Magazine Poésie

6# SiLHOUETTES. Yiannis Lhermet

Par Collectif Ratures // Poésie // Grenoble

SIMS22

Quand il arrive ce dimanche, dans la ville de son enfance, il a la gorge serrée.

Hormis le petit carrousel dans le parc rougi par l’automne, rien n’a changé.

Voilà près d’un an qu’il n’est revenu dans ces rues familières à l’odeur particulière, qui changent de visage selon les saisons.

Il lui semble que c’est hier, qu’accompagné de sa mère, marchant bras dessus, bras dessous, ils flânaient sur l’allée principale qui abrite le marché de Noël.

Les travaux de la maison familiale ont avancé.

Son père a fait le crépi, les murs sont habillés de tapisseries… et des bibelots inconnus, jouent, dans la bibliothèque, auquel se fera le plus remarquer.

Plus tard, dans la chambre de ses parents, il déballe le gros carton de photos.

Il aime ce carton, témoin muet de sa jeunesse… ange gardien de son passé.

Tellement de figures ont changé !

Sa grand-mère portant la bûche… sa petite sœur perchée sur un arbre comme un oiseau… et son père au régiment à qui il ressemble comme deux gouttes d’eau…

Un monde surgit tout à coup de l’oubli !

Devant lui s’étale le livre de sa vie.

Entre les lignes, revivent des êtres dont l’existence ne tenait qu’à ces bouts de papier.

Ici, sa mère en timide mariée près de son grand-père défunt ; là, sa tante dansant dans les bras d’un fiancé dont il a entendu parler mais qu’il n’a jamais vu.

Ce parfum palpable des vieilles photos qui exhalent, désordonnées des bribes du passé, peu à peu, pénètre son cœur qui bat la chamade.

Voilà cinq ans qu’il a quitté le cocon familial, s’est consacré à sa vie, à sa vie avec elle, à ses amis, à l’usine.

Et pendant tout ce temps il a oublié, oublié sa famille.

Ceux qui sans doute l’ont le plus aimé reposent paisiblement devant lui…

Aux vingt ans de son frère, il ne se voit pas sur les photos, pas plus qu’aux deux derniers Noëls… Ni à la pose de la première pierre de la maison par son père…

Où était-il pendant ce temps ?

II a voulu vivre...

Se trouver ! Peut-être, au fond... s’est-il perdu ?

Mais déjà, le voilà qui repart, le lendemain.

Courant à perdre haleine vers sa vie, cherchant à se faire aimer d’inconnus... le voilà qui repart et qui déjà n’y pense plus.


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