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Sauvez Darwin !

Publié le 28 décembre 2010 par Copeau @Contrepoints

En tout cas, ce qui retiendra le plus l’attention dans le cas Darwin n’est pas tant sa dimension scientifique que sa dimension de combat culturel. En fin de compte, il apparaît que le problème aujourd’hui n’est pas tant l’apparition de théories comme celle du dessein intelligent, mais bien l’existence de cette anomalie dans le monde scientifique que représente le bunker idéologique qui entoure les théories darwiniennes.

Sauvez Darwin !
En février, a été publié aux États-Unis un livre qui fait beaucoup parler de lui : What Darwin got wrong. Ses auteurs sont d’une part Jerry Fodor, philosophe du langage et cognitiviste (plus dans la ligne de Chomsky que celle de Steven Pinker) et d’autre part l’Italien Maximo Piattelli-Palmarini, bio-physicien et scientifique cognitiviste qui travaille à l’Université de l’Arizona.

What Darwin got wrong est un pavé lancé par deux scientifiques athées dans la mare des intégristes néo-darwiniens, une tentative pour faire s’effondrer une fois pour toute ce Mur de Berlin dogmatique qu’est devenu la théorie darwinienne originelle par la faute des néo-darwiniens. Mais un pavé minutieusement documenté. La polémique avait pourtant commencé il y a quelques temps déjà avec un article de Fodor publié dans la London Review of Books et intitutlé « Why pigs don’t have wings ».

L’argument fondamental autour duquel tourne le livre est en relation avec l’idée de sélection naturelle. Les auteurs ne la nient pas, mais pensent que celle-ci n’est pas l’unique ni le plus important mécanisme qui donne naissance aux nouvelles espèces et qu’il faudrait parler d’un système beaucoup plus complexe où interviendraient de multiples facteurs (voir à ce sujet Evolution in four dimensions d’Eva Jablonka et Marion J. Lamb). Fodor et Piattelli utilisent une image très parlante : la sélection naturelle est l’accordeur du piano, pas le compositeur de l’œuvre.

Les auteurs soutiennent que ce n’est pas seulement l’environnement – comme l’affirmait Darwin – qui provoque le changement, mais bien des liens internes d’un autre type, parmi lesquels se détachent les gènes maîtres (qui dirigent nombre des structures des organismes), ou les lois physico-chimiques de la forme et de l’auto-organisation. On ne nie donc pas la sélection naturelle, mais on l’amende. Fodor et Piattelli ne la présentent même pas – chose qui serait parfaitement légitime – comme une conjecture ou une simple simulation scientifique (ce qui serait pourtant bien le cas selon la catégorisation de Schrödinger ; et ce que pensent d’ailleurs des scientifiques comme Carl Woese).

Dans tous les cas, le plus intéressant sans tout cela a été la sortie en trombe de la Très Sainte Trinité néo-darwiniste : Richard Dawkins, Daniel Dennett et Steven Pinker lui-même, sectaires et ultramontains incapables d’aller au-delà de la dichotomie Darwin ou Dieu, évolutionnisme ou créationnisme. Pour eux, la science s’est arrêté au 19e siècle et ils sont assez grossiers pour traiter de « négationnistes » les parfaits athées que sont Fodor et Piattelli-Palmarini. Tout ce qui s’éloigne du dogme établit subit l’anathème de la part de ces inquisiteurs. Le néo-darwininisme ne tolère pas les hérétiques, car cela pourrait donner des arguments aux créationnistes ou aux tenants du dessein intelligent.

De fait, dans le monde catholique, ce pamphlet (dans le meilleur sens du terme) a connu une certaine répercussion. Spécialement maintenant que Benoït XVI, au travers de cardinaux de confiance comme l’autrichien Christoph Schönborn, tente de reprendre le dialogue sur le thème de l’évolution à partir des prémisses du dessein intelligent. On peut dire que pour l’Église la fable des tortues des Galapagos n’est rien d’autre qu’une nouvelle métaphore du mythe d’Adam et Ève, une nouvelle forme de constater que l’être humain manifeste aussi son aspiration transcendantale au travers de belles histoires. Beauté et vérité, comme le savaient le Chateaubriand du Génie du christianisme ou le Chesterton d’Orthodoxie. En fin de compte, nous les humains partageons avec les pierres plus de 90% des éléments chimiques, à peine moins de ce que nous avons en commun avec le gorille. Tout ce qui existe forme un tout.

Ce livre libérateur tente de ramener le débat sur l’évolutionnisme sur le terrain scientifique et l’extraire du combat idéologique où les néo-darwiniens l’ont placé. Darwin doit être sauvé de ceux qui le gardent prisonnier et le manipulent par pur intérêt idéologique, des dogmatiques qui poussent des cris d’orfraies chaque fois que quelqu’un nuance, critique ou réfute une de ses thèses intouchables. Fodor et Piattelli-Palmarini n’ont rien écrit de neuf. Mais ils ont eu l’habileté d’organiser en mettant en évidence les points faibles de la théorie de la sélection naturelle, borne milliaire de toute la doctrine darwiniste. Les esprits simples ne tolèrent pas la complexité, les membres de la secte ne peuvent accepter le fait qu’une énorme quantité de caractéristiques des diverses espèces vivantes n’a rien à voir avec les schémas adaptatifs linéaires.

En tout cas, ce qui retiendra le plus l’attention dans le cas Darwin n’est pas tant sa dimension scientifique que sa dimension de combat culturel. Mettre Darwin en défaut d’un point de vue scientifique n’est pas difficile si l’on tient compte qu’il s’agit d’un naturaliste de la première moitié du 19e siècle. Mais celui qui ose le faire peut presque sûrement faire une croix sur une carrière académique normale, car il aura été inscrit sur les listes noires des nouveaux gardiens de la foi évolutionniste. En fin de compte, il apparaît que le problème aujourd’hui n’est pas tant l’apparition de théories comme celle du dessein intelligent, mais bien l’existence de cette anomalie dans le monde scientifique que représente le bunker idéologique qui entoure les théories darwiniennes.


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