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Sarkozy, Châtel & le mésusage permanent de la langue française

Publié le 05 janvier 2011 par Kamizole

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Le divorce permanent entre Nicolas Sarkozy, la culture en général et la langue française en particulier n’est pas nouveau et aura déjà fait suffisamment gloser les enseignants et les journalistes, de même que bien évidemment la très puriste mémé Kamizole. Pour preuve, des articles parus en leur temps dans Le Parisien (22 mars 2009) Sarkozy malmène le français et l’Express Quand Nicolas Sarkozy malmène le français (15 juin 2009) où Juliette Cua dressait un état des lieux sans concession :

«Nicolas Sarkozy cumule les erreurs de syntaxe et de les dérapages grammaticaux. Entre “parler vrai”, “discours cash” et phrases classiques forgées par ses conseillers, florilège des fautes de français du Président de la République. Nicolas Sarkozy en a fait l’une de ses marques de fabrique. Un “parler vrai” qui a l’avantage d’être accessible aux classes populaires - qui lui ont assuré son succès. Et tant pis si les erreurs grammaticales et le style décontracté des discours de Nicolas Sarkozy heurtent les élites et les défenseurs de la langue classique !».

Par “langue classique” n’entendre point un retour à l’admirable XVIIe siècle illustré par tant d’auteurs que je ne me risquerais pas à quelque fastidieux catalogue quand bien même l’aversion affichée par Nicolas Sarkozy contre «La princesse de Clèves» de Madame de La Fayette – fort amie de la marquise de Sévigné, autre “plume” incomparable de cette époque – tint paraît-il à ce qu’il trouva ce roman «complexe»… allant jusqu’à oser affirmer en 2006 «qu’il ne servait à rien de l’enseigner en cours» ! Un inculte notoire prescripteur de ce qu’il convient de faire étudier ! Où doit commencer l’histoire de la littérature pour Nicolas Sarkozy ? Mystère et boulle de gomme.

Je suis par ailleurs persuadée que cette «complexité» reprochée au roman de Madame de La Fayette tient principalement au tableau qu’elle dresse dans un style éblouissant des intrigues de la cour d’Henri II entre la favorite, Diane de Poitiers et la Reine, Catherine de Médicis, ainsi que les luttes entre diverses factions (Guise, Montmorency, etc.) qui aboutirent ensuite à la Ligue et aux guerres de religions. Toutes choses passionnantes pour qui aime l’Histoire mais supposent des connaissances qui ne se trouvent point dans une pochette-surprise. Factions que l’on retrouve au demeurant dans les divers épisodes de La Fronde.

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J’en reviens donc à mes moutons du jour. J’ai bondi dès potron-minet en voyant ce titre sur la Une du Monde Quand Luc Chatel défend la syntaxe de Nicolas Sarkozy (4 janvier 2011). «Défense et illustration de la langue française» non point par Jérôme du Bellay mais Luc Chatel ! Un ignare – fût-il ministre de l’Educ-Nat ! – défendant un autre ignare, ça doit forcément le faire

:)

Permettez-moi cependant de trouver aussi formidablement curieuse et ridicule que totalement inutile la démarche de François Loncle, député PS de l’Eure qui avait adressé en novembre 2010 une question écrite à Luc Chatel sur la question du parler présidentiel, lui demandant de… «remédier sans délai aux fautes de langage du chef de l’Etat»… Quand bien même Luc Chatel serait-il un défenseur sourcilleux de la langue française et non point le béni-oui-oui de première bourre que l’on connaît, je ne vois pas comment il pourrait redresser Nicolas Sarkozy !

Théoriquement, une question écrite d’un parlementaire devrait donner lieu à une réponse publiée au Journal Officiel. Mais comme en bien d’autres matières, les règles les mieux établies ne sont pas respectées et c’est donc par le biais d’une réponse directement adressée à François Loncle que nous connaîtrons la substantifique moelle de la pensée de Luc Chatel. Et je peux vous garantir que cela vaut son pesant de cacahuètes !

Or donc, pour Luc Chatel il s’agirait d’un «injuste procès» fait à Nicolas Sarkozy d’autant affirme-t-il «qu’il n’est d’ailleurs pas le premier responsable politique critiqué pour de prétendues entorses à l’égard de l’orthodoxie de notre grammaire». Je ferais remarquer qu’il ne s’agit nullement d’entorses prétendues mais tout à fait réelles et quand bien même Luc Chatel ne disposerait-il pas du pouvoir de modifier les mauvaises habitudes de Nicolas Sarkozy, il serait bien avisé – en tant que ministre ayant autorité sur ces questions – de ne point lui donner un tel blanc-seing…

C’est pourtant ce qu’il fait sans vergogne ! estimant que ces critiques ne tiennent pas compte «du sens de la proximité» de Nicolas Sarkozy dont le choix des expressions est volontaire. Entendez qu’il cherche “faire peuple” ou pour le moins l’image qu’il a du parler populaire. Nous ne connaissons trop bien son goût pour la démagogie populiste.

On ne saurait tomber plus bas dans l’apologie du discours sarkoïdal : Luc Chatel estime en effet que le parler du chef de l’Etat «montre de grandes qualités rhétoriques, telle que la force expressive, la conviction, l’a-propos, la répartie ou la puissance d’évocation». Encore un peu et il oserait – à condition de le connaître – le comparer à Démosthène !

Luc Chatel défend le parler «clair et vrai» qui refuse le style amphigourique et les circonvolutions syntaxiques qui perdent l’auditeur et le citoyen» ! Pauvre de nous qui ne sommes même pas avertis que le respect de la syntaxe est un piège à cons

:)

Permettez-moi de penser que s’il y a des circonvolutions où se perd la pensée de Nicolas Sarkozy elles ne sont point du tout d’ordre ni syntaxique ni sémantique mais tout simplement celles des méandres de son cerveau. Pour y retrouver quelque fil qui soit il n’y faudrait pas un grammairien – Maurice Grévisse «Le bon usage» ! y perdrait son latin – mais un psychiatre.

Je ne sais où Luc Chatel est allé pêcher son «style amphigourique» – entendre abscons, embrouillé et incompréhensible. Comme s’il n’y avait d’autres voies que celle de Nicolas Sarkozy pour s’exprimer clairement. J’ai fort heureusement été élevée par un père qui entre autres préceptes de Nicolas Boileau – «cent fois sur le métier» ne cessait de me répéter : «Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément» (L’art poétique, 1674) et pour me plonger toujours avec le même ravissement dans son œuvre où la beauté de la langue n’a d’égale que la simplicité voulue de l’expression, je ne peux que mesurer les ravages sans nom que Nicolas Sarkozy inflige à la qualité de l’expression française.

Quant à la “pensée”, n’en parlons pas ! Nicolas Sarkozy ne nous abreuve pas d’une réflexion logique sur différents problèmes mais d’un salmigondis d’absurdités mêlées de mensonges plus éhontés les uns que les autres. Il ne fait nullement appel à l’intelligence du peuple ce qui supposerait d’élever le débat mais aux pires instincts qu’il ne craint nullement de déchaîner à grands renforts de «gros rouge qui tache». Pur mépris pour le peuple.

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