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Piégés par l’Eldorado photovoltaïque

Publié le 28 décembre 2010 par Copeau @Contrepoints

Piégés par l’Eldorado photovoltaïque« Le mora­toire, c’est la mort des PME et des ETI », a assené le viru­lent pré­sident du groupe Fon­roch Ener­gie, Yann Maus, lors de l’audition par­le­men­taire sur l’avenir de l’industrie pho­to­vol­taïque le mer­credi 22 décembre à l’Assemblée Natio­nale. Alerté par l’engorgement crois­sant de la « file d’attente » pour le rachat par EDF de l’électricité pro­duite par les modules solaires, le gou­ver­ne­ment a décidé le 7 décembre der­nier de sus­pendre pour trois mois le trai­te­ment de nou­veaux dos­siers. Une déci­sion « hâtive, désor­don­née et brouillonne », estime Yann Maus, égale­ment pré­sident de l’Association pour l’Industrie Pho­to­vol­taïque Fran­çaise. « Il faut être res­pon­sable » rétorque Serge Poi­gnant (UMP), député et pré­sident de la com­mis­sion des affaires écono­miques à l’Assemblée, qui rap­pelle que les 4 Giga­watt concer­nés par la sus­pen­sion repré­sentent une dépense d’un mil­liard et demi par an, pen­dant vingt annui­tés pour l’Etat. Une aide publique que le Pre­mier ministre consi­dère exces­sive , d’autant plus en période de réduc­tion bud­gé­taire. Il est donc peu pro­bable que le gou­ver­ne­ment se risque à affron­ter la colère des consom­ma­teurs qui devront régler l’addition en der­nier recours. Sans comp­ter que ces dis­po­si­tions, pré­vues par le Gre­nelle de l’environnement, ont sus­cité l’apparition d’une véri­table bulle spé­cu­la­tive, basée sur un cours arti­fi­ciel­le­ment haut des prix d’achat de l’électricité.

Si les indus­triels peuvent à bon droit esti­mer qu’un mar­ché a besoin de « sta­bi­lité » et de « visi­bi­lité » pour être pérenne, on peut leur objec­ter que fon­der un modèle écono­mique sur une sub­ven­tion publique consti­tue là un pari bien incer­tain. De façon plus géné­rale, cette polé­mique illustre les effets per­vers qui découlent de l’intervention publique dans la sphère pri­vée. En pro­po­sant des tarifs de rachats fara­mi­neux au regard des prix pra­ti­qués sur le mar­ché, l’Etat a pu accom­pa­gner le déve­lop­pe­ment d’un mar­ché et géné­rer des inves­tis­se­ments (100 mil­lions d’euros depuis 2006 pour la société Pho­to­watt, une PME de 750 sala­riés). Tou­te­fois, il ne s’agit là que d’un mar­ché pure­ment fic­tif, étant donné les prix d’achat parEDF dix fois supé­rieurs à ceux pra­ti­qués hors de cette régle­men­ta­tion. Cer­tains n’ont sans doute pas man­qué d’y voir la poule aux œufs d’or, per­met­tant de faire de l’argent facile, tout en sur­fant sur la mode de l’écologie. Le dis­po­si­tif a si bien fonc­tionné que le dépôt de pro­jets deman­dant le rachat a explosé en 2009. Un mar­ché par­fai­te­ment arti­fi­ciel qui ne tient actuel­le­ment que grâce à la per­fu­sion des aides publiques.

Pas de parité réseau avant…2018 !

« Mal­gré des efforts d’adaptation extra­or­di­naires depuis deux ans, nos modules sont tou­jours 15 à 20 % plus chers que ceux pro­duits en Chine », a reconnu Vincent Bes, de Photowatt. La filière du pho­to­vol­taïque est en retard en terme de ren­de­ment des modules et tech­no­lo­gi­que­ment dépas­sée par d’autres écono­mies, à l’instar de celle de l’Allemagne, qui ont investi dans ces tech­no­lo­gies depuis déjà 10 ans. Une stra­té­gie écono­mique qui semble d’autant plus impro­vi­sée que la France a fait le choix du nucléaire dans les années 70, un sec­teur dans lequel elle est l’un des lea­ders incon­tes­tés au niveau mon­dial. De l’aveu même des repré­sen­tants de Total, Saint-Gobin, Pho­to­watt ou Fon­roche, la parité réseau (l’alignement du coût de pro­duc­tion du kWh pho­to­vol­taïque et du coût d’achat de l’électricité au détail) ne se fera sans doute pas avant 2017 ou 2018. Autant dire une éter­nité au rythme où évoluent les tech­niques et les inno­va­tions. La per­ti­nence d’un tel niveau de dépense pour déve­lop­per une filière déjà dépas­sée de très loin par ses concur­rents se pose donc. Les grands groupes y trou­ve­ront là un effet d’aubaine allé­chant, tan­dis que beau­coup de petites PME et ETI s’y bri­se­ront les reins, comme ce fut le cas lors de l’éclatement de la bulle inter­net. Pour enfon­cer le clou, le rap­port Char­pin, publié à la suite des tra­vaux de la mis­sion par­le­men­taire sur la régu­la­tion et le déve­lop­pe­ment de la filière pho­to­vol­taïque en France, a estimé que l’énergie solaire ne repré­sen­te­rait en 2020 que… 1,21% de la consom­ma­tion brute totale d’électricité (prévision).

Mais les effets per­vers vont peut-être plus loin que le simple gas­pillage d’argent et l’on peut se deman­der si, en déci­dant arbi­trai­re­ment de sou­te­nir le pho­to­vol­taïque, l’Etat ne bloque pas l’émergence de tech­no­lo­gies plus inno­vantes, plus adap­tées au mar­ché natio­nal, et pour les­quelles les entre­prises fran­çaises seraient en mesure d’apporter une véri­table valeur ajou­tée qui ne dépende pas d’aides publiques, des­truc­trices de richesse par nature. C’est une leçon, hélas oubliée, qu’enseignait l’économiste Fré­dé­ric Bas­tiat. Il y a ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. Ce qu’on voit, c’est l’émergence d’une filière en France du pho­to­vol­taïque, qui crée des emplois, qui attire des inves­tis­se­ments et qui crée du dyna­misme écono­mique. Ce qu’on ne voit pas, en revanche, c’est la gigan­tesque des­truc­tion de richesse qui aura été néces­saire pour sou­te­nir ce mar­ché arti­fi­ciel, et tous les pro­jets sans doutes plus inno­vants, plus adap­tés à la demande qui n’auront pas pu voir le jour.

Le désastre du photovoltaïque espagnol.

La bulle verte se dégonfle.

Hausse des tarifs de l’électricité.

Energies vertes = pauvreté.

Le paradoxe de Friends Of The Earth.


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