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De IBN-AL-MUQAFFA à JEAN DE LA FONTAINE: Une fable deux auteurs.

Publié le 17 janvier 2008 par Mesk Ellil
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La tortue et les deux canards: On raconte que deux canards et une tortue vivaient près d’un étang où poussait une herbe abondante. Les deux canards et la tortue étaient liés d’amitié et d’affection. Il advint que l’eau de l’étang tarit ; alors les deux canards vinrent faire leurs adieux à la tortue et lui dirent : -« Reste en paix, amie ; nous quittons cet endroit car l’eau commence à manquer ». -« Le manque d’eau, leur dit la tortue, m’affecte plus que toute autre créature, car je suis comme la barque : je ne peux vivre que là où l’onde abonde. Tandis que vous deux, vous pouvez survivre partout ; emmenez-moi donc avec vous. » Ils acceptèrent. - « Comment ferez-vous pour me porter ? » demanda-t-elle. - « Nous prendrons chacun le bout d’une branche, dirent-ils, et tu te suspendras, avec ta bouche, par le milieu alors que nous volerons avec toi dans les airs. Mais garde-toi, si tu entends les gens parler, de prononcer un mot. » Puis ils la portèrent et volèrent dans les airs. - « C’est incroyable, dirent les gens lorsqu’ils les virent,... Une tortue entre deux canards qui la portent. » - « Ô gens de mauvaise foi, que Dieu vous fasse crever les yeux ! » pensa la tortue, lorsqu’elle les entendit. Mais dès qu’elle ouvrit la bouche pour parler, elle tomba sur la terre ferme et creva. IBN-AL-MUQAFFA‘ (724-759, VIII° Siècle). (Du livre de Kalila Wa Dimna) Image Hosted by ImageShack.us
La tortue et les deux canards: Une tortue était, à la tête légère, Qui, lasse de son trou, voulut voir le pays. Volontiers on fait cas d’une terre étrangère ; Volontiers gens boiteux haïssent le logis. Deux canards, à qui la commère Communiqua ce beau dessein, Lui dirent qu’ils avaient de quoi la satisfaire. « Voyez-vous ce large chemin ? Nous vous voiturerons, par l’air, en Amérique : Vous verrez mainte république, Maint royaume, maint peuple : et vous profiterez Des différentes mœurs que vous remarquerez. Ulysse en fit autant. » On ne s’attendait guère De voir Ulysse dans cette affaire. La tortue écouta la proposition. Marché fait, les oiseaux forgent une machine Pour transporter la pèlerine. Dans la gueule, en travers, on lui passe un bâton. « Serrez bien, dirent-ils, gardez de lâcher prise. » Puis chaque canard prend ce bâton par un bout. La tortue enlevée, on s’étonne partout De voir aller en cette guise L’animal lent et sa maison, Justement au milieu de l’un et l’autre oison. « Miracle ! criait-on : venez voir dans les nues Passer la reine des tortues. -La reine ! vraiment oui : je la suis en effet ; Ne vous en moquez point. » Elle eût beaucoup mieux fait De passer son chemin sans dire aucune chose ; Car, lâchant le bâton en desserrant les dents, Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants. Son indiscrétion de sa perte fut cause. Imprudence, babil, et sotte vanité, Et vaine curiosité, Ont ensemble étroit parentage. Ce sont enfants tous d’un lignage. Jean de La Fontaine (1621-1695)

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