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Protège-moi de la fumée si tu peux

Publié le 17 janvier 2008 par Stenograf

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L’émission « Ça vous regarde » du 7 janvier 2008 sur LCP était dédiée à l’interdiction de fumer. Les invités étaient l’ancien ministre de la santé Claude Evin, le prof. Dautzenberg (chercheur qui expose nombre de « maléfices » du tabac), le président de la confédération des buralistes René le Pape et la porte-parole d’Alternative Libérale Sabine Herold. Frédérique Dupont de Freedom2Choose et Emmanuel du blog Interdiction de Fumer ont participé via webcam.

A un moment donné, face à tous les appels possibles à la responsabilité individuelle et au choix des établissements, M. Evin sortit son atout : alors comment protéger les employés des bars et restaurants de la fumée de cigarette ?

A mon avis, la réponse n’est pas simple. Je me souviens d’un employé de cafeteria, très jeune et aux graves difficultés respiratoires, qui collait une petite affiche près du comptoir : « pour des raisons de santé d’un collaborateur, veuillez ne pas fumer devant la caisse ». La plupart des clients respectaient la consigne – mais il suffisait d’avoir une personne peu civilisée sur 1000 par jour pour pourrir la vie du gars. On n’est ni dans l’égoïsme contre les « fumeurs qui puent » ni dans les chiffres douteux des décès par tabagisme : on est devant un travailleur qui souffre dans les environnements enfumés. Si l’on pousse assez loin l’argument de M. Evin, le résultat est : sans l’interdiction totale, l’employé pourra se voir obligé de sautiller de contrat en contrat jusqu’à ce qu’il trouve un bar non-fumeur qui l’embauche.

Je considère qu’il y a plusieurs façons de répondre à ce problème. Tout d’abord, voici la très pertinente contribution de Jean-Claude Masse :

“Peux-tu imaginer un seul instant un mécanicien qui demande à son patron qu’on ne mette plus d’huile dans les moteurs parce qu’il est allergique à l’huile ? ? ? Peux-tu imaginer un instant un maçon qui demande à son patron de pouvoir monter ses murs sans ciment parce qu’il est allergique au ciment? ? ? Peux-tu imaginer un marin qui demande à son patron de ne travailler que sur un bateau resté au port parce qu’il a le mal de mer ? ? ? Une personne allergique aux poils de chat chercherait-elle une place chez un vétérinaire ??? 

Dans aucun des autres cas cités et tout les autres, jamais ce raisonnement ne serait admis. Alors pourquoi brusquement une personne demanderait-elle une place dans un lieu de convivialité si elle se déclarait elle même incapable de faire face à tous les aspects de cette même convivialité ?  

Doit-on préférer soumettre le pizzaïolo dont j’ai parlé dans mon commentaire plusieurs fois par jour à des variations brutales de température au risque même de sa santé alors que lui, au départ il avait choisi son métier en parfaite connaissance de cause?  

Pourtant, ce que je dis la ne concerne que les employés dont la sensibilité allergique est manifestement incompatible avec le métier qu’ils exercent (Ou veulent exercer). Dès l’instant que l’interdiction de fumer est effective sur l’ensemble de tout les lieux de travail mis à part les lieux de convivialité, je ne vois pas pourquoi une personne atteinte d’une telle allergie voudrait à tout prix choisir le seul métier qui ne lui convient pas en jetant dehors pour cela la plus grande partie de la clientèle. 

Pour les autres, c’est à dire l’immense majorité, il aurait suffit de rendre obligatoire l’installation de hôtes aspirantes au dessus des tables fumeur et au dessus des comptoirs pour la simple raison que comme je l’ai dit dans un commentaire, une cheminée feux de bois qui marche dans un séjour d’habitation est capable de brûler des bûches de bois même mouillées et pleine de peinture sans répandre la moindre fumée dans l’habitation alors que le nuage de fumée qui sort par la cheminé est mille fois plus important que la fumée d’une cigarette. Pourtant, dans ce cas précis, il n’y a même pas de ventilation forcée et c’est le simple tirage naturel qui évacué la fumée. 

Alors, bien sur, des hôtes aspirantes résoudraient le problème de l’odeur des clopes.  

Le problème, c’est que les défenseurs de ce décret sont de mauvaise foi. Ce n’est pas le tabagisme passif qu’ils veulent combattre, c’est le tabagisme tout court.  

Souviens toi qu’il y a quelques mois lorsque le parlement européen a fait installer dans ses locaux des cabines fumeur bien aux normes, les anti-tabac ont protesté en ces termes: “Le parlement européen donne le mauvais exemple en trahissant l’esprit de cette loi qui est avant tout de limiter le tabagisme”. On ne pouvait donc pas êtres plus clair ! Les cabines fumeur en forme de bocal dépressurisé ne servent à rien d’autre qu’à donner du fumeur l’image d’un suicidaire dangereux. Ils emploient ce moyen là parce qu’ils sont frustrés de n’avoir jamais réussi à faire baisser la vente de tabac par des moyens honnêtes. Alors ils en viennent à des moyens malhonnêtes. Et c’est pourquoi nous somme la pour réagir car dans ce cas la, il s’agit bel et bien d’une atteinte aux libertés et à la dignité des fumeurs. 

Je tiens beaucoup à la comparaison avec la cheminée feux de bois parce qu’elle est très démonstrative de ce que je veux dire. 

Tu prends une cheminée feux de bois. Tu places dedans des débris de bois couverts de plusieurs couches de peinture et qui ont passé tout l’hiver à la cour sous la pluie. Tu arrose le tout avec de l’huile de vidange de moteur diésel, et tu termine en recouvrant le tout par des chambres à air ou des morceaux de pneus, et tu fais une bonne flambée avec tout ça.  

Au bout de 5 minutes les voisins  viendront sonner à ta porte pour te demander ce que tu es en train de brûler pour faire tant de fumée. Tu auras de la chance si les flics ne viennent pas sonner eux aussi à ta porte car le nuage sera visible à plusieurs kilomètres et il est interdit de faire autant de pollution.Et pourtant, dans ton séjour, il n’y aura aucune odeur.  

Alors comment veux-tu que de simples hôtes aspirantes au dessus des tables fumeur ne puissent pas évacuer la simple fumée d’une cigarette placée au dessous? La mauvaise foi de ceux qui refusent cette solution est évidente.” 

Jean-Claude Masse

Pour ma part, j’ai essayé d’abord de suivre la même logique stricte de « protection de la santé » du travailleur… Pour mon copain bagagiste qui souffre d’un mal de dos chronique, on devrait interdire toutes les valises d’un poids supérieur à 10 kg. Tous les chats devraient être tondus avant d’aller chez le vétérinaire pour préserver leurs assistants allergiques aux poils de chat. Les voitures devraient disparaître du jour au lendemain,. Toutes les fleurs devraient disparaître de chez les fleuristes pour que les vendeuses allergiques au pollen puissent y trouver un emploi. Et selon la même logique, tant pis pour les préférences professionnelles et pour les questions économiques : il y a des sacrifices à faire pour la santé publique… Sinon, réviser les paramètres de pénibilité au travail (il n’y pas a que la fumée qui peut rendre difficile le boulot de serveur ou barman) et les primes correspondantes.

En essayant une autre approche : il faut des vrais extracteurs et ventilateurs, lesquels la recherche devrait pouvoir rendre de plus en plus puissants, même pour protéger l’employé qui va fumer dehors sous la pluie, comme l’a proposé Jean-Claude… pourquoi l’extraction de l’air est-elle laissé de côté dans les débats ? Encore là, il n’y a pas que la clope qui dérange, loin de ça : une bonne grillade de deux heures peut libérer une quantité de dioxines (la substance non-radioactive la plus cancérigène qui soit) équivalente à celle de 200 000 cigarettes ! Et les fritures à répétition ? Et les bougies allumées ou l’encens dont on connaît de plus en plus les effets nocifs à long terme ? Va-t-on interdire d’allumer des centaines de bougies dans les églises et lieux de culte aussi si le responsable de nettoyage est asthmatique ?

L’argument ultime de l’interdiction – la protection de l’employé qui ne peut pas choisir d’aller ailleurs, contrairement au client – montre que les bonnes intentions peuvent recouvrir beaucoup d’hypocrisie et de résistance aux changements. Les fumeurs sont juste une cible facile – puisqu’ils continueront à payer les taxes du tabac même si on les relègue sur le trottoir – et très utile pour cacher toutes les autres misères environnementales parfois bien plus graves. En revenant sur le caissier aux poumons fragiles – devant lequel, d’ailleurs, tout fumeur responsable pourrait s’abstenir de fumer – même le bon extracteur et les salles bien séparées ne suffiraient à lui épargner la pollution généralisée de l’air, qui tue à on ne sait pas quel rythme ou degré. N’oublions pas que le nombre de cancer a augmenté de 63% ces 20 dernières années alors que pendant le même temps la vente de tabac a baissée de 40%. Une solution qui consiste à rejeter l’autre ne sera jamais une bonne solution.

Stenograf


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