Instruction de 1737 sur la Fabrique des Tonneaux.

Publié le 28 décembre 2010 par Chevalierbrigand

Instruction sur la fabrique des tonneaux de 1737



Les tonneliers de la province de Languedoc sont si accoutumés à se servir de mauvais bois pour la construction de futailles, à faire des tonneaux si difformes et si défectueux, et, par conséquent, en contravention au règlement du 24 septembre 1729 et à l’ ordonnance de Mgr l’ intendant du 4 Août 1731, qu’ on a cru devoir leur donner la présente instruction, afin qu’ ils aient à s’ y conformer, s’ ils veulent éviter l’ amende, la confiscation et l’ incendie de leurs tonneaux.
La plupart des tonneliers se servent de bois vert et piqué des vers, ce qui est cause que le vin prend goût d’afust, et occasionne des coulages considérables; les rabotages en sont même très dispendieux, ce qui augmente considérablement le prix du vin et cause une grosse perte aux négociants.

Espèces différentes de tonneaux.

Les tonneaux renfermant du vin doivent être d’ un bois de châtaignier bien sec, d’ une égale contenance suivant l’ espèce, c’ est à dire que les muids doivent contenir 90 verges, les demi-muids 45, les tierce rôles ou tiers de muid 30, les douzains ou quarts de muid 22 verges et demis, et les sixains ou sixièmes de muids 15 verges. Cependant, la plupart des tonneaux qu’on construit ne sont point de cette jauge et cela porte un grave préjudice au commerce et occasionne souvent des procès entre les marchands, les fabricants et les tonneliers.

Tonneliers de Roquemaure et de La Côte du Rhône.

La plupart des futailles qui viennent du coté de Roquemaure ou de la Côte du Rhône sont difformes, défectueuses, construites avec un mauvais bois et piquées de vers; leur contenance n’est point égale. Les barriques appelées douzains qui devraient contenir 60 verges ou 8 barraux, n’ en contiennent quelquefois que 54 ou 55, environ 7 barraux ou 7 et demi; d’ autres contiennent 9 barraux ou 64 et même 67 verges, et les demi-barriques ont la même irrégularité, ce qui préjudicie beaucoup au commerce parce que, dans certains pays étrangers, ces barriques, quand elles sont de 9 barraux ou environ, ne se vendent que pour 2 tiers de muid, et les demi-barriques de 4 barraux et demi ou de 5 barraux, que pour un tiers de muid, quoiqu’ elles sont si mal fabriquées que les rabotages coutent cher, causant une grosse perte aux négociants et un retard énorme au commerce dont le profit dépend ordinairement de la diligence que l’ on apporte dans les expéditions.

Ainsi, les tonneliers de la Côte du Rhône, de Roquemaure, et ceux qui sont de la dépendance de la province, doivent ne faire que deux sortes de futailles qui soient des douzains de 60 verges ou de 8 barraux et des tierceroles ou demi-douzaines de 30 verges ou de 4 barraux, et n’ employer que du bon bois de chêne ou de châtaignier bien sec.
Le commerce des vins du coté de Roquemaure, Lirac, Tavel, Codolet, Saint Geniez, Saint Laurent et autres Cote du Rhône est trop considérable pour ne pas fabriquer de bons tonneaux pour loger les vins.

On ne se servait autrefois que de tonneaux de châtaignier fabriqués dans le Vivarais et les Cévennes; leur mauvaise qualité a obligé les gros proprietaires de vignobles d’en faire venir de Lyon et de Bourgogne, en bois de chêne et la moitié plus chers, et ce bois donne aux vins une bonne qualité. Les tonneliers ne doivent se servir de douelles de chêne du Vivarais qu’ autant qu’elles sont bien préparées, autrement cela donne un goût désagréable au vin.

Un abus à Roquemaure ou dans les environs, c’ est qu’il n’ y a point de jauge assurée pour la contenance des tonneaux, ce qui occasionne des discussions pour le mesurage, ce qui n’ arrivera pas lorsque les tonneliers se serviront d’ une matrice pour la construction de leur futailles, comme cela se pratique dans les Cévennes et dans d’ autres endroits de la province ou l’ on fabrique des tonneaux, et qu’ on en déposera une à l’ hôtel de ville de Roquemaure et autres lieux, pour y jauger tous les tonneaux mis en vente, afin qu’ ils ne soient que de 8 barraux les gros et de 4 barraux les petits.

Les tonneliers des Cévennes et du Vivarais n’emploient ordinairement pour les futailles de la Côte du Rhône que des bois de châtaignier qui sont morts sur la plante ou gâtés, les douelles en sont vermoulues et d’un bois passé; ils  emploient aussi du bois vert qu’ils font sécher au four, ce qui donne un mauvais goût au vin? Ils ont beau mettre des milliers de clous ou de chevilles; il s’ouvre des trous, à chaque moment, quand les tonneaux sont pleins et se trouvent vides au fond des vaisseaux à leur arrivée; les marchands s’y ruinent et cela causerait la destruction du commerce, si l’on n’y remédiait.

Pour tous les tonneliers de la province.

Pour obvier à tous ces inconvénients, il faut que les tonneliers:
Dans les constructions de leurs futailles, réglent les différentes proportions qu’elles doivent avoir pour les faire d’une égale jauge. Pour cet effet, il faut que dans la matrice dont ils se serviront, les longueurs et les différentes grosseurs de chaque barrique soient marquées et qu’ il ne soit permis à aucun tonnelier de la province et de la Côte du Rhône de fabriquer des tonneaux sans être pourvus d’ une semblable mesure, et il faut qu’ ils soient punis et amendés lorsqu’ ils y manqueront.

Les tonneliers pourront continuer à construire des futailles appelées sixains, contenant 15 verges. Quand au cercles, il faut que ceux qui en ont ne fassent couper leurs cercliéres qu’ autant qu’elles ont au moins 7 années de plantation et en lune vieille.
Il faut encore que les tonneliers fassent donner un grand pouce de diamètre au- dessus du jable, pour éviter que les douelles ne se cassent et ne se peignent. Il faut enfin que les tonneliers mettent leur marque à feu tout au long sur un des fonds, sans quoi leur futailles seront saisies et arrêtées et les fabricants condamnés à l’amende et à l’incendie de leur futailles, ainsi que lorsqu’ elles n’auront pas toutes les conditions prescrites dans cette Instruction.