Le voyage d'hiver (Partie I)

Pour d??buter la semaine en douceur, je vous invite ?? voyager avec la premi??re partie d'un texte de Marc Cholodenko.
?? Elle est morte. Je suis mort. Soyons juste, et soyons pr??cis : ce qui ??tait en moi qui faisait que je l???aimais est mort.
Dans un livre o?? je dissertais ?? longueur de pages sur l???amour sans l???avoir jamais ??prouv??, car elle fut la premi??re femme que j???aimais, et je ne la rencontrais qu???apr??s, dans ce livre, donc, le h??ros apr??s qu???il eut ??t?? quitt??, tente de se rappeler ce que fut l???aim??e, et leur amour, et ne trouve rien d???autre ?? quoi raccrocher son souvenir que quelques attitudes, quelques paroles, quelques objets. Le malheureux jeune homme en concluait ??? il faut dire ?? sa d??charge qu???il ??tait d??pit?? ??? que l???amour est bien peu de chose si on consid??re ce que la m??moire peut en retenir, ?? peine des colifichets. (cliquez ci-dessous pour lire la suite)

Passing place

Il se trompait et moi avec. D???un amour, comme de tout ce qui passe, le peu que la m??moire retient s???enfuit de soi-m??me, se vide de l???int??rieur, et apr??s quelques ann??es, quelque herm??tique et cach?? que soit notre coffret aux souvenirs, il ne contient plus que des enveloppes vides de toute substance. Souvenez-vous comme les heures les plus radieuses perdent bient??t leur intensit??, puis leurs couleurs, puis leurs formes m??me. Et c???est heureux. Car si les heures pass??es pouvaient vivre en nous, nous ne pourrions souffrir de vivre avec elles : nous mourrions de regret. Ceux qui ont aim?? le savent comme moi : ce n???est pas la vie qui est la plus forte, c???est le souvenir qui est le plus faible, et on ne survit ?? la mort que parce qu???on a oubli?? combien on a aim??.
Quoi d?????tonnant a cela ? Ce qui est pass?? est mort et ce qui est mort ne peut revivre. On ne ressuscite pas le pass?? et le souvenir des choses v??cues n???existe pas : c???est l???imagination appliqu??e au pass??. Il n???y a que ce qui continue de vivre qui peut ?? ressusciter ??. Si, donc, de cet amour pass??, il ne subsiste rien, il y a cependant quelque chose qui continue de vivre, c???est un parfum ??? peut-??tre. Je dis peut-??tre car, vraiment, je n???en sais rien. J???ai en effet ce d??savantage ??? ou cet avantage ??? sur les autres hommes, de ne pouvoir aller dans une parfumerie acheter quelques onces de pass??, ou plut??t d???intemporel pr??sent. Cette femme, pour tout dire, poss??dait, outre la tr??s particuli??re particularit?? d?????tre la femme aim??e, celle d???avoir son parfum. Ce n?????tait pas son parfum comme on dit : ?? Je reviens ou Fracas est ?? mon parfum ??. C?????tait son parfum ?? elle, qu???elle avait fait faire, qu???elle ??tait seule ?? poss??der, seule ?? porter.
Elle lui avait donn?? un nom que je jugeais affreux ??? et que je ne vous dirai donc pas. Mais c?????tait ??? et c???est toujours -, ?? mon avis, ou plut??t ?? mon nez, le plus beau parfum du monde, le plus abandonn??, le plus violent, le plus tendre, le plus cinglant. ??