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La titrisation de la politique gouvernementale

Publié le 30 décembre 2010 par Unpeudetao

Si la doctrine libérale a longtemps prôné, au nom du « laisser-faire », la défiance envers l’État et la réduction du périmètre de son intervention, la logique gouvernementale du néo libéralisme est, elle, fort différente : s’affirmant soucieuse de redonner son crédit à la volonté politique, elle s’inspire en réalité des moyens dont usent les entreprises pour susciter la « confiance » des marchés - quitte à laisser les objectifs et indicateurs propres à mettre en scène l’efficacité gouvernementale définir les priorités de l’action publique.

Protecteurs sourcilleux de la bonne humeur des investisseurs, les gouvernements néolibéraux ne se bornent pourtant pas à servir les intérêts des gestionnaires de capitaux. Sans doute ne manquent-ils jamais de faciliter l’irrigation de marchés financiers avides de liquidités ni d’assurer la socialisation de chacune de leurs défaillances. Toutefois, non contents de pourvoir aux conditions de reproduction d’une gouvernance entrepreneuriale axée sur l’augmentation rapide de la valeur actionnariale, ils n’ont pas tardé à comprendre que des techniques destinées à susciter des anticipations optimistes ne leur étaient pas moins utiles qu’à leurs protégés du secteur privé. Aussi les ont-ils bientôt adoptées pour leur propre compte.

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Peu respectueuse des valeurs du libéralisme politique, la culture néolibérale du résultat ne témoigne pas non plus d’une grande fidélité envers le libéralisme économique : ses partisans sont notamment loin de considérer que la mission principale d’un gouvernement consiste à assurer l’expansion continue du secteur privé. Sans doute les privatisations figurent-elles parmi les mesures auxquelles les dirigeants néolibéraux recourent régulièrement. Toutefois, elles ne s’imposent à eux que dans les domaines où la gestion publique ne peut escompter de réussites rapidement affichables. En revanche, là où les agents de l’État se montrent les mieux à même de conforter le crédit de l’exécutif, le néolibéralisme gouvernemental s’accommode fort bien de leur présence, et même de l’extension de leurs responsabilités. De son point de vue, privatiser n’est donc pas un objectif stratégique, mais seulement un moyen de se délester d’activités peu propices à la présentation rapide et sûre de performances gratifiantes. À la différence des libéraux et des socialistes, les dirigeants néolibéraux ne considèrent pas que la répartition de la propriété entre l’État et le secteur privé constitue l’enjeu déterminant du combat politique. Selon eux, il s’agit plutôt d’une question dont la réponse doit être déterminée au cas par cas, en fonction des besoins de mise en scène de leur efficacité. Davantage que le prisme de la privatisation, c’est bien la logique de l’externalisation qui rend compte de la logique néolibérale : de même que les grandes entreprises cherchent à sous-traiter tout ce qu’elles ne peuvent légitimement rentabiliser, leurs émules gouvernementaux usent de la cession de capital et de la délégation de service public pour se soustraire aux tâches les moins appropriées au soutien de leur réputation.

Michel Feher.
Philosophe, il prépare un essai, S’apprécier. Pourquoi et comment épouser la condition néolibérale, à paraître aux Éditions La Découverte.

 Cet article est paru dans Vacarme n°53, été 2010 :
http://www.vacarme.org/article1918.html
 La condition néolibérale : comment la définir, pourquoi l’épouser ? Université ouverte avec Michel Feher :
http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4186

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 L'article complet ici :

http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=5425


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