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S’informer, est-ce bon pour la santé (mentale) ?

Publié le 24 décembre 2010 par Ruddy V / Ernst Calafol

S’informer, est-ce bon pour la santé (mentale) ?Je rentre de vacances, j’ouvre les journaux : les mauvaises nouvelles s’accumulent. Pour garder le moral, ne vaudrait-il pas mieux les fermer une bonne fois pour toutes ?

Comme j’exerce un métier que j’aime, je suis rarement mécontent de retrouver mon poste après quelques jours de vacances. Et comme j’aime m’informer, c’est aussi un plaisir que de feuilleter les numéros du Monde que j’ai ratés. Sauf qu’aujourd’hui, mon humeur, initialement bonne, en a pris un sérieux coup. Car la plupart du temps, un journal ne fait que tenir la chronique de plusieurs naufrages qui, additionnés les uns avec les autres, constituent ce qu’on appelle « notre époque ». Une époque à l’image de toutes les autres, une preuve irréfutable que l’histoire de l’humanité est une catastrophe qui dure.

Voici les trois sujets qui ont réussi à impacter mon mental, que je croyais à toute épreuve :

- Les enseignants : un article du Monde daté du 22 décembre montre que le nombre de candidats au métier de professeur est en chute libre, de quasiment 50 %. La tendance n’est pas surprenante, la violence de la variation, oui. Le feuilleton de l’effondrement du système scolaire républicain continue donc, et l’on n’y peut rien. L’école privée a de beaux jours devant elle,  pendant que la plupart des établissements publics se muent en usines à obscurantisme.

- L’intégration des immigrés : dans le Monde daté du 21 décembre, un article sur l’intégration des immigrés et de leurs descendants. On sait depuis des dizaines d’années qu’elle se porte mal. Un énième étude vient le confirmer. Nouveauté : les statistiques ethniques montrent que les populations d’origine africaine rencontreraient plus de « difficultés » face au marché du travail que celles d’autres origines. Sérieux ? Les spécialistes de l’Insee auraient dû me solliciter, bizarrement je suis au courant depuis l’âge de 12 ans et 8 mois.

Un encadré m’enfonce encore plus dans la déprime : le débat sur l’utilisation du mot « assimilation », qui remplace petit à petit celui « d’intégration ». Typique d’une névrose : on s’écharpe sur les termes. Quand la situation n’est pas naturellement, humainement traitée, par les liens de confiance qui unissent, normalement, les membres d’une même communauté, on débat sur les mots et les chiffres pour tuer le temps et ne pas avoir à constater et accepter notre impuissance fondamentale.

Ça fait cinq jours que je suis parti, j’ai pris un coup de vieux de cinq ans.

- L’affaire de la pub des jeunes verts : pour encourager les jeunes à aller voter, les « jeunes verts de Franche-Comté » ont lancé une publicité faisant appel aux joujoux sexuels. On voit des bas-ventres masculin et féminin, avec une association de nos organes reproducteurs (qui décidément fascinent au-delà de tout nos contemporains) et de la carte électorale.

Pour couronner la chose, dans une magnifique mise en abime du mauvais goût, une association féministe estime que cette publicité est sexiste, puisque si le bas-ventre féminin correspond aux canons de beauté actuels (plat, maigre…), le bas-ventre masculin est plus vulgaire (dodu, poilu…). Ou comment débattre vulgairement et bêtement d’une campagne de publicité bête et vulgaire. On peut se faire une autre idée du féminisme que ces petits combats d’arrière-garde, issus d’une frustration qui se guérira plutôt par une introspection psychologique que par un engagement politique. De la même manière, on peut mépriser le racisme tout en méprisant les associations anti-racistes qui hurlent au moindre commencement de dérapage « raciste ».

« Ce peuple est inspiré par la fièvre et le cancer »

Voilà, à travers ces quelques lignes inutiles, j’ai légèrement l’impression d’avoir conjuré le sort. Je rouvrirai les journaux demain matin. Ces nouvelles ont beau être effarantes, je garderai toujours l’envie de vivre à hauteur de ces multiples catastrophes, et dédaignerai ceux qui préfèrent se bercer, se distraire, se « faire plaisir » (disent-ils). Ils préfèrent se droguer mollement, à petite dose, parce qu’ils n’ont pas la force de caractère pour se tenir « debout dans les rages et les ennuis », pour citer Rimbaud, qui a préféré aller vendre des cafés (debout) en Afrique plutôt que de rester en Europe, repère des « assis » qu’il exécrait tant, « ce continent où la folie rôde », où les citoyens sont des otages formant un peuple « inspiré par la fièvre et le cancer ».

Crédit photo : france.diplomatie / Flickr



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