, avec sérieux, dignité et gravité. Voilà des plateaux télévisés, Tudieu, où on parle « de choses intelligentes » !
Des émissions de prolétaires pour les prolétaires.
Jugez-en plutôt, un exemple tout frais :
Ardisson : Vous avez fait un tabac chez Drucker .. Est-ce qu’au moment du mercato vous allez quitter le Parti de Gauche pour un plus grand parti ? (rires gras du public)
Ou encore :
Ardisson : Tu sais pas danser, toi ? (rires du public)
Mélenchon : Si ! Très bien, mon p’tit gars !
Ardisson : Dans ton Parti de Gauche, vous dansez pas, vous ?
Mélenchon : Si ! (rires)
Baffie : Ils en ont pris des danses ! (rires)
C’était samedi dernier, le 19 décembre 2010, sur Canal+. Entre rires, applaudissements et cymbales de l’orchestre.
L’avez-vous alors entendu, Mélenchon, rétorquer comme il le fit le 19 mars dernier :
« Tu fermes ta petite bouche et tu me parles de politique »
Bien sûr que non ! Deux poids, deux mesures. Et zig, et zag. On écrabouille le petit stagiaire avec ses « sujets de merde », l’accusant, péremptoire, de « mouliner du papier qui s’vend », ça fait son beau, son fier, mais, buzz épuisé, ça y va se vendre, se prostituer dans des émissions de divertissement, où l’on se tutoie, où l’on se vanne ! …. Et ça voudrait, ensuite, donner des leçons ? Mais de qui se moque-t-on ?
Ah mais oui, mais je vous demande pardon ! Ça manque de cohérence. Un tantinet. De deux choses, l’une. Y’a pas d’autre façon. Sinon, ça vaut pas tripette. C’est du flan. C’est posture. Et il n’y a pas loin de la posture à l’imposture.
Certes, il n’y a pas que Mélenchon. Tous, ou presque, vont faire Guignol sur les plateaux bankable du divertissement ; rires, applaudissements, cymbales de l’orchestre.
De Copé à Bertrand, de Royal à Montebourg, de Yade à Bayrou, tous ! Dupont-Aignan compris ! Ils vont pointer à la becquetance « popu » ! Même Besancenot, il l’a fait son Drucker ! Itou, l’autre nouveau présumé Chevalier Blanc (avec Mélenchon, justement) de la politique : Dominique de Villepin. Celui-là même qui, chez Elkabbach, un dimanche matin, se permettait un croustillant :
« Or, manifestement, nous nous divertissons ! »
… Avant d’aller s’esclaffer, pouffer et … nous divertir chez Ruquier !
Et ça viendrait ensuite geindre, se plaindre, regretter que la politique, l’homme politique, et la parole politique, fussent décrédibilisés !
Mais quand on veut redonner du poids, du crédit, de la hauteur à la politique, on ne va pas faire sa « star », son « people », sa « diva » chez Denisot, Ruquier ou Ardisson.
Comment peut-on, après avoir ricané comme des bossus dans ces autres « Dîner du Siècle » aller parler souffrances du peuple, misère et tout le tralala, fustiger « l’argent-roi » (qui coule à flots, dans ces émissions-là) dénoncer la pauvreté des débats, la vulgarité ambiante, la dérision permanente, le populisme même, mais oui ! Ah ça, c’est d’un drôle, tiens ! …. D’aucuns prétendent même, les amusants, que l’on tirerait la France vers le bas ! Mais si c’est en ricanant, ça n’a plus d’importance, voyez ! Si c’est en divertissant le veau, c’est pas péché, messire !
Comment peut-on, outragé, indigné, sur ses grands chevaux monté, fier comme Artaban, ô combien méprisant, traiter tout ce qui ressemble à un journaliste, ou approchant, de « laquais », de « larbin » quand on fait soi-même son larbin ou laquais pour s’attirer la sympathie du téléspectateur. Tu le fais rire, et tu l’as dans l’urne ?
Oh c’qu’il est sympa et drôle, ce Mélenchon, j’crois que j’vais voter pour lui, Chérie !
Beau programme !
Oh, je conçois que ce soit moins éreintant et fastidieux que d’en proposer un, un vrai qui fasse pas rire ; un programme politique, j’entends. Trop rébarbatif, n’est-ce pas.
Mais quand bien même, y en aurait-il un, comment voudriez-vous qu’on le prît au sérieux ? Sans l’impertinent de salon Yann Barthes, sans les snipers d’Ardisson, ou les gros jeux de mots de Ruquier, c’est pas pensable, voyons ! Il faut passer par eux, c’est obligé, et vous en êtes les obligés de fait, pour engranger du suffrage, en vous faisant moquer, chambrer, ridiculiser même ; en vous prostituant, quoi !
Ris public ! Ris ! Gondole-toi ! Et vive la République ! Puisque, j’ai bien entendu, c’est en son nom, que Mélenchon se bat, pour lui rendre dans « le bruit et la fureur, le fracas et le tumulte », ses ors et sa beauté. Son prestige. Par le divertissement et la gaudriole. Tartufe, oui !
Des émissions politiques ? Y’en a. Des bonnes, des solides ? Télévisuellement, pas vraiment. J’en suis d’accord. Et alors ? Est-ce une raison pour aller faire son mariole, tapiner à qui mieux-mieux ? Et la radio, c’est-y fait pour les chiens ?
On ne peut réclamer un (retour du) respect du politique et de sa parole et, en même temps, aller faire Guignol dans des émissions de divertissement.
Ce n’est pas le lieu pour s’adresser au peuple.
Ce n’est pas l’endroit pour traiter de la souffrance, du désarroi, de la misère.
Ce n’est pas là, qu’on cause de politique et qu’on lui rendra crédit.
Il faut être clair. Tant que les hommes politiques, quels qu’ils soient, iront se compromettre sur ces plateaux télévisés, ils ne seront pas pris au sérieux.
Ils n’inspireront ni « dignitas » ni « gravitas ». Voilà la « veritas ».
« Le mélange de voyeurisme et de prostitution de l’esprit public va continuer jusqu’à la catastrophe, évidemment » disait Jean-Luc Mélenchon, ce fameux 19 mars 2010.
Je serais tenté de répondre par un sonore :
« Tu l’as dit, bouffi ! »
Je me bornerai juste à lui dire qu’il participe, et comment, par rires, applaudissements et cymbales d’orchestre, voyeurisme et prostitution, à l’avènement prochain de ladite catastrophe.
Et boum patatras.


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